Le Pays d’Almăj, un joyau méconnu de l’ouest de la Roumanie
Randonnées à travers les vergers de pommiers fleuris et itinéraires à vélo vers les grottes, mais aussi une incursion dans la plus grande réserve de moulins à eau du sud-est de l’Europe, voici autant d’activités à faire dans cette région pittoresque de la Roumanie. Voyage.

Daniel Onea, 03.04.2025, 10:58
Ici, le temps semble suspendu entre nature et traditions
Nichée au cœur du département de Caraș-Severin, la vallée d’Almăj se distingue comme un univers à part, une terre singulière que les locaux appellent Țara Almăjului – le « pays d’Almăj ». Ici, le temps semble suspendu entre nature et traditions. Les visiteurs sont invités à se prélasser sous les pommiers en fleurs, à explorer des paysages préservés et à s’aventurer à la découverte de trésors cachés. Randonnée et vélo mènent aux grottes mystérieuses de la région, tandis que la plus vaste réserve moulinologique d’Europe du Sud-Est offre un fascinant voyage dans le passé. Pour ceux qui souhaitent prolonger l’expérience, un périple ferroviaire sur la plus ancienne voie ferrée de montagne de Roumanie s’impose. Ce parcours d’exception traverse 14 tunnels creusés à même la roche, offrant des panoramas à couper le souffle et une immersion unique dans l’histoire et la beauté brute des Carpates occidentales.
Une région mécoonue
Pour commencer, nous avons défini les limites de notre destination avec Claudiu Vatau, photographe et promoteur touristique de la région.
« En échangeant avec de nombreuses personnes, j’ai constaté que la vallée d’Almăji demeure une région méconnue. Bien que je ne la décrirais pas ainsi, elle est souvent perçue comme isolée. Il s’agit d’une dépression intramontagneuse nichée à l’ouest de la Roumanie, encadrée par les monts Semenic, Almăj et Anina, dans le département de Caraș-Severin, au cœur du Banat. Située à seulement deux heures et demie de route de Timișoara, la capitale de la région, elle reste pourtant peu explorée. Beaucoup connaissent la cascade de Bigăr, dont la renommée a explosé après sa mise en lumière par une publication américaine, la plaçant parmi les plus spectaculaires de Roumanie et du monde. Pourtant, peu savent réellement où elle se trouve ni ce qu’est la vallée d’Almăj. Si Bigăr est incontestablement l’attraction la plus célèbre, je considère que la véritable perle de la région sont les gorges de Nera. Ces gorges, les plus longues de Roumanie, s’étendent sur 24 kilomètres, dont 22 accessibles aux visiteurs. Leur entrée et leur sortie couvrent deux kilomètres supplémentaires. Enfin, la vallée d’Almăj offre une connexion naturelle avec d’autres sites remarquables. Depuis les gorges du Danube, il est aisé de rejoindre cette vallée, tout comme il est facile d’accéder aux gorges du Danube en partant d’Almăj. »
Cheile Nerei, entre merveilles naturelles et héritage humain
Au cœur des gorges de Nera, la randonnée dévoile des paysages à couper le souffle. Parmi les joyaux de la région, le lac Ochiul Beiului fascine par son éclatante teinte bleu turquoise, résultat d’une source karstique qui l’alimente en permanence. Non loin de là, les cascades de Beușnița offrent un spectacle enchanteur : l’eau s’écoule en fins voiles sur des formations de tuf calcaire, sculptant un décor digne d’un conte de fées. Mais la vallée d’Almăj ne se résume pas à sa nature préservée ; elle est aussi une terre façonnée par l’homme. Le voyageur qui s’y aventure découvre des villages authentiques où le temps semble suspendu. Les églises en bois, les maisons aux porches ombragés par des vignes et l’hospitalité chaleureuse des habitants témoignent d’un patrimoine vivant et préservé. Parmi ces villages, Ravensca se distingue comme le plus petit des hameaux tchèques du Banat, avec à peine une centaine d’âmes. Un lieu unique, qui ne manque pas de superlatifs, comme le souligne Claudiu Vatau :
