Toma Arnăuțoiu
Après l’occupation de la Roumanie par l’Armée rouge et l’instauration du régime communiste, Toma Arnăuțoiu formera et animera lun des groupes de partisans anticommunistes les plus connus, établi sur le versant sud du massif de Făgăraș, dans la région de Muscel, au centre de la Roumanie. Les linguistes considèrent cette zone comme le berceau de la langue roumaine littéraire. Peuplée de paysans libres et fiers, maîtres de leurs terres, durs au travail et jaloux de leurs avoirs, les muscéliens ont toujours bénéficié dune autonomie administrative considérable et, bien que Valaques, ils avaient noué des liens étroits avec la principauté de Transylvanie. Le chef-lieu de la région, la ville de Câmpulung, est fier de son histoire multiculturelle riche et ancienne.
Steliu Lambru, 29.03.2021, 13:16
Après l’occupation de la Roumanie par l’Armée rouge et l’instauration du régime communiste, Toma Arnăuțoiu formera et animera lun des groupes de partisans anticommunistes les plus connus, établi sur le versant sud du massif de Făgăraș, dans la région de Muscel, au centre de la Roumanie. Les linguistes considèrent cette zone comme le berceau de la langue roumaine littéraire. Peuplée de paysans libres et fiers, maîtres de leurs terres, durs au travail et jaloux de leurs avoirs, les muscéliens ont toujours bénéficié dune autonomie administrative considérable et, bien que Valaques, ils avaient noué des liens étroits avec la principauté de Transylvanie. Le chef-lieu de la région, la ville de Câmpulung, est fier de son histoire multiculturelle riche et ancienne.
Le lieutenant Toma Arnăuțoiu faisait partie de ce que l’on peut appeler lélite intellectuelle de sa commune natale, Nucșoara. Troisième enfant du maître d’école, comptant parmi ses frères Ion l’aîné, officier de cavalerie, qui mourra au combat, en 1943, sur le front de Crimée. La voix d’Elena Florea Ioan, sœur cadette de Toma Arnăuțoiu, interviewée en 2000 par le Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, raconte l’atmosphère qui régnait dans la famille et dans le village du futur héros de la lutte anticommuniste roumaine. Elena Arnăuțoiu :
« Je voue une gratitude toute particulière à ma mère, qui nous avait très bien éduqués, car c’est d’elle que j’avais tout appris. Elle nous avait appris à nous, les enfants, comment affronter la vie sans peur, comment la prendre à bras le corps. De mon père, je me rappelle la douceur et la gentillesse. J’avais toujours peur de lui faire de la peine. Je respectais et écoutais mes parents. Aussi, je n’ai pas poursuivi les études, mon père ne ma pas laissée continuer, c’était pour que mes frères puissent aller à luniversité, plus loin. Puis aussi, lorsque je me suis mariée, il est vrai que ce sont mes parents qui avaient choisi mon futur mari, mais je ne peux pas dire qu’ils aient eu tort. Ils mont toujours guidé sur la bonne voie, ils mavaient appris à être honnête, travailleuse, respectueuse, à évoluer en société de sorte à ne pas avoir honte de moi. »
Blessé au combat, Toma Arnăuțoiu avait été ensuite reçu dans les rangs du bataillon de garde royale, unité militaire délite. Après le 23 août 1944, l’armistice devant l’URSS et l’occupation de la Roumanie par l’Armée rouge ouvrirent une autre page de lhistoire de la Roumanie, bien plus amère celle-là. Une page qui prendra une tournure résolument dangereuse dès le 6 mars 1945, avec linstallation du premier gouvernement procommuniste roumain. Renvoyé de larmée en 1947, Toma Arnăuţoiu part l’année suivante à Bucarest, où il s’inscrit à lAcadémie commerciale. C’est là qu’il rencontrera le colonel Arsenescu et, avec une trentaine d’autres camarades, il va élaborer le plan visant à organiser un groupe de partisans qui harcèle et combatte les forces du gouvernement communiste dans les montagnes. Ce n’est qu’en 1949 que le plan sera mis en œuvre. Toma Arnăuțoiu sera également rejoint par son jeune frère, Petre. Elena Florea Ioan parle de la solidarité des villageois légués à soutenir et à aider le groupe de partisans dans son entreprise :
