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L’urbanisme dans la ville de Calarasi

L’histoire locale est la plus à même de rendre
compte de la vie quotidienne de monsieur et madame Tout-le-monde, celle aussi qui
ne manquera pas de créer la grande histoire. La ville de Călărași, distante de
120 km de la capitale et chef-lieu du département homonyme, compte aujourd’hui près
de 65.000 habitants. Nichée sur la rive gauche du bras Borcea du Danube, formé
à l’endroit de la ville bulgare de Silistra, la ville de Călăraşi a vu naître
une pléiade de Roumains célèbres, dont l’historien Pompei Samarian, l’écrivain
Ștefan Bănulescu, l’artiste Ștefan Bănică, ou encore l’homme politique
chrétien-démocrate Mircea Ciumara.

L’urbanisme dans la ville de Calarasi
L’urbanisme dans la ville de Calarasi

, 28.02.2022, 12:41

L’histoire locale est la plus à même de rendre
compte de la vie quotidienne de monsieur et madame Tout-le-monde, celle aussi qui
ne manquera pas de créer la grande histoire. La ville de Călărași, distante de
120 km de la capitale et chef-lieu du département homonyme, compte aujourd’hui près
de 65.000 habitants. Nichée sur la rive gauche du bras Borcea du Danube, formé
à l’endroit de la ville bulgare de Silistra, la ville de Călăraşi a vu naître
une pléiade de Roumains célèbres, dont l’historien Pompei Samarian, l’écrivain
Ștefan Bănulescu, l’artiste Ștefan Bănică, ou encore l’homme politique
chrétien-démocrate Mircea Ciumara.






Dès la fin du 14e
siècle, lors du règne de Mircea le Vieux de Valachie, le nom de Călăraşi est
mentionné par les chroniqueurs, la bourgade étant connue surtout comme lieu de
halte et de repos pour les caravanes qui traversaient le Danube pour rejoindre
la cité de Durostorum, actuelle ville de Silistra. Les documents médiévaux font
état de deux dénominations concurrentes, celle de Lichirești, présente
notamment dans les documents issus à l’époque du règne de Michel le Brave, à la
fin du 16e siècle, puis celle actuelle, de Călăraşi, qui fait
référence aux escadrons de cavalerie censés monter la garde au passage du
Danube, mais qui faisait aussi un peu office de poste rapide, pour le courrier
depuis Constantinople à destination de Bucarest. En 1734, le lieu-dit de
Călăraşi, simple hameau jusqu’alors, se voit mentionner pour la première fois
comme bourg dans les documents officiels. Ses habitants semblent s’occuper majoritairement
de l’agriculture et du commerce, selon les différentes sources de l’époque.
Entre 1812 et 1828, la ville de Călăraşi paie un lourd tribut aux guerres
russo-turques, n’étant point épargnée par les épidémies de choléra, qui font
des ravages considérables parmi la population locale. En 1833, Călăraşi devient
chef-lieu du département d’Ialomiţa, une montée en grade bénéfique à son
développement économique et démographique.






Mais c’est en 1852, lors du règne de Barbu Știrbey, que la ville rachète
ses terres et s’affranchit de toute servitude. Le développement et la
modernisation, la planimétrie moderne de son développement urbain resteront à
jamais liés au nom du prince Știrbey. De nouvelles rues sont tracées, des
places apparaissent, tout comme le boulevard central. A l’instar des autres
villes roumaines, Călăraşi connaîtra un essor considérable à la suite de la
création de la Roumanie moderne, en 1859, par l’union de la Moldavie et de la
Valachie en un même Etat, et davantage encore après l’indépendance de la
Roumanie, proclamée en 1877, puis après la Première guerre mondiale.








Malheureusement, le
processus de systématisation urbaine, démarré pendant la décennie 8 du siècle
dernier, sous les ordres de Nicolae Ceausescu, fera disparaître le centre
historique de la ville, mis à terre à coups de bulldozers. Seul survivant, le
bâtiment de l’ancien Hôtel-de-ville abrite aujourd’hui le musée municipal.








