Bienvenue à Sustenlandia
Conclusion de la conférence : le contexte actuel de dérèglement climatique seul les acteurs économiques qui sauront s’adapter aux nouveaux standards de durabilité survivront.
Iulia Hau, 23.10.2024, 12:40
A Sustenlandia, une conférence organisée à Bucarest par l’association Ambasada Sustenabilității în România, comprendre Ambassade de la durabilité, la disparition tendancielle du culte du profit comme seul horizon et raison d’être du capitalisme a été discutée. Il ressort de la conférence que dans le contexte actuel de dérèglement climatique seul les acteurs économiques qui sauront s’adapter aux nouveaux standards de durabilité survivront. Les entreprises doivent prendre la mesure de leurs responsabilités face aux communautés humaines et à l’environnement.
Sur scène, aux côtés des représentants des plus grandes entreprises roumaines, se trouvaient trois grands noms internationalement liés au concept de durabilité. John Elkington est l’un d’entre eux. Surnommé le parrain de la durabilité, il est devenu une référence dans le secteur de la responsabilité des entreprises et a écrit 20 livres qui font autorité en la matière. Fort d’un demi-siècle d’expérience et de réflexion, John Elkington nous fait part de son point de vue sur la durabilité des sociétés roumaines.
« Il y a en Roumanie un passé d’exploitation du pétrole par exemple qui était problématique et va le devenir de plus en plus. Dans le domaine agricole, coexistent des agriculteurs conventionnels qui pratiquent une agriculture intensive basée sur les pesticides et les engrais et d’autres qui s’orientent vers des pratiques d’agriculture biologique. C’est dur de généraliser mais je dois confesser, au vu des discussion d’aujourd’hui, que je suis fortement surpris du niveau des débats qui est bien plus élevé que ce à quoi je m’attendais, en tout cas dans les réseaux présents à la conférence. »
Pour les personnes extérieures, le marché roumain des entreprises semble toujours fondé sur une mentalité ancienne. Lorsqu’on lui demande ce qu’il en pense, John Elkington répond :
« Il est parfaitement compréhensible, dans un pays comme la Roumanie, dans une économie comme la vôtre, qui sort d’une période où l’on avait une compréhension très différente de ce que signifiait la valeur et de la manière dont elle devait être créée, que les gens se soient efforcés de démontrer qu’ils pouvaient faire des bénéfices de manière à attirer les investisseurs et, finalement, le monde entier. Mais je pense que si vous regardez d’autres parties du monde, ce sont les catastrophes qui ont réveillé les gens au début de ce programme de changement. Ce sont les choses qui ont mal tourné. Les situations d’urgence. Et très souvent, j’ai travaillé avec des entreprises qui ont été directement touchées ou qui ont vu d’autres entreprises de leur secteur traverser de très gros problèmes. Mais, entre-temps, les choses ont changé et il est possible qu’elles aient également changé en Roumanie, et les entreprises, au lieu de considérer le changement comme un simple effort de gestion des risques, commencent à réaliser qu’il s’agit en fait des opportunités du futur, de ce que les marchés voudront. Comment pouvons-nous avoir une longueur d’avance ? Comment pouvons-nous servir de nouveaux types de consommateurs, de nouveaux types de clients, de nouveaux types d’investisseurs, etc. Mais tout le monde ne pensera pas ou n’agira pas de la sorte. Beaucoup de ceux qui dirigent des entreprises traditionnelles, purement orientées vers le profit, ne changeront pas. Ils partiront seulement à la retraite ou ne seront plus là. La question est donc la suivante : comment pouvons-nous accélérer le processus d’accession des jeunes à des postes d’influence, puis de pouvoir ? Parce qu’en général, les jeunes ont tendance à être plus conscients du monde qui les entoure. »
