Apprendre à reconnaître et à survivre dans un environnement de travail toxique
Nous
avons tous régulièrement la sensation d’aller au travail à reculons. Une fois
sur place, nous adoptons un comportement que nous avons nous-mêmes souvent
beaucoup de mal à reconnaître et qui nous interroge : qui de ces deux
personnes, celle du travail ou celle de la maison, sommes-nous vraiment ?
Nous sommes tantôt angoissés, tantôt extrêmement irritables et nous comptons
les heures et les minutes avant de pouvoir rentrer chez nous. Après quoi, nous
entrons dans une nouvelle phase, celle de la décompression, durant laquelle
nous nous défoulons sur nos proches ou bien sur soi-même. Et rebelote le
lendemain, c’est la même rengaine. Alors que se passe-t-il vraiment ? Nous
travaillions manifestement dans un environnement toxique qui laisse sur nous
une empreinte indélébile. Soyons clairs, la démarche consistant à laisser les
problématiques liées au travail sur le pas de notre porte en rentrant chez nous
après une longue journée de labeur, ne fonctionne tout bonnement pas.
Luiza Moldovan, 14.06.2023, 06:20
Nous
avons tous régulièrement la sensation d’aller au travail à reculons. Une fois
sur place, nous adoptons un comportement que nous avons nous-mêmes souvent
beaucoup de mal à reconnaître et qui nous interroge : qui de ces deux
personnes, celle du travail ou celle de la maison, sommes-nous vraiment ?
Nous sommes tantôt angoissés, tantôt extrêmement irritables et nous comptons
les heures et les minutes avant de pouvoir rentrer chez nous. Après quoi, nous
entrons dans une nouvelle phase, celle de la décompression, durant laquelle
nous nous défoulons sur nos proches ou bien sur soi-même. Et rebelote le
lendemain, c’est la même rengaine. Alors que se passe-t-il vraiment ? Nous
travaillions manifestement dans un environnement toxique qui laisse sur nous
une empreinte indélébile. Soyons clairs, la démarche consistant à laisser les
problématiques liées au travail sur le pas de notre porte en rentrant chez nous
après une longue journée de labeur, ne fonctionne tout bonnement pas.
Pour
mieux comprendre ce phénomène, nous avons rencontré Andra Pintican, conseillère
de carrière et experte RH, avec qui nous avons parlé de cet environnement
toxique de travail.
Comment reconnaître une telle toxicité ? Andra Pintican :
«
Voici quelques indicateurs : des managers très autoritaires, qui font du
micro management et n’offrent aucune liberté ni autonomie à leurs employés afin
que ces derniers remplissent leurs objectifs. Dans ce cas-là, il n’existe au travail aucun espace permettant
de se sentir psychologiquement en sécurité ; nous craignons de nous
exprimer librement car nous sommes convaincus qu’en le faisant nous subirons
des représailles, même lorsque nous sommes à 100 % persuadés que notre
hiérarchie a tort ; nous respectons malgré tout les consignes qui nous ont
été données, conscients que notre opinion dans l’entreprise n’est de toute
façon pas prise en compte. Personne au sein de la hiérarchie ne semble assumer
ses responsabilités en cas d’erreur, préférant au contraire désigner un bouc
émissaire, plutôt que de trouver une solution, nous ne nous sentons pas en
confiance. En fait, dans un milieu toxique, je pense qu’il s’agit là du
problème le plus grave : ne pas avoir confiance les uns en les autres et
avoir cette impression permanente que quelqu’un va nous faire du mal. C’est le
premier indice et le plus important à repérer, selon moi. Car à partir du
moment où un employé ne se sent plus en sécurité, il se met en hyper vigilance
et reste en permanence sur la défensive, ce qui l’empêche d’être performant
dans son travail. »
Les temps sont durs et nous sommes prêts à faire
d’énormes compromis pour gagner notre vie. Au point d’accepter de travailler
avec des managers toxiques. Et de nos jours ce type de management est très
répandu, en tout cas dans les organisations.
Andra Pinctican nous offre
quelques clés pour apprendre à reconnaître un manager toxique et désamorcer son
comportement :
« Lorsque
l’on entretient une relation toxique avec son manager – je préfère utiliser ce
terme plutôt que celui de chef, qui n’a plus vraiment lieu d’être en 2023 – la
première chose à faire c’est de le démasquer. Il faut d’abord prendre
conscience que quelque chose ne tourne pas rond, et c’est très difficile, car
nous avons encore cette tendance aujourd’hui de croire que certains
comportements toxiques sont tout à fait normaux. Or, non, ce n’est pas normal
de se faire hurler dessus, de se voir interdire de poser des congés car on ne
peut pas être remplacé. Nous avons des droits et ces droits doivent être
respectés, ainsi que des responsabilités, que nous devons honorer, cela va de
soi. Un manager toxique adopte un comportement inadéquat avec vous, ne respecte
ni vos droits au travail ni votre espace personnel, vous envoie des messages à
des heures indues, vous demande de sacrifier votre vie personnelle au profit de
votre travail et vous fait faire beaucoup plus de missions que celles annoncées
sur votre fiche de poste. Face à ce genre de personnalité au travail, il est
essentiel d’apprendre à instaurer des limites et à se faire respecter, de
connaître sa fiche de poste, de savoir de quoi l’on est ou non responsable pour
remplir ses obligations, le tout en demandant à son supérieur d’être respecté
dans l’ensemble de ce processus. Dites-lui comment vous souhaitez qu’il
s’adresse à vous, informez-le, lorsque vous estimez que son ton ou son
vocabulaire ne sont pas appropriés, que vous n’acceptez pas cela dans le cadre
d’une relation professionnelle et exprimez vos attentes concernant votre
relation de travail afin que les choses se déroulent convenablement. Car,
soyons réalistes, personne ne peut deviner à votre place ce dont vous avez
besoin. »
Pour Andra Pintican, il est important de
reformuler régulièrement nos attentes au travail. Mon collègue se rend-il
compte qu’il est toxique pour moi ?
