Quand les cieux s’ouvrent – le Nouvel An roumain
Le passage à la nouvelle année est sans aucun doute une des plus importantes célébrations de la société moderne. Les significations qui y sont attachées par la tradition continuent d’exister de nos jours encore, bien que sous une forme adaptée. Les feux d’artifices, qui aident aujourd’hui à chasser l’année en train de partir, ont remplacé les claquements du fouet qui résonnaient jadis à travers les villages ; et le repas, autour duquel famille et amis se rassemblent, a gardé toute sa valeur symbolique. Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique : « Au Maramures, de nombreuses coutumes liées au Nouvel An sont des variantes de noëls. Entre la fête de Noël et le Jour de l’an, les chanteurs portent souvent des masques. Dans la mentalité traditionnelle, le masque est important parce qu’il est une représentation imaginaire de l’au-delà. Les ancêtres, les animaux totémiques ou le végétal aux fonctions totémiques viennent aider l’être humain à réintégrer le monde des vivants, appelé aussi « le monde blanc » par les ethnologues. Au Maramures, nous avons de très beaux défilés de masques de vieillards et de diables. Le masque du vieil homme a des racines anciennes, dans le culte des ancêtres, la vieille femme et le vieil homme étant les médiateurs entre les deux mondes. La ronde des vieux du Maramures est un cercle magique, et les coups de bâton, dans le sol ou appliqués symboliquement aux autres participants au rituel, ont des significations très anciennes, l’ancêtre étant capable de refaire tout déséquilibre. De même, le masque de la chèvre est lui aussi très ancien. La chèvre joue un rôle essentiel, car elle aussi meurt et renaît ; elle symbolise l’année qui s’en va et l’année qui arrive sous de bons augures. Les diables sont les signes du mal, qui nous rappellent que le bien n’existe pas sans le mal, et inversement. L’homme traditionnel a toujours su unifier ces éléments dans des rituels. »
Monica Chiorpec, 01.01.2017, 10:00
Le passage à la nouvelle année est sans aucun doute une des plus importantes célébrations de la société moderne. Les significations qui y sont attachées par la tradition continuent d’exister de nos jours encore, bien que sous une forme adaptée. Les feux d’artifices, qui aident aujourd’hui à chasser l’année en train de partir, ont remplacé les claquements du fouet qui résonnaient jadis à travers les villages ; et le repas, autour duquel famille et amis se rassemblent, a gardé toute sa valeur symbolique. Delia Suiogan, ethnologue à l’Université du Nord de Baia Mare, explique : « Au Maramures, de nombreuses coutumes liées au Nouvel An sont des variantes de noëls. Entre la fête de Noël et le Jour de l’an, les chanteurs portent souvent des masques. Dans la mentalité traditionnelle, le masque est important parce qu’il est une représentation imaginaire de l’au-delà. Les ancêtres, les animaux totémiques ou le végétal aux fonctions totémiques viennent aider l’être humain à réintégrer le monde des vivants, appelé aussi « le monde blanc » par les ethnologues. Au Maramures, nous avons de très beaux défilés de masques de vieillards et de diables. Le masque du vieil homme a des racines anciennes, dans le culte des ancêtres, la vieille femme et le vieil homme étant les médiateurs entre les deux mondes. La ronde des vieux du Maramures est un cercle magique, et les coups de bâton, dans le sol ou appliqués symboliquement aux autres participants au rituel, ont des significations très anciennes, l’ancêtre étant capable de refaire tout déséquilibre. De même, le masque de la chèvre est lui aussi très ancien. La chèvre joue un rôle essentiel, car elle aussi meurt et renaît ; elle symbolise l’année qui s’en va et l’année qui arrive sous de bons augures. Les diables sont les signes du mal, qui nous rappellent que le bien n’existe pas sans le mal, et inversement. L’homme traditionnel a toujours su unifier ces éléments dans des rituels. »
La fête du Nouvel an a une double portée — la mort de l’année qui s’achève représente la renaissance cosmique. Si les masques des danseurs protègent contre les esprits maléfiques, des formules de vœux découlent d’anciens rituels de fertilité.
En Bucovine, pendant la nuit de la Saint Sylvestre, « les masqués » arpentent les rues des villages, déguisés en personnages ou créatures fantastiques, accompagnés par des musiciens et, souvent, aussi par des villageois. Le cortège, qui passe d’abord par le centre du village, fait le tour de toutes les maisons. Surnommés aussi « les hideux », les danseurs prennent possession du territoire où ils se trouvent en culbutant, montant dans les arbres ou sur les toits des maisons ou encore en salissant les hôtes – et notamment les jeunes filles — de cendres.
L’exubérance se mêle ainsi à la frayeur, recevoir ces messagers de l’avenir étant de mise pour avoir une douzaine de mois à l’abri de la mauvaise fortune, précise Sabina Ispas, directrice de l’Institut d’ethnographie et folklore « Constantin Brailoiu » de Bucarest : « Le passage à la Nouvelle Année s’accompagne d’une série d’actions et de rites festifs, dont le plus connu est la « sorcova » des enfants, soit des vœux formulés par les petits alors qu’ils touchent gentiment les adultes, les propriétaires d’une maison généralement, avec des branches ornées de fleurs naturelles ou en papier. De même, nous avons le « plugusor » des enfants et le « plug » des adultes, notamment mariés. Réunis en groupes séparés, petits et grands faisaient du porte à porte avec des charrues de dimensions variables, symbolisant la protection divine. Noël et le Jour de l’an sont des moments particuliers quand les cieux s’ouvrent vers la terre, les humains communiquant directement, plus aisément, avec l’au-delà, selon les croyances. En sa toute-puissance et splendeur, Dieu venait à la rencontre de l’homme, sa création. C’est précisément devant ces cieux ouverts que les mortels peuvent apprendre ce qui peut leur arriver au cours de l’année qui commence. Et il ne s’agit surtout pas de divination ou de sorcellerie, comme on peut le croire, mais d’un message que Dieu fait passer aux humains dans un moment où il a un contact rapproché, sans médiation, avec eux ».
La croyance de cet accès sans entrave à la divinité dans la nuit du Nouvel An n’a pas faibli en Roumanie, surtout dans les communautés traditionnelles. Dans la tradition populaire, ce genre de message, reçu à un tel tournant temporel, est considéré comme le seul véritablement important, tant pour chaque individu que pour l’ensemble de la communauté en question. (trad. : Ileana Taroi, Andrei Popov)