« On leur envoyait de la nourriture là-bas, dans les montagnes, tout ce dont ils avaient besoin, mais la Securitate, la police politique du régime communiste, avait commencé à cerner la commune pour empêcher les villageois de fournir des vivres aux partisans. Ils ont tapé dans le mille, les partisans ont commencé à manquer de victuailles et à souffrir de faim. Alors, une nuit, ils sont descendus au village, chez nous, et quelquun autour deux, mais une indic, Ileana, je ne me souviens plus de son nom de famille, avait alerté les agents de la Securitate. Elle travaillait dans une laiterie. Et puis, ils se sont retrouvés cernés par tout un régiment. Il y a eu un affrontement, et ils ont réussi à s’échapper dans les montagnes. Un sous-officier de la Securitate avait laissé sa peau dans la confrontation. »
Après la retraite des frères Arnăuțoiu dans les montagnes, la Securitate a arrêté toute leur famille, leurs parents, leur sœur, son mari, la femme de Petre. Des enquêtes terribles, certaines déroulées dans le pénitentiaire de Pitesti, et dont Elena Florea Ioan se souvient avec effroi :
« La deuxième fois, jai été condamné à 5 ans de prison, sanction administrative pour non-dénonciation d’un « ennemi du peuple », comme ils appelaient alors les partisans. Le juge prétendait que javais entendu dire que mes frères se trouvaient dans les montagnes, et que je navais rien fait pour aider les troupes de la Securitate à les attraper. J’étais sans cesse sous enquête, ils m’appelaient, m’ordonnaient de les chercher, d’aller dans les montagnes pour voir ce qu’il en était, et revenir renseigner la police politique. A l’enquête, ils voyaient bien que je ne savais rien, que je n’avais pas aidé mes frères, que j’ignorais tout. Une nuit, c’était à la prison de Pitesti, un colonel de Bucarest était venu me soumettre à l’interrogatoire. J’avais été appelé vers une ou deux heures du matin. Il m’a brusqué, me reprochant ne les avoir pas aidés, alors qu’une centaine d’autres villageois l’avaient fait. C’était terrible. »
En 1958, après 9 années de fuites, de combats et de résistance acharnée, le groupe de partisans de Muscel avait été finalement capturé par les troupes du régime communiste. Ils sont finalement tombés dans un guet-apens tendu par un agent double, ami de Toma, qui leur avait fait miroiter la promesse des passeports, pour quitter le pays. Ils ont été cernés dans la maison d’un berger. Avec Arnăuțoiu, allaient tomber sa femme, Maria Plop, et la petite fille qu’ils avaient eue dans les montagnes, et qui avait deux ans à l’époque. Elena Florea Ioan s’en souvient :
« Cet ami de Toma avait apporté de l’eau-de-vie. Il y avait mis des somnifères. Il avait leurs passeports avec lui. Ils ont trinqué. Toma, lui, se méfiait, il ne voulait pas boire, mais Petrică avait bu. Et alors quils papotaient et qu’ils montaient des plans pour quitter le pays, les agents avaient cerné la maison, ont fait irruption et ont attrapé Toma. Il sétait battu, et ils étaient au courant quil avait du poison cousu dans le revers de sa veste, car il ne voulait à aucun prix se laisser capturer vivant. Et donc ils se sont jetés sur lui, pour l’empêcher de se suicider. Ils se sont donc battus. Petrica est néanmoins arrivé à s’enfuir, pendant que Toma se battait avec eux. Mais des gens ont vu Petrica, qui a été poursuivi. Ils l’ont finalement rattrapé à l’aide d’un chien pisteur, juste au moment où il tentait de se pendre. »
Arrêtés le 20 mai 1958, les membres du groupe de partisans de Muscel seront enquêtés pendant plus dun an. Dans la nuit du 18 au 19 juillet 1959, Toma Arnăuțoiu, son frère Petre, et 14 autres personnes, qui les avaient épaulés pendant neuf ans, ont été fusillés.
(Trad. Ionut Jugureanu)