« La vallée d’Almăj abrite le dernier village tchèque resté fidèle à son héritage d’antan, tel qu’il l’était à l’époque des Pem, comme étaient appelés les Tchèques établis dans cette région. Ici, la langue tchèque ancienne a été remarquablement préservée, presque intacte, épargnée par les influences serbes qui ont marqué les villages de la plaine du Danube. Les habitants ont également su conserver avec fierté leurs traditions et leurs coutumes ancestrales. Ravensca, perché au sommet d’une colline, est un village isolé où le temps semble suspendu. Lorsqu’un ciel dégagé le permet, le regard porte jusqu’au Danube, offrant une vue imprenable. Depuis cette hauteur, on peut admirer l’un des couchers de soleil les plus spectaculaires de toute la vallée d’Almăj, avec le fleuve en toile de fond. L’un des trésors naturels de cette région est la cascade de Moceriș, une chute d’eau majestueuse à trois niveaux, façonnée en partie par l’intervention humaine, autrefois liée à la production de chaux. Jadis, de nombreux fours à chaux parsemaient cette vallée, témoignant d’une activité industrielle révolue. Aujourd’hui, l’accès à cette merveille se fait de multiples façons : à pied, à vélo ou encore en safari à bord de véhicules tout-terrain, offrant aux visiteurs une expérience immersive au cœur d’une nature préservée. »
Des grottes, des cascades et des moulins à eau
Claudiu Vatau, photographe et promoteur du tourisme dans la région, recommande, après un city-break à Timișoara, de passer au moins une semaine à Banatul Montan et dans la vallée d’Almăj. On a qu’une vie, ce serait dommage de ne pas en profiter pleinement :
« Des sentiers forestiers, des chemins menant à des grottes, des parcours de randonnée et des pistes cyclables dessinent le paysage naturel de cette région. Dans les montagnes d’Anina, à proximité de la célèbre cascade de Bigăr, se trouve la grotte des ossements, où a été retrouvé le crâne le plus ancien d’Homo sapiens, datant de 4 millions d’années. Actuellement, les grottes peuvent être visitées gratuitement, bien que cette opportunité ne soit pas garantie à long terme. La région reste partiellement préservée, car tous les sentiers ne sont pas balisés. Il est donc essentiel de se faire accompagner par un guide local, qui saura non seulement vous orienter, mais aussi vous faire découvrir les histoires et légendes qui imprègnent ces lieux. Les visiteurs peuvent également se rendre à Rudăria, aujourd’hui connue sous le nom d’Eftimie Murgu, où les gorges de Rudăria abritent la plus grande réserve mulinologique du sud-est de l’Europe, avec pas moins de 22 moulins. Certains d’entre eux, encore en fonctionnement, sont situés dans les arrière-cours des habitants et ne sont pas accessibles au public. D’autres, en revanche, peuvent être visités, offrant aux touristes l’opportunité de découvrir les méthodes traditionnelles de mouture du maïs et du millet blanc, unique à cette région. Ils auront également l’occasion de voir comment 15 à 16 familles se partagent l’entretien de chaque moulin et en font leur moyen de subsistance, en transformant le grain selon des pratiques ancestrales. »
La voie ferrée Oravița – Anina
Si vous disposez de plus de temps, vous pouvez également vous aventurer sur l’un des chemins de fer les plus spectaculaires de Roumanie, souvent comparé au célèbre chemin de fer autrichien de Semmering, grâce à son parcours sinueux à travers les montagnes du Banat. Officiellement connue sous le nom de ligne Oravița – Anina, c’est la plus ancienne ligne de chemin de fer de montagne de Roumanie.
Claudiu Vatau : « La ligne Oravița – Anina est un trésor unique en Roumanie, étant le plus ancien chemin de fer de montagne du pays. S’étendant entre Anina et Oravița, il propose des départs depuis ces deux villes. La locomotive, une machine diesel, tire des wagons qui, avec plus de 100 ans d’histoire, conservent un mobilier en bois, plongeant ainsi les voyageurs dans une époque révolue. L’itinéraire, long de 34 kilomètres, offre des vues spectaculaires sur les tunnels et viaducs qui jalonnent la voie ferrée, suscitant émerveillement à chaque tournant. Ce voyage est tout aussi enchanteur à chaque saison : au printemps et en été, lorsque la nature verdoyante s’étend à perte de vue ; en automne, avec ses multiples nuances de jaune, rouge, vert et brun ; et en hiver, lorsque la neige recouvre la région d’Anina, offrant un tableau féerique. »
La vallée d’Almăj est également célèbre pour ses vergers de pommiers, d’où son nom poétique de « terre des pommiers en fleurs ». Le printemps est certainement spécial ici. Et si vous voulez essayer quelque chose d’encore plus intéressant, vous pouvez manger un pain fait avec de la farine que vous pouvez moudre aux moulins d’Eftimie Murgu. De quoi faire plaisir à vos papilles, le tout dans un décor de rêve ! Une destination à ne surtout pas manquer ! (trad. Charlotte Fromenteaud)