RRI Live!

Écoutez Radio Roumanie Internationale en direct

Projets pharaoniques de l’économie communiste : les routes de montagne

Si vous empruntez la route nationale 7C, cest à hauteur de la commune de Bascov, département d’Argeş, que débute une des routes de montagnes les plus spectaculaires — sinon la plus spectaculaire — de Roumanie appelée Transfăgărăşan. Cette route traverse de part en part la chaîne des Carpates Méridionales, plus exactement le massif de Făgăraş, sur quelque 90 kilomètres, à plus de 2000 mètres d’altitude, pour aboutir à Cârţişoara, dans le département de Sibiu.

Projets pharaoniques de l’économie communiste : les routes de montagne
Projets pharaoniques de l’économie communiste : les routes de montagne

, 06.10.2014, 16:47

Si vous empruntez la route nationale 7C, cest à hauteur de la commune de Bascov, département d’Argeş, que débute une des routes de montagnes les plus spectaculaires — sinon la plus spectaculaire — de Roumanie appelée Transfăgărăşan. Cette route traverse de part en part la chaîne des Carpates Méridionales, plus exactement le massif de Făgăraş, sur quelque 90 kilomètres, à plus de 2000 mètres d’altitude, pour aboutir à Cârţişoara, dans le département de Sibiu.



La route Transfăgărăşan est la concrétisation d’une idée qui a hanté la pensée économique de Nicolae Ceauşescu dans les années ’70 : celle des routes de montagne. C’était une de ces bonnes idées qui donnent de mauvais résultats — tout comme beaucoup d’autres projets de l’économie communiste. Par leur coût exorbitant et leur faible rentabilité, ils ont constitué « le lourd héritage » légué au pays par le régime communiste.



L’idée de construire une telle route est venue à Ceauşescu vers la fin des années ’60, après l’invasion de la Tchécoslovaquie par l’URSS, pour se matérialiser jusqu’en 1974. Ceauşescu pensait que les routes d’accès déjà existantes dans les Carpates Méridionales pouvaient être facilement bloquées. Craignant une invasion soviétique, il a ordonné la construction d’une route, particulièrement difficile, qui devait traverser les monts Făgăraş, à une altitude de 2042 mètres, à hauteur du lac Bâlea. Les travaux de construction ont été confiés aux troupes du génie de l’armée roumaine.



A l’époque, Maxim Berghianu se trouvait à la tête du Comité d’Etat pour la planification, institution centrale de l’économie communiste. Interviewé au Centre d’histoire de la Radiodiffusion roumaine, Berghianu a expliqué qu’il n’avait pas approuvé ce projet grandiose. « Je m’y suis opposé pendant quatre ans à la construction de la route Transfăgărăşan, car c’était un investissement énorme qui n’apportait aucun bénéfice économique. Moi, je suis un montagnard et je savais qu’en juin-juillet, la couche de neige y mesure encore 5 à 6 mètres. Alors, à quoi bon cette route ? Elle est soumise à l’érosion, à la pluie et au gel, aux glissements de terrain… Qu’est-ce qu’elle apporte comme bénéfice ? Elle doit rester fermée 7 mois par an et durant les 5 mois qui restent, quel trafic accueillera-t-elle ? On a dit qu’elle était stratégique et là je n’ai plus eu d’arguments : « C’est que tu ne veux pas que nous puissions passer avec des chars depuis le compté d’Argeş jusqu’en Transylvanie ? » – me demandait-on. Et pendant 4 ans, j’ai entravé ce projet, mine de rien. Pourtant, ça n’a pas marché. Le projet avait été avancé par Vasile Patilineţ, qui était en charge de l’armée, de la Securitate, de la Justice et ainsi de suite et il a fini par avoir le dessus, car Ceauşescu agréait l’idée. »