« Dans
99 % des cas, votre manager ou votre collègue n’a aucune idée qu’il a un
comportement toxique. Et cela s’explique, car nous ne savons pas, et c’est
aussi culturel, reconnaitre une relation toxique. Nous pensons qu’il est normal
de crier sur quelqu’un, de motiver les troupes en tentant de les décourager ou
de leur faire peur. Heureusement, cela ne fonctionne plus. Mais,
malheureusement, il nous aura fallu énormément de temps pour en prendre
conscience. Les choses sont en train de changer. Certains commencent à prendre
conscience de ce qu’est une relation professionnelle saine dans un
environnement de travail bienveillant. Nous avons encore du mal à instaurer de
telles relations, mais nous allons y parvenir progressivement. Mais lorsque
l’on est face à des collègues dont le comportement est toxique, bien souvent
ces derniers ne s’en rendent même pas compte, notamment parce que personne ne
leur en fait la remarque, de façon assertive. Difficile, alors, pour eux d’en
prendre conscience. Bien souvent, on s’énerve, on leur crie dessus et eux, ils
se mettent sur la défensive. Ou alors on joue les victimes en leur disant
qu’ils nous font souffrir, ce qui ne fait que les conforter dans leur position
de personne toxique. Afin de mettre un terme à ce genre de dynamique, qui se
produit fréquemment sans le milieu du travail (ce sont des jeux psychologiques
qui nous maintiennent dans une sorte de cercle vicieux professionnel) nous
avons tous besoin de travailler sur nous-mêmes et sur notre relation face à
l’autre. Et surtout, il est primordial de fixer et exprimer régulièrement nos
besoins et nos attentes. Si l’on vous rabâche les oreilles, avec ça, c’est
parce que c’est extrêmement important afin d’améliorer les relations au travail
en Roumanie. »
Commençons par apprendre à nous respecter
nous-mêmes, et nous verrons ensuite la magie opérer dans tous les autres
domaines de notre vie, y compris au travail, estime Andra Pintican :
« Dans la plupart des cas, démissionner
n’est pas la solution. Pourquoi ? Parce que nous quittons un environnement
de travail toxique mais attention, nous avons nous-mêmes contribué à instaurer
cette toxicité. Il y a donc fort à parier que nous reproduisions les mêmes
erreurs sur notre prochain lieu de travail et qu’après 2 ou 3 ans, voire moins,
on se retrouve dans la même situation. Le problème, c’est que nous contribuons
tous à la mise en place de ces liens toxiques. Nous accusons nos managers ou
nos collègues, mais en réalité, si ces gens se comportent mal avec nous c’est
aussi parce qu’on les laisse faire. Et si l’on n’apprend pas à décrypter les
premiers signaux, y compris chez nous, des comportements toxiques qui
encouragent les comportements toxiques chez les autres, on ne parviendra jamais
à se sortir de ce cercle vicieux, pas même en démissionnant. »
Et
le fonctionnement de l’entreprise finit aussi par en pâtir, comme nous l’explique
Andra Pintican :
« Sur le long terme, les conséquences de tels
comportements sont dévastatrices. A partir du moment où un employé se rend au
travail avec un sentiment d’insécurité, dans une atmosphère de conflit, il est
contraint de rester en permanence sur la défensive. Et au niveau individuel et
personnel, cela produit beaucoup de dégâts, dans notre corps notamment. Cet
état de stress permanent a de multiples conséquences sur notre santé, surtout
physique, et se termine souvent par un burnout. C’est ce qui se produit sur le
plan individuel. Sur le plan collectif, en revanche, un groupe, une équipe en
souffrance est bien souvent incapable d’exprimer clairement qu’elle est en
burnout ou en dépression. A partir du moment où chaque membre de l’équipe
souffre, les interactions entre ces individus vont devenir de plus en plus
toxiques. Je pense qu’il est inutile de rappeler les conséquences dévastatrices
que cela peut avoir sur leurs performances, leurs relations avec les clients,
leurs capacités à innover… Quand chacun dépense toute son énergie pour
survivre, pour sauver sa peau et rester en compétition pour être le meilleur,
je pense qu’il est impossible de se concentrer sur les besoins des clients ou
le fonctionnement de l’entreprise. Toute votre énergie est consacrée à votre
survie. » conclut notre
invitée Andra Pintican.
(Trad : Charlotte Fromenteaud)