Activisme civique en 2017
Réunis dans des groupes de travail informels, les citoyens de plusieurs villes de Roumanie ou de plusieurs arrondissements de la capitale, Bucarest, ont commencé à mettre de la pression sur les autorités locales pour qu’elles trouvent des solutions aux différents problèmes de la vie en communauté. Les résultats n’ont pas tardé. Il suffit de penser aux actions des groupes d’initiative civique des quartiers bucarestois de Drumul Taberei ou encore de Tei qui ont poussé les mairies locales à démarrer les travaux de rénovation d’un ancien complexe culturel ou encore à protéger un espace vert voué à la destruction. D’autres groupes appuient les personnes démunies, en leur offrant vêtements, aliments et parfois un peu d’argent.
Christine Leșcu, 17.01.2018, 15:04
Réunis dans des groupes de travail informels, les citoyens de plusieurs villes de Roumanie ou de plusieurs arrondissements de la capitale, Bucarest, ont commencé à mettre de la pression sur les autorités locales pour qu’elles trouvent des solutions aux différents problèmes de la vie en communauté. Les résultats n’ont pas tardé. Il suffit de penser aux actions des groupes d’initiative civique des quartiers bucarestois de Drumul Taberei ou encore de Tei qui ont poussé les mairies locales à démarrer les travaux de rénovation d’un ancien complexe culturel ou encore à protéger un espace vert voué à la destruction. D’autres groupes appuient les personnes démunies, en leur offrant vêtements, aliments et parfois un peu d’argent.
D’ailleurs, même les manifestations massives contre les propositions de modification des lois de la justice ayant marqué la Roumanie au début mais aussi à la fin de 2017 et au début de 2018 découlent d’un revirement de l’esprit citoyen. Conscients de leur force de faire changer les choses, les Roumains cherchent de plus en plus à dialoguer avec les autorités qui, malheureusement, adoptent souvent des décisions dans leur dos. Le Centre des ressources pour l’implication publique a activement encouragé et même financé l’activisme civique en Roumanie. Sa directrice, Oana Preda, décrit l’évolution de l’entraide et de la solidarité au sein de la société roumaine, dans le courant de l’année dernière: « En 2017 aussi, nous avons constaté un intérêt accru des Roumains pour la prise de décision. Pourtant, l’année a été plutôt triste, sans que l’on puisse accuser les citoyens d’indifférence. Il y a deux ou trois ans, on a cru, à tort, qu’au fur et à mesure que les gens s’activaient pour s’engager davantage et devenaient plus forts et plus prêts à demander des comptes aux responsables politiques, les institutions publiques commenceraient pour leur part à mieux communiquer avec les citoyens et leurs organisations. Rien de plus faux. Il suffit de penser à ce qui s’est passé en 2017. Pour nous, ONG, la façon dont les institutions publiques ont entendu dialoguer avec les citoyens a marqué un retour en arrière, dans les années 1990, quand ni la société civile, ni les institutions d’Etat ne comprenaient rien au rôle des ONG dans la société. A l’époque, il semblait bien étrange qu’une institution publique demandât l’avis des citoyens. Nous avons dû batailler pendant des années avant que les institutions publiques ne commencent timidement à s’ouvrir au dialogue avec les organisations non gouvernementales. Et tout à coup, ce dialogue semble de nouveau au point mort. »
La bonne nouvelle, affirme Oana Preda, c’est qu’une fois ranimé et constamment nourri, l’esprit civique résiste. C’est pourquoi 2018 s’annonce une année où citoyens et ONG sont invités à se remettre en question pour trouver les meilleurs moyens de démontrer aux autorités qu’elles ne doivent plus gouverner toutes seules. D’ailleurs, la loi garantit aux citoyens une participation active aux décisions qui les concernent.
Oana Preda: « Il y a une série d’engagements que les autorités publiques sont censées respecter. Par exemple, soumettre les actes normatifs au débat public 30 jours avant le début des procédures en vue de leur adoption. Or, je vous dis qu’il y a des endroits en Roumanie où les responsables politiques ignorent des paragraphes entiers des normes législatives en vigueur. Outre la législation, il est question aussi de toutes ces bonnes pratiques que l’on est arrivé à mettre en place le long des années et que l’on devrait respecter même si la loi n’y fait pas référence. »
« Guidés » par le Centre des ressources pour l’implication publique depuis leur création, il y a deux ou trois ans, plusieurs groupes d’initiative civique ont acquis déjà suffisamment d’expérience pour s’impliquer dans la prise de décisions, assure Oana Preda: « Ces groupes jouissent d’un niveau de légitimité assez élevé dans leurs quartiers d’origine et leur impact sur les autorités publiques locales est de plus en plus important. Prenons l’exemple du Groupe d’initiative de Lacul Tei qui, l’été dernier, a réussi à empêcher la construction d’un groupe statuaire sur un espace vert. Une victoire due notamment à la persévérance de ces activistes qui, parallèlement aux discussions menées avec les pouvoirs locaux, ont dialogué continuellement avec les habitants du quartier pour gagner leur confiance. Du coup, ils ont réussi à mobiliser un grand nombre de citoyens et, ensemble, ils ont persuadé la mairie du deuxième arrondissement de la capitale, de placer les statues à l’entrée du parc et non pas sur l’espace vert. D’autres groupes ont fait la preuve de leur maturité et ont pris la décision de passer du statut de simple groupe informel à celui d’association non-gouvernementale, constituée conformément aux normes législatives en vigueur. »
Ces groupes s’attendent, à présent, à ce que les autorités publiques s’ouvrent davantage au dialogue avec les citoyens, tout en participant à la mise en œuvre des projets de l’agenda public. Oana Preda, à la tête du Centre des ressources pour l’implication publique, conclut: « Au fur et à mesure que le gouvernement montre ses limites dans tel ou tel domaine, des organisations s’activent à sa place et assument ce que les autorités ne peuvent pas faire: par exemple, construire des hôpitaux ou encore un établissement où les parents d’enfants malades de cancer puissent passer la nuit. Mais, je me demande, est-ce que, dans six mois, ce sera à nous de construire des autoroutes à la place des autorités? Il faudrait savoir jusqu’où les ONG peuvent s’impliquer pour faire ce que l’Etat s’avère incapable de faire. »