Nadia Russo-Bossie (1901-1988)
Nadia Russo-Bossie a été l’une des héroïnes de l’air méconnues de
la Deuxième guerre mondiale, de la trempe de celles qui, pour sauver des vies,
ont mis tout en jeu : leur savoir, leur détermination et leur courage.
Comme beaucoup en temps de guerre, elle avait tout fait pour défendre son
nouveau pays, la Roumanie. Car Nadia Russo-Bossie était, en effet, née citoyenne
russe, près de Moscou, dans une vieille famille aristocratique, fille d’un
général de la cavalerie du Tsar. Devenue orpheline à 14 ans, Nadia, aidée par
l’ancien aide-de-camp de son père, parvient à fuir avec sa sœur la dictature
bolchévique, et se réfugie au royaume de Roumanie, en 1918. Mariée en 1925 à
Alexandru Russo, héritier d’une vieille lignée de boyards de Bessarabie, Nadia
Russo-Bossie devient au fil des annnées à la fois acteur et témoin précieux de
ce que sera le 20e siècle roumain, avec ses joies, ses espoirs et
ses tragédies successives.
Steliu Lambru, 26.07.2021, 12:27
Nadia Russo-Bossie a été l’une des héroïnes de l’air méconnues de
la Deuxième guerre mondiale, de la trempe de celles qui, pour sauver des vies,
ont mis tout en jeu : leur savoir, leur détermination et leur courage.
Comme beaucoup en temps de guerre, elle avait tout fait pour défendre son
nouveau pays, la Roumanie. Car Nadia Russo-Bossie était, en effet, née citoyenne
russe, près de Moscou, dans une vieille famille aristocratique, fille d’un
général de la cavalerie du Tsar. Devenue orpheline à 14 ans, Nadia, aidée par
l’ancien aide-de-camp de son père, parvient à fuir avec sa sœur la dictature
bolchévique, et se réfugie au royaume de Roumanie, en 1918. Mariée en 1925 à
Alexandru Russo, héritier d’une vieille lignée de boyards de Bessarabie, Nadia
Russo-Bossie devient au fil des annnées à la fois acteur et témoin précieux de
ce que sera le 20e siècle roumain, avec ses joies, ses espoirs et
ses tragédies successives.
Le Musée national d’histoire de la Roumanie avait récemment mis à l’honneur la présence des
femmes héroïnes dans les rangs de l’armée roumaine pendant la Deuxième guerre
mondiale. Nadejda Evgenievna Brjozovskaia, le nom à la naissance de celle qui
sera connue par ses contemporains roumains sous le nom de Nadia Russo-Bossie, a
occupé une place à part dans l’exposition temporaire du musée, aux côtés de
deux autres as féminins du ciel : Smaranda Brăescu et Mariana Drăgescu,
figures centrales de la fameuse « escadrille blanche » de l’aviation
roumaine, pendant la Deuxième guerre mondiale.
L’historienne
Cristina Păiușan-Nuică, commissaire de l’exposition du musée national
d’Histoire de la Roumanie : « Nadia Russo-Bossie était d’origine
russe. Elle était née en 1901 dans l’Empire des tsars, qu’elle a fui en 1918,
lors de la Révolution bolchevique. Ses parents étaient morts entre temps, elle a
donc fui juste avec sa sœur, à Chișinău, où elle avait de la famille. Mais elle
désirait plus que tout devenir aviatrice. Cette envie lui était venue juste
après avoir fini ses études à l’Ecole des beaux-arts de Paris. Elle ne
commencera donc à prendre des leçons de pilotage qu’en 1936, ce genre de cours était
plutôt cher. Elle a eu son brevet féminin, puis le brevet général de pilotage.
Nadia sera par la suite l’une des fondatrices de l’escadrille sanitaire de
l’aviation roumaine. »
Le destin avait, en effet, rudement
malmené la jeune Nadia. Sa mère meurt en 1912, lorsque Nadia n’avait que 11
ans. Quant à son père, il perdra la vie sur le front de la Grande guerre, en
1915, lorsque sa fille avait 14 ans. Son arrivée en Roumanie, à 17 ans
seulement, signe le début de sa nouvelle vie.
