Radio Roumanie au moment anniversaire : 90 ans au coeur de l’histoire
Si l’Etat roumain fête cette année son centenaire, la Radio publique roumaine, un brin plus jeune, célèbre cette année 90 années d’existence. Née au début à l’initiative d’une poignée d’irréductibles, soutenue par l’Etat roumain, la radio roumaine a pendant tout ce temps vibré sans cesse avec ses auditeurs, et ce à plus forte raison pendant les moments marquants de l’histoire du 20e siècle.
Steliu Lambru, 12.11.2018, 14:27
Si l’Etat roumain fête cette année son centenaire, la Radio publique roumaine, un brin plus jeune, célèbre cette année 90 années d’existence. Née au début à l’initiative d’une poignée d’irréductibles, soutenue par l’Etat roumain, la radio roumaine a pendant tout ce temps vibré sans cesse avec ses auditeurs, et ce à plus forte raison pendant les moments marquants de l’histoire du 20e siècle.
Le premier directeur de la Société roumaine de la Radiodiffusion est Vasile Ionescu, aux manettes de 1935 à 1944. Témoin privilégié de l’histoire de son temps, il se remémore ce jour inoubliable du 23 août 1944, quand la Roumanie abandonne son alliance avec l’Allemagne nazie et passe du côté des Alliés.
L’interview de Vasile Ionescu, enregistrée en 1974, sort tout droit des archives du Centre de l’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine : « La Société roumaine de Radiodiffusion a toujours été fidèle à sa mission, fidèle à la nation, aussi bien lors des périodes de prospérité, que lors de moments difficiles. La radio a joué un rôle essentiel pour informer le public, que ce soit en Roumanie ou à l’étranger. Et la Radio était encore là lorsque Sa Majesté, le Roi Michel, entouré des autres véritables représentants de la volonté nationale, des généraux, des chefs de grands Corps d’Armées et des patriotes, a fomenté le coup d’Etat salutaire du 23 août 1944 qui ramène la Roumanie dans le camp allié. La Radio s’est investie dans les préparatifs et dans le déroulement effectif du coup d’Etat ».
Le 6 juin 1944, Vasile Ionescu est appelé en audience auprès de SM le Roi Michel I-er à Sinaia, au château de Pelişor. On lui demande à cette occasion jusqu’où on peut recevoir les ondes de la Radio roumaine, et si on pouvait faire en sorte que les émissions de la Radio nationale arrivent jusqu’au Caire, là où le Roi et des représentants des partis démocratiques menaient des négociations secrètes avec les puissances alliées pour faire sortir la Roumanie du giron nazi. « Nous avons alors installé des émetteurs plus puissants, pour réalisert le souhait du Roi », note Vasile Ionescu en se souvenant de ces moments.
Vasile Ionescu: « Un émetteur a été installé à Bucarest, dans l’abri même du Palais royal, voie de la Victoire. Son nom de code était « Carpates ». L’autre, surnommé « Piatra », la « Pierre », fut installé à Sinaia, dans la villa du général du corps des Armées Gheorghe Racoviceanu, le parrain du Souverain. Enfin, un troisième fut installé à Predeal, juste derrière la villa du maréchal Antonescu, celui-là même qui était visé par le coup d’Etat. Ces endroits ont été soigneusement choisis, on pensait qu’il s’agissait de lieux sûrs, au-dessus de tout soupçon, des endroits que les Allemands n’oseraient pas contrôler. Il y avait évidemment un risque, même si les émetteurs d’ondes courtes ne pouvaient pas être découverts par la goniométrie, grâce à leurs particularités. Les émetteurs ont été montés et mis en état de marche en trois jours seulement. L’ingénieur stagiaire C. Bonifaciu a été chargé du bon fonctionnement de l’émetteur « Carpates », installé au Palais royal ; L’ingénieur Gheorghe Vasiliu était le responsable de l’émetteur « Bucegi » de Sinaia ; Enfin, l’ingénieur Gheorghiu Vladimir, était chargé de l’émetteur « Piatra » de Predeal. »
Vasile Ionescu se souvient encore des journées sans répit qui ont suivi le coup d’Etat du 23 août 1944 : « Le mercredi, 23 août, à 17h00 précises, on m’a téléphoné du Commandement militaire de Bucarest. On m’a intimé l’ordre de me mettre en uniforme. Aux alentours de 17h30, je me suis présenté devant le commandement général de la place où, à ma grande surprise, j’ai rencontré le général de corps d’Armée Iosif Teodorescu, qui m’a adressé ces paroles : « Monsieur le Directeur général, dès cet instant vous n’obéissez plus qu’aux ordres de SM le Roi Michel et du nouveau Premier ministre, le général Constantin Sanatescu. Vous devez rejoindre le Palais dans les plus brefs délais ». Le colonel adjudant Demeter Dămăceanu a téléphoné immédiatement au Palais pour prévenir le nouveau ministre de l’Intérieur, le général Aurel Aldea, de mon arrivée imminente au Palais ».
Vasile Ursu, le directeur de la Radiodiffusion roumaine de l’époque a aussi pris part au Conseil de la Couronne convoqué par le Roi le soir même du Coup d’Etat. C’est révélateur de l’importance de la Radio pour la réussite du dessein du Souverain.
Vasile Ursu: « Durant 4 heures, de 18h00 jusqu’à 22h05, j’ai pris part à tous les préparatifs nécessaires à la réussite de la suite du Coup d’Etat dans le cabinet du Souverain. Le maréchal Antonescu, le Duce local, avait été arrêté par le Souverain, ainsi que ses plus proches collaborateurs : le professeur Mihai Antonescu, vice-président du Conseil et ministre des Affaires étrangères et de la Propagande, le général du corps des Armées Piki Vasiliu, secrétaire d’Etat à l’Intérieur et chef de la Gendarmerie, et le professeur d’Université George Leseanu, ancien gouverneur de la Transnistrie. Radu Lecca, ancien commissaire du gouvernement, avait été arrêté plus tôt dans l’après-midi. »
Radio Roumanie, toujours présente au coeur des événements de ce siècle mouvementé, toujours fidèle à sa mission de radio publique, n’est pas près d’abandonner de sitôt son rôle essentiel. (Trad. Ionut Jugureanu)