Aide numérique à l’éducation des enfants mal voyants
Favoriser l’accès au numérique des enfants mal voyants leur permettrait une meilleure insertion sociale, selon l’Organisation Sauver les Enfants. Grâce au soutien de la Fondation Orange, celle-ci a réussi la mise en place, une année durant, de mai 2014 à juin 2015, d’un projet d’éducation numérique à l’intention d’un échantillon de 400 enfants mal voyants de Bucarest, Timisoara, Cluj, Buzau, Targu Frumos et Arad. S’y sont ajoutés mille autres qui ont reçu des informations au sujet des ressources numériques qui leur soient destinées.
România Internațional, 16.09.2015, 13:18
L’idée de cette initiative repose sur les résultats d’une étude qui montrent que plus de la moitié de ces enfants voudraient bien qu’ils se fassent mieux comprendre par nous, les autres, pour lesquels leurs défis – tels l’accès à l’éducation ou aux services en ligne – restent souvent méconnus. En plus, le projet a permis à la communauté de connaître et d’admirer les créations de ces enfants dont les talents sont souvent ignorés. Lancé sous le nom de E-sight, le projet s’est proposé concrètement de présenter à ces enfants les technologies numériques à l’intention des personnes non ou malvoyantes qui, une fois maîtrisées, leur faciliteraient la participation sociale et l’accès au marché de l’emploi. La Roumanie dénombrait en 2014 un peu plus de 3000 enfants malvoyants, selon des statistiques officielles.
Or, souvent, ils sont oubliés, affirme Teodora Stoica de l’Organisation « Sauver les Enfants » qui reprend au micro de RRI les raisons pour lesquels le projet E-sight fut si important: « Le projet s’est proposé en tout premier lieu d’appuyer ces enfants à s’exprimer librement, tout en stimulant la communication entre eux. Ensuite, on a voulu tirer la sonnette d’alarme au sujet de la situation et des problèmes que ces enfants doivent surmonter. Et finalement, le projet a permis l’accès de ces enfants à des ressources éducationnelles adaptées à leurs besoins. Pour atteindre le premier objectif, nous avons organisé une série d’ateliers menés par 55 bénévoles qui ont réalisé toute sorte de projets artistiques avec les enfants : différentes peintures, collages, figurines. Et puisqu’on s’est proposé de rendre la communauté consciente des problèmes auxquels ces petits sont confrontés, on a décidé de réunir leurs ouvrages dans des expositions organisées du 29 mai au 17 juin à Buzau, Arad, Cluj Napoca, Timisoara et Targu Frumos. »
Le projet E-sight a porté également sur le développement d’une plate-forme en ligne qui offre toute sorte de renseignements et des applications numériques à l’intention des enfants mal voyants. Parallèlement à ce projet, la Bibliothèque nationale de Roumanie s’implique à son tour à soutenir la cause des personnes malvoyantes qui se verront proposer bientôt un service de prêt numérique.
Une fois assuré l’accès à la lecture, leur insertion sur le marché de l’emploi sera plus facile, selon Claudia Serbanuta, directrice générale de la Bibliothèque nationale de Roumanie: « La Bibliothèque s’apprête à proposer d’ici la fin de l’année des livres au format accessible à toutes les catégories de personnes, soient-elle voyantes ou mal-voyantes. Donc, toutes les personnes mal voyantes qui n’ont pas encore de permis de bibliothèque, peuvent nous écrire pour en obtenir un et ensuite, elles pourront télécharger des livres en format numérique depuis n’importe quel ordinateur. C’est un premier coup de main que la Bibliothèque souhaite leur donner ».
Le projet « E sight » a également comporté la réalisation d’un documentaire présentant l’histoire de Livia Frona, une fillette non voyante de Târgu Frumos, âgée de 10 ans et passionnée de piano: « J’aime beaucoup jouer du piano, car je sens que j’ai un lien particulier avec cet instrument. Mozart est mon compositeur préféré. Quand je joue du piano, une grande joie envahit mon âme. Je souhaite devenir pianiste et j’aimerais, si possible, me rendre en Autriche, là où Mozart est né. »
Eusebiu Toma est tout aussi talentueux. Il a 17 ans, il est lycéen et il aime la musique traditionnelle: « Au début, ce fut un peu difficile. Je ne m’attendais pas à pouvoir atteindre un tel niveau. Nous avons des choses à apprendre… toute notre vie est une course… que nous devons gagner, finalement. Je me suis rapproché de la musique à l’âge de 9 ans. J’avais un orgue jouet et j’ai commencé à en jouer… En constatant que j’aimais beaucoup jouer, mes parents ont contacté un professeur du Lycée pédagogique de Botoşani. Au début, j’ai collé des bulles de formes différentes sur le clavier de mon orgue, pour apprendre les touches. Quand j’ai eu 12 ans, ma mère m’a acheté une flûte champêtre. Je mémorisais les mélodies, car, étant non voyant, je ne pouvais pas lire les notes. J’enregistrais chaque mélodie sur mon portable et ensuite j’apprenais à la jouer. J’ai continué par la clarinette, le chalumeau — qui est la plus grande des flûtes champêtres — et l’ocarina. Et j’envisage de m’initier à la cornemuse et à la « tilinca », la plus ancienne des flûtes champêtres. »
Les personnes mal et non voyantes constituent un groupe défavorisé au niveau de la société roumaine. Les études menées ces dernières années placent la Roumanie sur une des dernières places pour ce qui est de leur intégration sur le marché du travail : seulement un jeune sur 15 appartenant à cette catégorie trouve un emploi.
Simona Penescu, directrice exécutive par intérim de la Fondation Orange Roumanie: « Théoriquement parlant, c’est-à-dire au niveau législatif, la situation n’est pas mauvaise. Il existe une loi qui oblige les grandes compagnies à embaucher des personnes touchées par différentes déficiences. C’est le côté pratique qui pose problème. Souvent, les employeurs préfèrent payer une amende à l’Etat plutôt que d’embaucher des personnes malvoyantes, car ils ont peur. Nous pourrions organiser des débats, des ateliers avec les employeurs pour leur expliquer. Le comble, c’est que les employeurs, peu nombreux, qui embauchent des malvoyants, sont très satisfaits du travail qu’ils font. Nous devons donc leur faire comprendre les capacités des personnes ayant une déficience. »
Une fois le lycée terminé, les possibilités de continuer leurs études sont très réduites pour les jeunes mal – ou non voyants. Ceux qui réussissent sont aidés par leurs parents, qui supportent les coûts des équipements très performants et très chers nécessaires pour adapter les cours à leurs besoins. Par exemple, un lecteur d’écran coûte environ 1000 euros. La Roumanie compte environ 3.200 enfants et plus de 100 mille adultes mal et non voyants. (trad. : Ioana Stăncescu, Dominique)