Randonnée et observation de la vie sauvage dans les Carpates
Daniel Onea, 15.10.2020, 12:26
World Wide Fund for
Nature – le Fonds mondial pour la nature – estime qu’il y aurait environ 320
000 hectares de forêts dans les Carpates qui peuvent être inclus dans les
catégories vierges et quasi vierges, dont 250 000 en Roumanie. Nous vous proposons
aujourd’hui une incursion dans des zones situées loin de la pollution et des agglomérations
urbaines, où nous verrons des arbres séculaires et des animaux tels que l’ours brun,
le loup ou le lynx, dans leur environnement naturel.
Hermann Kurmens est
professeur de biologie et voyagiste, propriétaire d’une maison d’hôtes dans le
village de Măgura, du département de Brașov. La Roumanie a une biodiversité
impressionnante, mais qui est trop peu connue comme attraction touristique, affirme
Hermann Kurmens : « Il n’est
pas nécessaire de visiter les savanes africaines pour l’observation des
animaux, on peut le faire en Roumanie, dans les zones de montagne ou dans les
forêts. Nous savons que ce pays dispose de la plus forte densité d’ours, de
loups et de lynx de toute l’Europe. Un tiers de la population de ces animaux
est à retrouver en Roumanie. Il y a des animaux sauvages dans toutes les
montagnes roumaines. Il en existe plus dans les zones montagneuses des comtés
de Harghita, Covasna et Brasov. Nous avons commencé par un observatoire dans
les années 2000 dans la région de Făgăraş, à Şercaia. »
Dans les Carpates, l’observation
de la vie sauvage de manière organisée, comme une forme de tourisme, se fait
depuis peu de temps, poursuit Hermann Kurmens, professeur de biologie et
tour-opérateur : « Dans les
années ’70 et ’80, on pratiquait davantage la chasse, après quoi les trophées étaient
vendus. Les touristes venaient d’Europe de l’Ouest et pour une telle
expérience, ils payaient entre 5 000 $ et 12 000 $. Au fil du temps, les
administrations des aires protégées ont également compris que, bien que cela
soit beaucoup plus difficile et que cela présuppose plus de travail, il est
possible de gagner par la mise en place d’un observatoire des animaux. Le gain est assuré à long terme. Un ours vit une trentaine d’années ; s’il
est abattu à quatre ans, on ne peut plus rien utiliser, même si on aurait pu le
voir pendant 20 ans. Il nous a été assez difficile de convaincre les
administrations dans les années 2000, parce qu’il était beaucoup plus facile de
faire venir des chasseurs étrangers. La chasse était préparée trois jours à
l’avance, le touriste tirait sur l’animal, et les administrations forestières encaissaient
l’argent. Cependant, les choses ont
radicalement changé. Dans notre région, nous avons déjà une quinzaine d’observatoires
et cela est devenu une attraction touristique croissante. Les gens viennent de
toute l’Europe pour observer les animaux. »
Mais comment fonctionne un tel programme touristique ?
Tout d’abord, observer les animaux se fait uniquement de manière organisée.
Hermann Kurmens explique : « Les
touristes sont accompagnés par un guide spécialisé et il y a aussi un autre
employé des administrations forestières ou des administrations des zones
protégées, généralement armé. Le trajet est parcouru avec un véhicule tout-terrain,
fourni par l’opérateur. On arrive à proximité de l’observatoire, et les 100
derniers mètres se font à pied. À cet égard, les guides informent les touristes
avant le départ. Une fois sortis du véhicule, on ne parle plus, le déplacement a
lieu lentement et en silence. Il est interdit d’emmener de la nourriture avec soi,
afin de ne pas attirer les ours dans l’observatoire. Les vêtements doivent être
appropriés, sans couleurs criardes. Les touristes doivent avoir sur eux des imperméables
et des chaussures de randonnée. Il est préférable de se munir également de
jumelles pour une meilleure observation des animaux. Les amateurs de photos
peuvent apporter leur appareil photo. »
L’observation de la
faune est certes une attraction touristique, mais c’est aussi la composante
d’un séjour. Elle est incluse dans un programme de sept jours, qui combine plusieurs
formes de tourisme. Hermann Kurmens, professeur de biologie et de
tour-opérateur, détaille : « Dans
ce programme, nous avons une combinaison de nature et de culture. Nous quittons
le village de Magura et nous organisons plusieurs jours de randonnée autour du Massif
de Piatra Craiului, en mettant l’accent sur la flore et la faune des Carpates.
Nous faisons une randonnée jusqu’à un chalet isolé ou visitons la Grotte des Chauves-souris,
où vivent trois espèces différentes de chauves-souris. On va visiter le château
de Bran, aussi. Nous avons toujours un point culturel dans ce programme. Par
exemple, nous visitons également une église fortifiée dans la commune de
Vulcan, la vieille ville de Brasov avec l’Eglise noire et ses murailles médiévales.
Ainsi s’achève cette combinaison de nature et de culture. »
Les touristes étrangers
viennent de nombreux pays d’Europe et même d’Amérique, du Canada ou
d’Australie. La plupart arrivent par des agences de voyage britanniques.
Hermann Kurmens constate que : « En
général, les Occidentaux sont les plus intéressés par la nature. Par exemple,
les touristes britanniques sont les plus sensibilisés, parce que les Anglais
ont été les premiers à couper leurs forêts il y a plus de 200 ans. Suite à la
disparition des forêts, les ours, les loups ou les lynx ont également disparu. C’est
pourquoi ils apprécient le plus la nature. Ils sont enchantés de voir des ours
en liberté, mais ils se réjouissent aussi quand ils voient une grenouille ou un
oiseau qui n’existe plus chez eux. Le butor étoilé, par exemple. Ils aiment
également des plantes rares comme le Dianthus callizonus, une fleur endémique
du Massif de Piatra Craiului ou la campanule des Carpates. De même, ils
s’émerveillent en entendant le cri de la huppe ou de l’aigle criard. »
Voici donc une offre de
loisirs dans la nature, loin des agglomérations urbaines. Ceux qui ont choisi
ces forfaits touristiques affirment que cette expérience inédite leur a permis
de faire leur plein d’énergie pour une année entière. (Trad. : Ligia Mihaiescu)