Cristina
Păiușan-Nuică : « Nadia
Russo n’a pas eu la vie facile. A son arrivée en Roumanie, elle a dû gagner sa
vie, comme maîtresse d’école, mais elle a pratiqué d’autres métiers encore.
Elle a épousé un type assez riche, Alexandru Russo, ce qui lui a permis de se
dédier enfin à sa passion, le vol. Mais elle achète son avion grâce à des
souscriptions publiques et à l’aide consentie par l’Etat roumain. Elle est
naturalisée après son mariage. Et entre 1940 et 1943 elle fait partie de
l’escadrille blanche, l’escadrille médicale. En 1943 elle subit une dépression
nerveuse, à la suite de laquelle elle ne volera plus que de façon occasionnelle. »
Mais la passion de Nadia Russo-Bossie demeure à jamais et malgré tout l’aviation. Pilote passionnée,
comptant de nombreuses participations à des concours nationaux et
internationaux avant la guerre, héroïne de guerre ensuite, elle avait pris part
au conflit par conviction, décidée de se venger des bolcheviques qui l’avaient
chassée et qui avaient mis à sac son pays natal, la Russie. Mais Nadia n’échappera
pas à ces derniers ni à son destin. L’armée rouge occupe la Roumanie en 1945,
et le régime communiste impose sa chape de plomb dans son pays d’adoption
quelques années plus tard. Nadia Russo-Bossie en
payera un lourd tribut.
Cristina
Păiușan-Nuică : « Sa tragédie – nouvelle mouture commence en 1950,
lorsqu’elle sera arrêtée par les sbires du régime communiste, accusée d’avoir
facilité la rencontre entre des pilotes roumains et anglais, ces derniers
membres de la Commission interallié de contrôle de l’armistice. Condamnée dans
le « lot des aviateurs » en 1951, à 8 ans d’emprisonnement, elle sera
libérée 5 années plus tard, mais cela juste pour être déportée pour 5 années
encore, dans la région de Bărăgan, à Lățești, où elle rencontre son second mari,
Gheorghe Bossie. En 1969, arrivée à l’âge de la retraite, elle compte sur une
pension sociale de 325 lei. Le montant de cette dernière sera augmenté de 79
lei, après des démarches pour que les 5 années de travaux forcées effectués
pendant la déportation lui soient reconnues et comptabilisées à son ancienneté
au travail. Enfin, elle survivra pour le reste de sa vie avec cette retraite minable
de 400 lei. »
La postérité allait découvrir la personnalité de l’as de l’aviation
sanitaire que fut Nadia Russo-Bossie seulement après la chute du régime
communiste, fin 1989.
Cristina Păiușan-Nuică nous parle de l’exposition accueillie par le Musée
national d’Histoire : « Nous
avons pu présenter un album de photos de Nadia Russo, riche de plusieurs
centaines de clichés d’époque. Ce fut une chance que d’avoir pu obtenir cet
album et le préserver dans les collections de notre musée. Nous avons réussi à
présenter aussi une sorte de journal, des écrits qu’elle avait consignés au
mois de mai 1981, lors de l’anniversaire de ses 80 ans et des 45 ans depuis
qu’elle avait décroché son brevet de pilote. Les autorités de l’époque
l’avaient tout de même invitée pour qu’elle tienne une sorte de discours sur ce
que c’était que d’être femme pilote dans sa jeunesse. Malheureusement, elle n’a
pas survécu jusqu’en 1989, pour être témoin de la chute de ce régime qu’elle
avait tant honni, le communisme. »
Nadia Russo-Bossie est morte en 1988, à
87 ans. Son rôle dans l’histoire de l’aviation féminine nationale ne fut
pleinement reconnu que post mortem, comme cela arrive trop souvent. (Trad. Ionuţ
Jugureanu)