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Mythes du communisme en Roumanie – Eugen Alimănescu

Le commissaire de police Eugen Alimănescu s’est vu forger par la propagande communiste l’image d’un homme incorruptible, toujours au service de la loi. En réalité, loin d’être un héros, il fut un véritable instrument de terreur entre les mains du régime désireux de dominer la société du milieu des années ’40. Le mythe tissé autour de ce personnage voulait en faire le représentant de la justice sociale instaurée par le régime communiste nouvellement installé, de la détermination et de l’abnégation.

Mythes du communisme en Roumanie – Eugen Alimănescu
Mythes du communisme en Roumanie – Eugen Alimănescu

, 06.11.2017, 14:53

L’historien Dumitru Lăcătuşu, du Centre de Conseil historique, fait la lumière sur le mythe Alimănescu : « Eugen Alimănescu, ce personnage extrêmement controversé, est malheureusement présenté comme un héros de la police roumaine. Au moment de la création des forces de l’ordre appelées Milice, Alimănescu fut nommé chef du Service policier de lutte contre les bandes, au sein de la Direction judiciaire. Celle-ci avait à sa tête Alexandru Ioanid, celui qui, en 1959, allait participer au hold-up de la Banque nationale, et qui était le beau-frère de Drăghici, ministre en charge de la sécurité de l’Etat. Comptable de son état, Alimănescu avait pris part à la Seconde Guerre Mondiale. Devenu détective, il allait se rapprocher des communistes après 1945. Au lendemain de la guerre, Bucarest était en proie au banditisme, comme toutes les autres villes d’ailleurs. Teohari Georgescu, ministre de l’Intérieur, eut l’idée de mettre en place une unité spéciale baptisée « Brigade Eclair », dont la direction fut confiée à Alimănescu. Cette équipe entendait mener une lutte sans merci contre les délinquants. Une fois appréhendés, ces derniers n’étaient pas emmenés au bureau de police pour interrogatoire, mais éliminés sur place, sous différents prétextes, dont surtout l’évasion sous escorte. C’est la médiatisation dans la presse des soi-disant exploits d’Alimănescu qui a le plus contribué à son image de héros de son temps. »

En réalité, notre personnage était tout le contraire, affirme l’historien Dumitru Lăcătuşu: « A cette même époque, Alimănescu s’est découvert une autre facette. Les miliciens exterminaient les malfaiteurs, comme les communistes se plaisaient à dire, mais ils s’appropriaient aussi une partie des biens volés par ceux-ci. Voilà qui explique la fortune considérable d’Alimănescu, qui habitait une villa à plusieurs étages. Autant dire qu’Alimănescu était aussi bien un tueur de sang froid qu’un policier corrompu. En outre, selon certains documents datés de 1945, en dehors de tuer les criminels et de faire siens les biens de ceux-ci, il avait l’habitude de participer à toute sorte de fêtes. A en croire les documents, il serait sorti dans la rue, après s’être soûlé, et aurait commencé à tirer des coups de pistolet à gauche et à droite. Une balle égarée aurait tué un enfant qui passait par là. Une autre fois, alors qu’il voyageait en train vers Timişoara, il se serait disputé avec un des passagers du compartiment et aurait fini par l’abattre d’un coup de feu. »

La dureté d’Alimănescu allait servir au régime dans sa lutte contre les partisans anti-communistes, explique l’historien Dumitru Lăcătuşu : « Quand on parle de la répression des partisans retranchés dans les montagnes, on se réfère, généralement, à la police politique, la Securitate. Pourtant, il ne faut pas oublier que la Milice y a joué un rôle, elle aussi. C’est justement ce dont s’occupait le Service policier de lutte contre les bandes. Alimănescu était pratiquement un émissaire du crime. Accompagné de son équipe, il sillonnait le pays à la recherche des bandits, terme par lequel les communistes désignaient les partisans anti-communistes. Et lorsqu’ils les découvraient, ils les torturaient et les tuaient. Il existe des documents sur les actes commis par Alimănescu et son équipe, qui ont effrayé même le chef du bureau local de la police politique. Pour faire sortir les partisans de leur cachette, Alimănescu aurait trouvé la fille de l’un d’entre eux, une adolescente de 15 ans. Et, en la rouant de coups, il lui aurait demandé de dévoiler l’endroit où se cachait son père. Comme la fille ne lâchait pas le morceau, il l’a aspergée d’essence et l’a incendiée. Il y a même un rapport dressé par la Securitate sur les crimes d’Alimănescu où il est dit qu’il ne malmenait pas que les ennemis, les informateurs de la police secrète étant eux aussi rudoyés. Lorsqu’il tombait sur des sympathisants du mouvement de résistance, il les pendait à une poutre du toit et violait leurs femmes ».

En fin de compte, le régime s’est débarrassé des services d’Alimănescu parce qu’il ne rendait pas service en fait, bien au contraire, selon Dumitru Lăcătuşu : « Il a été arrêté en 1951, parce que devenu incontrôlable, suite à une réunion à la Direction générale politique du ministère de l’Intérieur où il avait été convoqué aussi. Il a été présenté, selon le discours de l’époque, comme « ennemi de classe infiltré dans les rangs du parti ». Il a été interné dans une unité de travail et il a disparu. Sa fin est floue, mais il était encore en vie en 1954, parce qu’il a écrit plusieurs déclarations il a été enquêté au sujet de Teohari Georgescu parce qu’il était son homme. Il a donné des informations sur la manière dont les détenus des célèbres trains de la mort ont été tués. En 1949, plusieurs assassinats de certains partisans anticommunistes ont été perpétrés, même si aucun d’eux n’avait été officiellement condamné à mort par la justice communiste. Voilà comment était Alimănescu, un soi-disant héros de la Police roumaine, qui a été en fait un criminel impitoyable qui a tué tant des détenus de droit commun que des détenus politiques. Et il y a encore quelque chose d’important à dire. En Roumanie, tout le monde connaît les films du commissaire Moldovan. Alimănescu a été une des sources d’inspiration pour ce célèbre commissaire Moldovan, lui et l’oncle de Sergiu Nicolaescu, le réalisateur des films. »

Eugen Alimănescu a été encore un cas où la propagande communiste présentait la vérité comme un grand mensonge. Les archives rétablissent la vérité, en fin de compte. (Trad. Mariana Tudose)

Foto: pixabay.com
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