L’ambition de construire des routes de montagne ne s’arrêta pas là. La construction d’une autre route, parallèle à la première, un peu plus à l’Est, était également prévue. Maxim Berghianu raconte : « Patilineţ voulait en faire construire une autre, qui débute à Sâmbăta de Sus pour aboutir toujours au comté d’Argeş. Je l’ai calmé, car j’entretenais avec lui une relation amicale. Je lui ai dis : « Ecoute, ce pays va te maudire, les gens vont te maudire, pour avoir détruit la plus belle voie d’accès au Massif de Făgăraş. En plus, tu devras abattre une forêt entière située au bord d’une rivière rapide, de montagne, une splendeur. La route Transfăgărăşan — que nous gardons d’ailleurs fermée – ne te suffit pas ? Calme-toi ! » Et il n’est plus allé présenter ce projet à Ceauşescu. Pourtant, un jour, je descendais la montagne et j’ai vu que l’on était en train de couper la forêt, là-bas. Je me demandais : Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Je continue la descente et je me fais arrêter par quelqu’un qui me dit que l’on ne pouvait pas passer, car on faisait sauter les rochers à la dynamite. Et j’ai appris ainsi, par cet homme-là, que l’on construisait une route qui devait aboutir au comté d’Argeş, que le ministère forestier coupait la forêt et qu’à présent Patilineţ se trouvait à la tête de ce ministère. Alors je lui ai parlé et j’ai bloqué ce projet dont je n’avais pas connaissance. J’étais au courant de la route Trasfăgărăşan, dont j’avais bloqué la construction pendant 4 ans, en disant tantôt que l’argent manquait, tantôt que j’avais oublié et je ne sais quoi encore. Pourtant, Ceauşescu ne m’avait jamais obligé de l’introduire dans le plan d’investissements. Le projet avait été proposé par l’armée et par le ministère forestier. »



Le projet des routes de montagne, d’autres idées économiques saugrenues, ainsi que l’approche reposant sur l’autarcie et le remboursement anticipé de la dette extérieure du pays ont mené, dans les années ’80, au collapse de l’économie communiste. Maxim Berghianu : « Le fait de ne plus allouer de fonds aux importations d’outillages et de pièces de rechange, voilà ce qui a ruiné l’économie. A cela s’est ajoutée l’ambition folle de Ceauşescu de rembourser avant l’échéance la dette extérieure, chose inouïe dans l’histoire du monde. Tout cela a abouti à l’effondrement de l’économie roumaine. On n’a donc plus importé de pièces de rechange pour les outillages modernes dont étaient équipées les industries chimique, métallurgique et autres. Bref, la liste des importations d’équipements et de techniques de pointe a été drastiquement raccourcie. Or, la révolution technique et scientifique fait que les outillages sont déjà obsolètes au bout de cinq ans. Le progrès plus rapide qu’aux XVIIIe et XIXe siècles imposait leur remplacement tous les 5 ou 6 ans, ce qui n’a pas été le cas chez nous. Et cela à cause du manque de fonds. Ceausescu avait fait des investissements contre-productifs, mégalomanes, qui ne généraient aucun revenu national. A défaut de ce revenu national, il était impossible d’allouer à la production élargie des fonds d’accumulation adéquats. Un cercle vicieux s’est donc installé : pas de reproduction élargie, pas de revenu national et par conséquent pas d’argent à faire circuler. »



Le projet des routes de montagne a compté parmi les échecs de l’économie mise en place pendant le régime de Ceusescu, sur le modèle marxiste-léniniste. Une preuve de plus sur le bien-fondé de l’adage « le chemin qui mène à l’Enfer est toujours pavé de bonnes intentions ». (Trad. : Mariana Tudose, Dominique)

banner-Pro-Memoria.-960x540-2
Pro Memoria lundi, 07 avril 2025

Les Roumains de l’empire d’Autriche-Hongrie et l’union de la Bessarabie avec la Roumanie

Pourtant, pour beaucoup d’entre eux – qu’ils soient de Transylvanie, de Banat, de Maramureș ou de Bucovine – cette guerre posait un vrai...

