Tourisme spéléologique dans les Monts Aninei
A la découverte de la grotte de Comarnic, l’une des plus belles et plus sauvages de Roumanie, qui se trouve dans l’ouest du pays, dans les monts Aninei.
Daniel Onea, 03.10.2024, 11:38
La Roumanie recense environ 12 000 grottes, ce qui la classe parmi les premiers pays d’Europe en termes de nombre et de diversité de celles-ci. D’une beauté rare, les grottes de Roumanie se distinguent par l’unicité de leurs formations karstiques et par la profondeur de leurs galeries, dont certaines dépassent les 10 km.
D’ailleurs, c’est en Roumanie, au début du 20e siècle, que l’explorateur roumain Emil Racoviță a jeté les bases du premier institut de biospéologie au monde, commençant à déchiffrer les mystères de l’univers souterrain.
Nous partons aujourd’hui à la découverte d’une des plus belles et plus sauvages grottes de Roumanie, qui se trouve dans l’ouest du pays, dans les monts Aninei. Il s’agit de la grotte de Comarnic. Longue de 6 203 m et avec un dénivelé de 100 m, elle s’étale sur 3 niveaux, dont seul le niveau supérieur est accessible aux touristes. Appelé le niveau « sec », celui-ci s’étend sur 1 750 m. Le niveau inférieur de la grotte est traversé par le cours souterrain du ruisseau Ponicova.
Notre guide dans les profondeurs de la grotte de Comarnic est Bogdan Bădescu, président de l’Association de spéléologie « Exploratorii » (Les explorateurs) de Reșița. Il est aussi un spéléologue de renommée nationale et ancien président de la Fédération roumaine de spéléologie.
Le calcaire, c’est son affaire !
Pour qu’une grotte se forme, il faut avoir des roches solubles et notamment du calcaire, explique notre invité. Eh bien, la zone de Caraș-Severin (sud-ouest) abonde en calcaire, d’où ses nombreuses grottes. Bogdan Bădescu explique encore :
« Le calcaire est formé sur le fond des mers ou des lagunes, là où vivent plein d’animaux marins. Quand ils meurent, ils restent au fond, leurs coquilles et leurs os formant une couche épaisse, déposée là pendant des millions d’années. Ainsi arrive-t-on à la situation actuelle dans les monts Aninei, hauts de plus de 1000 m et tous formés de calcaire. Trois conditions sont à remplir pour avoir une grotte : avoir des roches solubles, avoir de l’eau qui coule à travers les roches solubles pour les dissoudre et former ainsi des galeries. Et, enfin, il faut avoir la voie qui permette le passage de l’eau. Il ne suffit pas d’avoir des roches, il faut aussi quelques fissures qui permettent à l’eau de s’écouler. Au fil du temps, l’eau dissout progressivement le calcaire. Par conséquent, une galerie qui avait au début une fissure d’un centimètre, peut avoir aujourd’hui 10, voire 20 m d’épaisseur et de hauteur. »
Mais quid du calcite ?
Voici un aspect particulier de la grotte de Comarnic : elle n’a pas de stalactites. En revanche, elle a des dépôts de carbonate de calcium, aussi appelé calcite. Bogdan Bădescu nous les décrit :
« A mesures que l’on avance dans la grotte, on peut observer de plus en plus de formations de calcite de ce genre, à différentes étapes et formes, toutes très, très belles. Vers le centre de la grotte, à quelque 200 m de profondeur de la surface, on trouve des bassins marins remplis d’eau. Les gens les appellent « les murs chinois ». Ils ont un charme particulier. Autre caractéristique de cette grotte : les formations de silex, un matériau avec lequel les hommes primitifs confectionnaient leurs premiers outils. »
Bien que cet environnement paraisse peu hospitalier et que les conditions de vie dans les grottes soient très difficiles, on y trouve quand même des formes de vie qui se sont adaptées à ce milieu. En fait, il existe un véritable univers souterrain, dont nous parle Bogdan Bădescu, président de l’Association de spéléologie « Exploratorii » (Les explorateurs) de Reșița :
« On y trouve toute une série d’invertébrés, d’un ou deux millimètres, voire moins d’un millimètre. Ces espèces vivent en permanence à l’intérieur de la grotte, se nourrissant les unes des autres ou des ressources trophiques apportées par l’eau venue de la surface. A part ces espèces-là, il y en a une centaine en fait, on retrouve aussi des espèces qui arrivent par accident dans la grotte. A haut débit, le ruisseau de Ponicova peut draguer avec lui des crabes ou des grenouilles. Tant qu’elles trouvent de la nourriture, ces espèces survivent dans la grotte, mais pas pour longtemps. S’y ajoutent des papillons et des araignées, à retrouver surtout sur les 10 premiers mètres de l’entrée. Mais les espèces emblématiques de ces lieux, que tout le monde connaît, sont les chauves-souris. Et puis, il y a aussi des mammifères qui entrent constamment dans la grotte, soit pour y accoucher, soit pour hiberner ou pour trouver refuge. Ils sont assez nombreux notamment pendant l’hiver. »
Comment se renseigner avant de se lancer ?
Comment faire pour visiter cette grotte pas comme les autres ? Pour des informations pratiques nous passons le micro à Nicolae Ifca, le directeur du Parc National de Semenic-Cheile Carașului, dont la grotte de Comarnic fait partie :
« Je recommande aux touristes de visiter d’abord le site officiel du parc www.pnscc.ro, pour se renseigner sur les horaires de visite de toute attraction se trouvant sur son territoire. Pour cette grotte qui comporte plusieurs salles, des plus petites aux plus grandes, les visites guidées commencent à 10h30. Suit une autre à 13h et le dernier tour est à 15h30. On organise des visites guidées en semaine, mais uniquement sur demande préalable, alors que les samedis et les dimanches un guide est disponible en permanence ».
Somme toute, le Parc National de Semenic-Cheile Carașului réunit 11 réserves naturelles étalées et 65 000 hectares de forêts de hêtres vierges et séculaires, inscrites depuis 2016 au patrimoine mondial de l’UNESCO. C’est ici que l’on trouve entre autres un rare exemplaire de sequoia, ayant 5,7 m d’épaisseur et un âge estimée à 200 ans. Pour le voir, un tour de randonnée part directement de la grotte de Comarnic, précise Nicolae Ifca, le directeur du Parc :
« Les touristes qui choisissent de passer la journée dans les alentours de la grotte de Comarnic, peuvent se rendre à l’arbre Sequoiadendron giganteum. C’est l’arbre de Roumanie aux dimensions les plus impressionnantes. Pour y arriver il faut parcourir 4 km en partant de la grotte, un itinéraire de randonnée que nous avons balisé et doté de panneaux informatifs sur tous les phénomènes karstiques à retrouver sur le chemin et qui comptent d’ailleurs pour 45 % de la superficie du parc ».
Avant de terminer notre visite, ajoutons que cet itinéraire du sequoia géant n’est pas le seul du Parc National de Semenic-Cheile Carașului. Au total, 7 programmes touristiques de randonnée guidée sont proposés par l’administration du parc et les guides qui vous raconteront tout sur l’histoire et la culture des lieux, sur la flore et la faune locales et sur tous les écosystèmes. Tout cela pour la modique somme de 14 euros par personne. Alors, à vos bagages ! (trad. Valentina Beleavski)