Nous avons abordé le sujet de la blessure laissée par la destruction du
patrimoine architectural et historique du centre de la ville avec le
muséographe Florin Rădulescu : « C’est toute une histoire. Cela
avait commencé bien avant, lors de la signature du Pacte Ribbentrop-Molotov en
1939. C’est à partir de ce moment-là que les juifs ne se sont plus sentis en
sécurité en Roumanie. Or, le centre-ville de Călăraşi comptait un nombre
important de juifs, surtout des commerçants. Ils avaient leur commerce au
rez-de-chaussée et le logement à l’étage de l’immeuble. Certaines maisons
étaient louées, d’autres la propriété des commerçants juifs. Et puis, déjà
avant la guerre, l’on assiste à une première vague de départs. Les juifs
quittaient la Roumanie. Dans le « Livre noir de la destruction des Juifs
de Roumanie », écrit par Matatias Carp et paru en 1946, l’auteur raconte
la manière dont les fascistes roumains accaparaient les propriétés des juifs
par le biais de contrats de copropriété. Une fois les juifs partis, le
copropriétaire roumain se faisait maître sur l’entièreté du bien. »









Après 1945, le vent tourne
dans la ville, suivant en cela l’évolution de la situation politique dans la
région. Florin Radulescu : « L’on arrive alors au changement de
régime. Les communistes vont s’emparer du pouvoir, et la plupart de biens
immobiliers seront nationalisés. Certains biens seront même confisqués, tout
simplement, en dehors de toute forme légale. Les nouvelles institutions,
symbole du nouveau pouvoir, s’y installent. J’ai retrouvé à la bibliothèque du
Congrès des Etats-Unis un ancien bottin téléphonique de la ville, datant de
1959. Le boulevard central avait été rebaptisé « rue du 7 Novembre »,
jour de la victoire de la Révolution soviétique d’Octobre, le 25 octobre 1917
dans le calendrier julien, qui donnait la date du 7 novembre dans le calendrier
grégorien. C’est dans les hôtels de maître, situés le long de ce boulevard, que
le pouvoir communiste avait installé son quartier, ses institutions locales.
Progressivement, ces institutions s’y étaient retrouvées à l’étroit, et elles
se sont fait bâtir de nouveaux sièges, abandonnant les maisons qu’elles avaient
initialement occupées. Ces bâtiments prestigieux avaient été désertés une
première fois dans les années 1940/41, lorsque leurs propriétaires juifs les
avaient abandonnés. Ils avaient souffert une deuxième fois, dans les années 1947/48,
lors des nationalisations. Ils sont à nouveau délaissés dans les années 1959/60
et se retrouvent dans un piteux état. »






Abandonné, le centre
historique de la ville de Călărași se meurt. C’est alors que les dégâts
provoqués par le tremblement de terre du 4 mars 1977 finissent par pousser le
pouvoir politique communiste à le démolir. Florin Rădulescu : « Selon
les témoignages des contemporains, il semble que beaucoup de ces bâtisses
étaient tombées en ruines. Des toitures perforées, des maisons hantées par les
rats. Il aurait fallu investir beaucoup pour arriver à les réhabiliter. Mais le
régime d’alors avait privilégié d’investir dans le développement de cet
urbanisme typiquement communiste. Les deux premiers blocs d’habitations érigés
en centre-ville ont été occupés par les techniciens anglais, qui participaient
à la construction de deux combinats industriels, l’un pour fabriquer de la
cellulose et du papier, l’autre pour les matériaux de construction. Sur l’emplacement
du centre commercial actuel, il y avait un bel hôtel de maître qui abritait ce
que les gens appelaient le « club anglais », c’était l’endroit où les
Anglais se réunissaient. En 1977, il y a eu le tremblement de terre. Les
vieilles maisons, dont certaines abandonnées depuis longtemps, en avaient
souffert. C’est de là qu’est partie la rage des démolitions. Ce bâtiment, où
l’on se trouve et qui abrite le musée municipal, est le dernier survivant de
Călăraşi, la ville bourgeoise et prospère d’autrefois. »






Comme toute ville, Călăraşi a souffert dans sa
chair les affres de l’histoire. Et la seconde moitié du 20e siècle
ne l’avait certainement pas épargnée. (Trad. Ionut Jugureanu)

Timisoara comemorare (sursa foto: Radio Timisoara)
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