Les Roumains de l’empire d’Autriche-Hongrie et l’union de la Bessarabie avec la Roumanie
banner-Pro-Memoria.-960x540-2
Pro Memoria lundi, 31 mars 2025

Le général Gheorghe Avramescu

Pendant les guerres que la Roumanie a dû traverser durant le 20e siècle, dont les guerres balkaniques, les deux guerres mondiales et la guerre...

Le général Gheorghe Avramescu
Timişoara, 35 years ago (photo: Costantin Duma)
Pro Memoria lundi, 24 mars 2025

35 années depuis la Proclamation de Timisoara

Une déclaration qui esquissait la voie démocratique de la Roumanie   Dans les mois qui ont suivi la chute du régime communiste, la bataille...

35 années depuis la Proclamation de Timisoara
Из истории женской прессы Румынии
Pro Memoria lundi, 17 mars 2025

80 ans depuis l’installation du premier gouvernement procommuniste à Bucarest

Le 6 mars 1945 : le premier gouvernement communiste s’installe à Bucarest   L’une des dates les plus sombres de l’histoire...

80 ans depuis l’installation du premier gouvernement procommuniste à Bucarest
Pro Memoria lundi, 10 mars 2025

L’émission « Réflecteur » de la Télévision roumaine

1966 – 1971 : une période de relâchement idéologique   L’histoire de la presse des années noires du communisme comprend une période...

L’émission « Réflecteur » de la Télévision roumaine
Pro Memoria lundi, 03 mars 2025

La prison politique d’Aïud

La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures   La triste notoriété d’Aiud, petite ville du Maramures, région située au nord...

La prison politique d’Aïud
Pro Memoria lundi, 24 février 2025

La destruction du patrimoine religieux de Bucarest

Le régime communiste a détruit de nombreuses églises et monastères   L’histoire du patrimoine religieux de Bucarest durant le 20e siècle,...

La destruction du patrimoine religieux de Bucarest
Pro Memoria lundi, 17 février 2025

Le centenaire de la Patriarchie roumaine

En 2025, l’Eglise orthodoxe de Roumanie fêtera un double anniversaire : 140 depuis qu’elle fut proclamée église autocéphale, en 1885, et puis...

Le centenaire de la Patriarchie roumaine

Partenaire

Muzeul Național al Țăranului Român Muzeul Național al Țăranului Român
Liga Studentilor Romani din Strainatate - LSRS Liga Studentilor Romani din Strainatate - LSRS
Modernism | The Leading Romanian Art Magazine Online Modernism | The Leading Romanian Art Magazine Online
Institului European din România Institului European din România
Institutul Francez din România – Bucureşti Institutul Francez din România – Bucureşti
Muzeul Național de Artă al României Muzeul Național de Artă al României
Le petit Journal Le petit Journal
Radio Prague International Radio Prague International
Muzeul Național de Istorie a României Muzeul Național de Istorie a României
ARCUB ARCUB
Radio Canada International Radio Canada International
Muzeul Național al Satului „Dimitrie Gusti” Muzeul Național al Satului „Dimitrie Gusti”
SWI swissinfo.ch SWI swissinfo.ch
UBB Radio ONLINE UBB Radio ONLINE
Strona główna - English Section - polskieradio.pl Strona główna - English Section - polskieradio.pl
creart - Centrul de Creație Artă și Tradiție al Municipiului Bucuresti creart - Centrul de Creație Artă și Tradiție al Municipiului Bucuresti
italradio italradio
Institutul Confucius Institutul Confucius
BUCPRESS - știri din Cernăuți BUCPRESS - știri din Cernăuți

Affiliations

Euranet Plus Euranet Plus
AIB | the trade association for international broadcasters AIB | the trade association for international broadcasters
Digital Radio Mondiale Digital Radio Mondiale
News and current affairs from Germany and around the world News and current affairs from Germany and around the world
Comunità radiotelevisiva italofona Comunità radiotelevisiva italofona

Diffuseurs

RADIOCOM RADIOCOM
Zeno Media - The Everything Audio Company Zeno Media - The Everything Audio Company