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L’occupation de la Roumanie pendant la Grande Guerre…

Le rôle essentiel de toute propagande, dont notamment de celle menée en temps de guerre, est de mobiliser au mieux les ressources denthousiasme et de foi en la victoire finale au sein de la population. Mobiliser à la fois lEtat et la population civile. En effet, un nombre incalculable détudes, publiées au fil du temps, a mis en exergue limportance de la propagande en général et de la propagande de guerre en particulier, pour la réussite des opérations. Et toutes ces études nont eu de cesse de mettre en évidence le rôle essentiel de limage et de lusage multiple que lon peut en faire, quil sagisse de glorifier les succès remportés par son propre camp sur le champ de bataille, ou de diminuer limage de la force de ladversaire, voire même, le plus souvent, de le rendre pénible et ridicule aux yeux de sa population.

L’occupation de la Roumanie pendant la Grande Guerre…
L’occupation de la Roumanie pendant la Grande Guerre…

, 09.11.2020, 13:04



La Roumanie entre dans la sarabande meurtrière de la Grande Guerre en août 1916, aux côtés de lEntente, après deux années de neutralité et moult négociations, soldées par des promesses territoriales conséquentes de la part des Alliés, en cas de victoire. Pourtant, très vite et en dépit dune poussée initiale prometteuse en Transylvanie, la Roumanie se voyait contrainte à abandonner au profit de ladversaire, fin décembre 1916, des pans entiers du territoire national, soit les provinces historiques de Valachie, dOlténie, ainsi que la Dobroudja. La capitale même, Bucarest, se retrouvait ainsi occupée par les armées conjointes des Puissances centrales, soit par les troupes allemandes, austro-hongroises, bulgares et turques, à lissue de 4 mois de combats acharnés, dans lesquels pas moins de 300.000 soldats roumains avaient perdu la vie. Pendant lhiver 1916/1917, le gouvernement et les autorités roumaines, retranchés à Iaşi, dans une province de Moldavie exsangue, mais toujours sous contrôle militaire roumain, ont préparé leur revanche, avec lappui de la mission militaire française et de larmée russe. Une revanche éclatante pendant la campagne de 1917, grâce aux victoires remportées à Mărăști, Mărășești et Oituz.



Mais loccupation du sud de la Roumanie forçait au même moment la population civile de la zone occupée à subir un régime économique fait de réquisitions et de restrictions, auquel se sont ajoutés les effets démoralisants de la propagande menée tambour battant par loccupant. Sous cette occupation honnie, la vie semblait reprendre néanmoins, petit à petit, son cours, et lapparence dune certaine normalité, surprise parfois par lœil des appareils photo. Mihail Macri, collectionneur et cartophile invétéré, raconte :



« Les armées doccupation avaient commencé à faire éditer leurs propres cartes postales. Il y avait, par exemple, la bien connue Poste bulgare de Roumanie. Lorsque les Bulgares ont débarqué à Bucarest, ils avaient retrouvé des cartes postales, quils avaient confisquées, et y ont apposé leurs propres timbres. Ces cartes sont aujourdhui très recherchées par les collectionneurs et les philatélistes. Ensuite, dans larmée allemande, chaque régiment, parfois chaque bataillon disposait dun photographe attitré. Et vu que larmée allemande ne disposait pas dun système de cartes postales propres, ils avaient pris lhabitude de se faire prendre en photo, par exemple aux côtés dune jolie demoiselle roumaine, cela seulement sils nétaient pas mariés, et denvoyer ensuite la photo, sous la forme dune carte postale, chez eux, en Allemagne. Evidemment, sils étaient mariés, ils choisissaient plutôt un autre modèle à côté duquel ils allaient se faire prendre en photo. Il valait mieux pour eux ».



En 1916, le royaume de Roumanie comptait près de cent ans depuis quil sétait progressivement affranchi de linfluence ottomane, et après avoir connu un demi-siècle de développement accéléré, sous le règne du roi Carol Ier. A lentrée en guerre, la Roumanie pouvait ainsi senorgueillir de compter un réseau ferroviaire qui couvrait la quasi totalité du territoire national, une industrie pétrolière florissante et un essor urbanistique notable, dont la capitale avait bénéficié en premier, mais aussi les villes de Iaşi, de Craiova, de Ploieşti, ou encore les villes portuaires situées le long du Danube, et la ville-port de Constanţa, au bord de la mer Noire. Malgré tout, la grande majorité de la population vivait toujours, plutôt dans la pauvreté, à la campagne, grâce à lagriculture de subsistance. La propagande ennemie na dès lors pas hésité à épingler les réalités contradictoires de la société roumaine de lépoque. Mihail Macri :



« Ce sont les Allemands qui ont commencé à éditer des cartes postales en prenant pour cible des réalités roumaines peu reluisantes. La carte postale représentative de Bucarest, éditée par leurs soins montrait, par exemple, la devanture misère dune paillotte située en périphérie, dans le quartier de Colentina. Ce quartier nen était même pas un à lépoque, cétait juste un village situé à proximité de Bucarest. Lon apercevait le toit du bâtiment immortalisé, tenir grâce à une sorte déchalas, puis quelques tables minables en terrasse. Devant la paillotte, lon voyait un cochon qui se vautrait dans la boue, au beau milieu de la rue. Cétait une image très malveillante, ils voulaient simplement montrer quils avaient occupé un pays arriéré, quils allaient probablement civiliser. Dans ces cartes postales allemandes, lon naperçoit aucune présence féminine, qui soit belle ou élégante, lon naperçoit même pas une charrette, un théâtre, le palais royal, un seul bâtiment ou un seul paysage qui vaille un tant soit peu. Tout ce quils avaient surpris dans ces cartes postales avait un caractère tout simplement minable ».



Mais la propagande allemande avait tout de même, volontairement ou non, surpris aussi des pans du quotidien des Roumains de lépoque. Mihail Macri :



« Les seuls instantanés qui présentent un certain intérêt ce sont les images en gros plan des foires. Il existe deux ou trois foires immortalisées de la sorte. Lon voit les commerçants de lépoque, les artisans, qui brandissaient leurs outils pour être reconnus plus facilement par les clients potentiels, par ceux qui avaient besoin de leurs services. Par ailleurs, notre propagande a vite fait dutiliser les mêmes armes. Nos plus belles cartes postales, celles qui ont été éditées durant la guerre, avaient pour sujet des thèmes anti bulgares. Même chose du côté des Bulgares : leurs cartes les mieux éditées, cétait de la propagande anti-roumaine. Ainsi, le roi roumain Ferdinand 1er y apparaissait sous la forme dune souris aux grandes oreilles, laissant plutôt penser à un âne. Quant au tsar bulgare, la propagande roumaine laffublait dun nez immense, et on ladmirait recevant le plus souvent un coup de pied dans le derrière. Avec cela, plus besoin de texte, le message nétait que trop évident. Plus à lOuest, en France notamment, les cartes postales avaient en revanche illustré aussi les affres de la guerre, mais toujours dans le but de mobiliser la population autour du sentiment patriotique. »



Quoi quil en soit, limage de la Roumanie sétait retrouvée fortement malmenée par la propagande de guerre, notamment par celle allemande, trop contente de pouvoir présenter ce pays comme un territoire arriéré, habité par des sauvages. Raccourcis grossiers sans doute, mais que serait la propagande, sinon?


(Trad. Ionuţ Jugureanu)

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