Les discussions sur scène étaient animées par Charlie Cox, fondateur d’une société britannique qui aide les dirigeants d’entreprises à adopter l’état d’esprit entreprenarial nécessaire à la lutte contre le changement climatique. À la question de savoir quelles forces motivent les gens à réformer la gestion de leurs entreprises, à donner la priorité à l’environnement, Charlie Cox répond :
« Souvent, lorsque nous pensons au changement, nous pensons à la manière de faire les choses, nous pensons en termes d’action. Or nous devons également tenir compte de la motivation. La motivation est le premier des trois éléments. Il s’agit de se connecter aux valeurs inhérentes et intrinsèques des personnes, à leur but, nous pourrions dire à leur fibre morale. Il s’agit d’exploiter cette partie de l’être humain qui, à l’âge de quatre ans, voulait devenir astronaute, ce rêve, cet amour, ce sentiment de vouloir sauver une coccinelle. Cette partie de nous est toujours vivante, mais en tant qu’adultes, nous l’avons réprimée et il est très important d’y accéder à nouveau. J’aurais l’air idéaliste si je ne mentionnais pas deux autres choses : la rareté et la pertinence, qui sont presque les deux faces d’une même pièce. L’un d’eux est, et j’utilise ce terme avec prudence, l’activation du sentiment de peur, de la menace que quelque chose va vous frapper si vous ne faites pas de changement. Quel est le risque pour votre entreprise si vous restez immobile et ne faites rien ? Nous pouvons parler, par exemple, de ces vieilles entreprises d’il y a 30 ans dont nous pensions qu’elles existeraient toujours et qui sont aujourd’hui complètement obsolètes en raison de l’évolution de la technologie. Il s’agit donc de rappeler aux gens qu’ils doivent s’alignent sur les nouvelles exigences sinon ils seront laissés pour compte. Le revers de cette médaille est la pertinence. Il s’agit ici d’aider les entrepreneurs à sentir qu’ils resteront pertinents et qu’ils feront partie d’un mouvement général de changement s’ils choisissent de changer eux-mêmes. Il s’agit de l’autre face de la même pièce, au lieu d’être laissés pour compte, ils ont la possibilité de participer au changement. Mais pour cela, nous avons besoin de données sur les tendances, nous devons dire aux gens : « Ne faites pas quelque chose qui sorte de l’ordinaire ou qui soit inédit, à moins qu’ils ne veuillent être des pionniers. Vous faites en fait partie d’une vague d’entreprises qui vont dans la même direction ». Cela crée un sentiment de sécurité, un sentiment d’appartenance, un sentiment que vous n’allez pas vous faire virer en tant que PDG ou par l’équipe de direction parce que vous allez simplement dans la direction que tout le monde prend et que vous êtes en sécurité. »
Wayne Visser, qui fait partie du classement de l’Université Harvard des 100 penseurs phares de l’entreprenariat de confiance, était le troisième invité extérieur à s’exprimer. Wayne Visser est fermement convaincu qu’aucun homme ne peut à lui seul changer le monde, mais que chacun peut le faire dans sa sphère d’influence :
« C’est là, je pense, que l’action locale peut être extrêmement puissante. Si vous regardez ce que certains maires ont fait au niveau de la ville sur le changement climatique, cela a été beaucoup plus efficace que ce que certains gouvernements nationaux ou certaines collaborations internationales ont fait. Et à juste titre, parce que les maires peuvent voir l’impact au niveau local, ils ont souvent plus de pouvoir pour prendre des décisions et mettre en œuvre des solutions, et il est tout simplement plus facile pour eux de gérer le problème et la solution. Bien qu’il faille agir à tous les niveaux et que tous doivent travailler ensemble, je ne pense pas qu’il faille attendre d’avoir une législation idéale et que tout le monde soit d’accord. Vous savez ce qu’on dit : ne laissons pas la perfection être un obstacle au changement. »
Un ensemble de défis pour les nouvelles générations d’entrepreneurs roumains sur lesquels repose la transformation de l’économie du pays. (Trad : Clémence Lheureux)