Bibliothèques publiques dans l’espace rural
. Ceci étant, il va de soi que le marché du livre de Roumanie ne rapporte pas gros et que les tirages ne sont pas spectaculaires. En 2013 par exemple, les ventes de livres en ligne et hors ligne s’est monté à 60 millions d’euros, un chiffre nettement inférieur à celui enregistré dans d’autres pays, surtout d’Occident, soit plusieurs centaines de millions d’euros.
Christine Leșcu, 18.03.2015, 14:25
. Ceci étant, il va de soi que le marché du livre de Roumanie ne rapporte pas gros et que les tirages ne sont pas spectaculaires. En 2013 par exemple, les ventes de livres en ligne et hors ligne s’est monté à 60 millions d’euros, un chiffre nettement inférieur à celui enregistré dans d’autres pays, surtout d’Occident, soit plusieurs centaines de millions d’euros.
En Roumanie, la vente et la parution de livres numériques sont les seules à avoir suivi une tendance ascendante ces dernières années. Alors que la moyenne annuelle des ventes dans les librairies est de seulement un livre par personne, celle des ventes sur Internet est 10 fois plus importante. Vu que bien des gens justifient leur désintérêt pour l’achat de livres par les prix prohibitifs, on pourrait croire qu’ils optent plutôt pour un abonnement à la bibliothèque publique. Rien n’est moins vrai, car les bibliothèques ne vont pas très bien.
Certaines d’entre elles, surtout en milieu rural, ont dû fermer leurs portes, ce qui fait que sur les 3300 bibliothèque rurales d’il y a quelques années, il n’en reste plus que 3000. Que faut-il faire alors afin de raviver l’intérêt pour les bibliothèques, surtout en ces temps de crise économique et de révolution numérique? Repenser le rôle de la bibliothèque au sein de la communauté. C’est qu’a fait la Bibliothèque nationale de Roumanie au travers du programme Biblionet.
Ecoutons Claudia Şerbănuţă, directrice générale de cette institution : « Démarré en Roumanie il y a 7 ans, Biblionet a bénéficié de fonds provenant de la Fondation Bill et Melinda Gates, étant géré par l’association non gouvernementale IREX. Grâce à ce projet, 2200 bibliothèques rurales ont été dotées d’équipements électroniques. L’administration locale devait seulement le souhaiter et assumer le coût de la connexion à Internet. De manière tout à fait surprenante, toutes les bibliothèques n’ont pas accepté ce projet, pourtant la grande majorité, soit 2.200 sur 2.800 ont dit « oui ». Par le même projet, les bibliothécaires ont suivi une formation pour apprendre à utiliser les équipements et aider les autres à s’en servir. »
Bien que provenant du milieu non gouvernemental, le programme Biblionet a été assumé et il est actuellement géré par la Bibliothèque nationale. Claudia Şerbănuţă : « Depuis l’introduction du programme, non seulement le nombre de visiteurs a augmenté, mais les services ont été diversifiés. Si, avant, certaines bibliothèques offraient à peine une salle de lecture et quelques vieux bouquins, après l’arrivée des ordinateurs les visiteurs y ont afflué, pas nécessairement attirés par la lecture, mais par les nouvelles possibilités que ces espaces leur offraient. Par exemple, entre 2011 et 2014, dans 400 de ces bibliothèques, 116.000 fermiers ont mis en ligne leurs demandes de subventions agricoles.»
Les quelques 2.000 bibliothèques rurales inscrites au programme Biblionet sont devenues de véritables « laboratoires de la communauté » – affirmait la députée européenne Renate Weber. Elle en a visité deux, à l’invitation de la Bibliothèque nationale de Roumanie, en collaboration avec le programme Biblionet et à l’initiative de « Public Libraries 2020 », de la fondation néerlandaise Reading & Writing. Renate Weber s’est rendue à Marpod et Avrig, deux localités du comté de Sibiu, et elle a été impressionnée par ce qu’elle a vu : « Ces bibliothèques sont devenues effectivement des laboratoires pour toute sorte de projets lancés par les communautés locales. A Avrig, j’ai vu un groupe d’enfants qui cherchait sur Internet et téléchargeait des pièces de théâtre, pour les adapter et les mettre en scène. Ils le font tout seuls et leur répertoire compte déjà 12 pièces. Il y a ensuite un groupe de personnes plus âgées qui souhaitent préserver les traditions et elles se réunissent à la bibliothèque pour apprendre aux jeunes à filer et à tisser. Et c’est toujours là qu’a été fondée l’Association des éleveurs de bétail, dont les membres se réunissent à la bibliothèque, où ils ont accès à l’information. Et c’est toujours la bibliothèque qui accueille les réunions du conseil local, car à Marpod et à Avrig, les autorités locales ont fait preuve de beaucoup d’ouverture. On y organise également des cours de langues étrangères, sans coûts supplémentaires, car dans toute communauté on peut trouver quelqu’un pour enseigner une langue étrangère. Ces bibliothèques sont devenues une sorte de moteur de la communauté. »
Ces moteurs ont pourtant besoin d’argent pour fonctionner. Et les fonds peuvent venir même des institutions européennes, si l’on sait quand et comment les demander. Renate Weber : «Même si les aspects liés à la culture et à l’éducation sont réglementés par la loi au niveau de l’UE, en appliquant le principe de la subsidiarité, en réalité, les fonds alloués par l’UE doivent avoir une destination précise. Pour ma part, lorsque le PE débattra du budget annuel, je vais m’assurer qu’il y ait des fonds auxquels la Roumanie pourra accéder afin de doter les bibliothèques, par exemple. »
C’est maintenant à la Bibliothèque nationale et aux autorités locales qui le souhaitent de former les bibliothécaires pour les nouveaux rôles qu’ils devront jouer dans le cadre des laboratoires de leurs communautés. Claudia Şerbănuţă explique: « 80% des bibliothèques publiques de Roumanie se trouvent en milieu rural. C’est un pourcentage énorme. La plupart des bibliothécaires travaillent dans de petites communautés qui ont des besoins spécifiques. Ils peuvent compter sur le soutien de la Bibliothèque nationale. La balle est maintenant dans le camp de l’administration locale : c’est à elle de trouver du financement pour les projets de formation professionnelle. Mais elle n’est pas seule dans cette démarche. Lorsque nous avons invité Mme Renate Weber à Sibiu, il nous a été très difficile de choisir le meilleur endroit, tant les projets à succès déroulés sur l’ensemble du pays sont nombreux. Par exemple, à Medgidia (ville sur la côte de la Mer Noire), il y a un groupe de soutien pour les personnes ayant survécu au cancer du sein. L’initiative appartient à une bibliothécaire de la zone, qui n’a pas bénéficié de soutien financier, mais de l’appui des membres de la communauté. Les gens ont besoin de s’informer et ils ne savent pas à qui s’adresser. C’est pourquoi les bibliothèques doivent viser leurs communautés et se transformer institutions pertinentes pour les habitants, au lieu de rester de simples dépôts de livres. »
Et puis, une fois que les gens franchissent à nouveau les seuils des bibliothèques, ils retrouveront sans doute l’appétit pour la lecture. (Trad. Mariana Tudose, Dominique, Valentina Beleavski)