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Musique rock et l’esprit de contestation à l’époque communiste

Dans les années 1970-1980, jouer ou écouter de la musique rock signifiait se distancer de la ligne musicale officielle du Parti. Mais certains artistes sont allés encore plus loin, bravant les interdits et exprimant de manière explicite leur rejet de l’état de fait. Inspirée de la musique beat en vogue en Angleterre dans les années 1960, le rock roumain se développe timidement, mais prend de l’ampleur dans les années 1970. Le canon musical officiel était certes différent. Car c’est la chansonnette roumaine qui faisait recette à l’époque, des festivals musicaux d’envergure internationale, tels le festival de Mamaia ou le Cerf d’Or, Cerbul de Aur, de Brasov, s’érigeant dans de grandes messes musicales, agréées par le parti. Et puis, en parallèle, on voit naître des troupes comme Phoenix, Sfinx, Timpuri Noi, (Temps nouveaux), ou des solistes tels Dorin Liviu Zaharia, Alexandru Andrieş ou encore Mircea Florian, dont les créations musicales battent en brèche le canon musical officiel, en essayant de raccorder la musique roumaine aux nouveaux courants musicaux en vogue en Occident.

Musique rock et l’esprit de contestation à l’époque communiste
Musique rock et l’esprit de contestation à l’époque communiste

, 05.08.2019, 14:15

Pour comprendre ce que représentaient ces courants musicaux pour l’époque, nous avons parlé avec Emil Ionescu, professeur à la Faculté de Lettres de l’Université de Bucarest :« Ce qui impressionne c’est la volonté affirmée et revendiquée, le désir de ces nouveaux artistes de se distancer résolument du canon musical de l’époque et d’affirmer une identité distincte. De ce point de vue, le rock roumain était l’expression d’une forme de contestation marquée de l’establishment politique du moment. Cet élément a son influence sur l’évolution de la société toute entière, sur l’évolution d’une génération, car à la différence de la poésie, qui touche moins de gens, la musique en général, le rock en particulier, manifestent une formidable capacité de mobiliser les jeunes, de les faire vibrer à l’unisson avec, en toile de fond, le désir de contester l’ordre établi. Je pense notamment à plusieurs chansons du groupe Sfinx, surtout deux – « Nu ne temem »/« On n’a pas peur » et « Horă de băieţi »/«La ronde des garçons ». Mais, pour moi, le summum de la contestation rock des années 1980 reste « Trenul fără naş », « Le train sans contrôleur », du groupe Iris. »

Néanmoins, les artistes avaient peu d’opportunités pour exprimer leur révolte, conscients qu’ils étaient de vivre et de devoir se produire au sein d’un système fondamentalement totalitaire et répressif. Emil Ionescu nous parle des limites intrinsèques de la contestation :« C’est difficile de préciser les limites de cette liberté de l’expression artistique musicale de l’époque. Il est évident que le régime était au courant de ce qui se tramait dans le domaine. Cela, pour moi, c’est très clair. Mais ce qui reste c’est que ces gars-là, des groupes tels Sfinx et Iris, et avant eux le groupe Phoenix, ils donnaient la voix à un véritable sentiment de révolte. Parfois habillé dans des formes subversives, parfois de manière directe. La période des Phoenix a été une période de contestation explicite. Prenez « Mamă, mamă », et bien d’autres. Ou le « Train sans contrôleur ». Car tout le monde saisissait de qui l’on parlait, qui était le contrôleur du train. « La ronde de garçons » exprimait en revanche une révolte subliminale, cachée. Le groupe Sfinx toujours a été capable de lancer la pièce « On n’a pas peur », une œuvre d’un raffinement exceptionnel. »

Mais, comme à l’accoutumée, pour qu’une pièce rencontre son public, il fallait qu’elle ait aussi bien des paroles qu’une musique qui soient attractives. Mais pour pouvoir contester le système, il lui fallait encore quelque chose de plus. Emil Ionescu :« Les paroles ont trouvé leur public, l’ont fait vibrer, parce qu’elles avaient été mis sur des notes. C’est le pouvoir magique de la chanson. Jouer dans un club devant 200-300 personnes c’est les faire vibrer à l’unisson, créer une cohésion, les faire résonner autour d’un même esprit, des mêmes valeurs partagées. Et la période la plus prolifique du groupe Phoenix a été la période où il avait dû se réinventer, se redécouvrir, au moment où il était bannis des ondes, presque totalement interdit. Et tout cela c’est grâce aux formidables textes du grand poète Şerban Foarţă ».

Phoenix a été perçu comme le groupe le plus rebelle du lot. Quittant la Roumanie communiste en 1977, ses membres ont laissé derrière eux un double « 33 tours » avec leur chef-d’œuvre rock, intitulé « Cantafabule », unanimement considéré comme le summum du rock roumain de tous les temps. Mais la période morne et triste des années 80 a aussi porté atteinte à la capacité de contestation du rock roumain. Emil Ionescu :« « Cantafabule », ce chef d’œuvre du groupe Phoenix, sort du lot, parce que là il n’y avait même plus de contestation explicite du canon consacré. Phœnix y affirmait carrément une nouvelle identité musicale, lançant un nouveau genre, celui de l’ethno-rock roumain. C’était un genre difficilement contestable par les idéologues du parti. Le parti, la censure n’étaient pas suffisamment armés pour pouvoir contester cela, ne trouvaient pas l’élément de culpabilité qui leur aurait permis d’interdire cette musique. Le texte parlait du Moyen Âge, des animaux mythiques, alors que la musique lançait un nouveau style, contrastant complètement avec le quotidien gris et morose des Roumains. C’était quelque chose d’inouïe. C’était faire une ouverture, une brèche dans le quotidien morose, pour laisser entrevoir un monde inattendu et fabuleux. C’était donner de l’espoir d’un ailleurs différent ».

Quoi qu’il en soit, le rock de ces années-là a représenté une indispensable bouffée d’oxygène pour un peuple aux abois. (Trad.: Ionut Jugureanu)

Foto: pixabay.com
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