Relations diplomatiques entre la Romanie et la RFA
A la fin de la seconde guerre mondiale, l’Allemagne était divisée en deux Etats : la République fédérale d’Allemagne et la République démocratique allemande. Le nouvel Etat fédéral allemand a refusé de reconnaître l’existence de l’autre Etat, communiste, leurs relations se limitant, après 1961, à une compétition économique et à une propagande acerbes, d’un côté et de l’autre du Rideau de fer et du Mur de Berlin. Membres d’alliances militaires opposées et adeptes de modèles économiques contraires, la Roumanie et la RFA se sont ouvertes l’une vers l’autre dans la seconde moitié des années 1960. Un moment important des nouveaux rapports entre un pays capitaliste très développé et un pays communiste en voie de développement fut la visite en Roumanie, en 1967, du vice-chancelier de l’Allemagne occidentale, Willy Brandt.
Steliu Lambru, 20.08.2018, 12:43
A cette époque-là, les relations internationales étaient en train de changer et les frontières entre les deux grands blocs économiques et militaires, le capitalisme et le communisme, n’étaient plus aussi rigides qu’auparavant. Chaque pays souhaitait avoir des relations économiquement profitables et chacun tentait de s’ouvrir aux zones géopolitiques qui l’intéressaient le plus. Suivant la tradition de ses liens avec l’espace allemand, la Roumanie opta pour des relations diplomatiques avec l’Allemagne Occidentale, le premier pays du bloc communiste à faire ce choix.
Les liens avec l’Allemagne capitaliste ont donc repris en 1967 par la visite à Bucarest du vice-chancelier Willy Brandt, futur chef du gouvernement allemand.
Le ministre adjoint des AE de la Roumanie était à l’époque le diplomate Vasile Șandru. En 1994, il racontait pour le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine les préliminaires de cette visite.
Vasile Șandru: « Cet acte de politique étrangère de la Roumanie était une manifestation de l’attitude indépendante de la Roumanie dans ses relations internationales. En voici le contexte : à l’été 1966, Bucarest avait accueilli la réunion du Comité Politique Consultatif du Traité de Varsovie, l’alliance militaire des pays du bloc communiste. Le document, adopté à cette occasion-là, lançait l’idée de convoquer une conférence européenne de coopération et de sécurité afin de normaliser les relations avec les deux Etats allemands. En suivant ce document, la Roumanie a initié, de son propre chef et sans consulter ses alliés, l’établissement de relations diplomatiques normales avec la RFA. Evidemment, cela a causé une vague de mécontentement, notamment de la part de l’Union Soviétique, mais aussi des autres pays membres du Traité de Varsovie. »
Arrivé au pouvoir en 1965, le nouveau leader communiste de Bucarest, Nicolae Ceaușescu, était perçu par le peuple et par l’Occident comme l’adepte d’un communisme moins dogmatique. C’est lui et son équipe qui ont été les artisans de l’ouverture vers la République Fédérale d’Allemagne.
Vasile Șandru : « Les relations diplomatiques entre les deux pays ont été établies à l’occasion d’une visite à Bonn du ministre roumain des Affaires Etrangères, Corneliu Mănescu, une visite qui a suscité un grand intérêt dans la presse internationale, surtout en raison des réactions hostiles de l’Union Soviétique. Un journal allemand publiait d’ailleurs une carricature éloquente qui présentait Corneliu Mănescu et Willy Brandt dans une barque sur un lac d’Allemagne. Depuis la rive, des tireurs braquaient sur eux tout un arsenal. O n y voyait d’une part la réaction du Traité de Varsovie, de l’autre la réaction des milieux plus radicaux de la République Fédérale d’Allemagne. »
La visite de Willy Brandt marquait une détente diplomatique et laissait espérer une nouvelle ère dans les relations diplomatiques entre les deux pays.
Vasile Șandru : Après son arrivée, Willy Brandt a eu tout d’abord un entretien avec le ministre des Affaires étrangères, Corneliu Mănescu. Il a été ensuite reçu par le premier ministre, Ion Gheorghe Maurer, avec lequel il a abordé des questions politiques, certes, mais aussi et surtout les relations économiques entre la Roumanie et l’Allemagne fédérale. Enfin, Willy Brandt s’est rendu au bord de la mer Noire, où il a été reçu par Nicolae Ceauşescu, avec lequel il a eu un long entretien de 5 heures. Les questions abordées avec Nicolae Ceauşescu avaient été pour la plupart politiques, les entretiens portant non seulement sur la situation politique en Europe, mais aussi sur les relations entre les partis communistes, socialistes. »
La visite du haut responsable allemand a également eu une teinte personnelle et les Roumains ont été des hôtes très accueillants.
Vasile Șandru : « Comment Willy Brandt a-t-il regardé sa visite ? Il est venu accompagné par sa femme et son fils, Lars, un garçon qui allait participer, plus tard, aux mouvements de gauche d’Allemagne. Brandt a donc envisagé cette visite d’un point de vue non seulement politique, mais aussi personnel, comme un rapprochement avec notre pays. Mme Brandt et leur fils ont bénéficié d’un programme spécial, sur le littoral ils ont eu un programme très intéressant. Ils ont pu assister à des spectacles de folklore et visiter des sites culturels. Ils ont été très contents de leur visite, dont le programme leur a permis de se faire une image de la Roumanie. Il faut dire qu’en établissant des relations diplomatiques avec la République Fédérale d’Allemagne, la Roumanie n’a pas freiner ses relations avec la RDA, afin de ne pas fournir – et elle n’a pas fourni – de prétexte pour se voir reprocher une quelconque préférence accordée à l’une ou l’autre des parties. La Roumanie a eu une approche équitable des relations avec les deux Etats allemands. »
Par la suite, les relations économiques de la Roumanie avec la République Fédérale d’Allemagne ont connu une évolution ascendante. Pourtant, dans les années ’80, elles se sont détériorées à un rythme accéléré, la crise au sein du système communiste ayant prouvé que celui-ci ne pouvait pas entretenir des relations correctes avec des Etats qui mettaient les droits de l’homme à la première place. (Trad. Valentina Beleavski, Dominique)