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L’Institut de documentation technique de Roumanie

Généralement perçues comme des espaces froids et dépersonnalisés, où une autorité impose l’ordre et sa volonté aux citoyens, les institutions sont toutefois importantes pour connaître le passé, car autant la créativité humaine que la routine quotidienne se reflètent dans leur existence et dans leur fonctionnement.

L’Institut de documentation technique de Roumanie
L’Institut de documentation technique de Roumanie

, 15.07.2024, 10:38

Les institutions, généralement mal perçues mais importantes pour comprendre le passé

  

L’histoire des institutions n’est pas toujours aussi fascinante que la grande histoire ou la petite histoire, voire même que l’histoire d’une découverte qui a changé le visage du monde. Les institutions sont généralement perçues comme des espaces froids et dépersonnalisés, où une autorité impose l’ordre et sa volonté aux citoyens. Il n’en reste pas moins que l’histoire des institutions est d’une grande importance pour connaître le passé, car autant la créativité humaine que la routine quotidienne se reflètent dans leur existence et dans leur fonctionnement. Les gens nouent des liens particuliers avec les institutions, et ces dernières sont liées dans leur esprit et par leurs fonctions à une époque particulière.

 

1945 : le régime soviétique impose de nouvelles institutions en Roumanie

 

En Roumanie, le régime communiste met son pied à l’étrier à partir de 1945, avec le soutien direct de l’armée d’occupation soviétique. Aussi, la Roumanie entrait dans une nouvelle ère, marquée par la destruction des institutions considérées par le nouveau régime comme bourgeoises, obsolètes, servant les intérêts des classes aisées, pour les remplacer par des institutions calquées sur le modèle soviétique. Mais le nouveau régime ne pouvait pas se passer aussi facilement de tous les professionnels compétents qui avaient travaillé pour l’ancien régime, et notamment des ingénieurs, indispensables pour la mise sur pied de la nouvelle économie centralisée dirigée par le parti communiste. Alors qu’une partie de l’ancienne élite technique roumaine avait été jetée en prison pour des raisons idéologiques, les survivants tentaient tant bien que mal de faire face aux exigences idéologiques du nouveau régime.

 

Les débuts de l’Institut de documentation technique de Roumanie

 

L’Institut de documentation technique de Roumanie, fondé en 1949, avait pour tâche de collecter les informations et d’élaborer des synthèses liées à l’état du développement technologique du pays.

 

A la tête de l’institution à ses débuts, l’ingénieur Gheorghe Anghel se rappelait dans une interview de 2003 et conservée par le Centre d’Histoire Orale de la Radiodiffusion Roumaine, de cette première période.

 

Gheorghe Anghel : « L’Institut de documentation technique de Roumanie est devenu l’un des meilleurs instituts de documentation et d’information des pays socialistes. Des spécialistes de l’étranger nous rendaient régulièrement visite pour prendre de la graine, pour voir comment l’on organisait notre activité en Roumanie. L’Institut comptait à l’époque 24 bureaux d’information-documentation, répartis par branche et par domaine, et spécialisés dans la promotion des innovations techniques dans leur domaine de compétence. »

 

La principale source d’information technique à destination des ingénieurs

 

 Situé au centre de Bucarest, sur la célèbre artère Calea Victoriei, l’Institut de documentation technique de Roumanie était la principale source d’information technique à destination des ingénieurs notamment. Sa création avait été inspirée par un institut soviétique aux objectifs similaires. Doté d’un impressionnant fonds de livres techniques et d’importantes collections de revues spécialisées, d’une salle de lecture généreuse, l’institut accueillait tous ceux qui souhaitaient rester connectés aux dernières nouveautés de leur domaine. Sa mission était de recueillir et de centraliser l’ensemble des connaissances techniques au niveau de chaque branche et domaine d’activité, s’appuyant dans sa mission sur les 24 bureaux d’information-documentation.

 

Gheorghe Anghel : « La mission de l’Institut et de ses bureaux était plutôt complexe. Elle ne se limitait pas seulement à la réception de livres et de revues spécialisés, il fallait encore classer et promouvoir l’information contenue dans ces sources d’information. Au sein de l’Institut, des services spécialisés s’employaient de rendre accessible l’information recueillie, en signalant l’existence du contenu des revues existantes, en photocopiant leurs résumés, en les organisant en plusieurs collections, qui étaient distribuées sur base d’abonnement aux principaux intéressés. L’on traitait l’information contenue, on la classait, on la rendait disponible. »  

  

Une institution qui n’a pas échappé à la censure

 

          L’institut constituait donc une véritable mine d’information destinée aux ingénieurs et aux autres spécialistes travaillant dans les différents domaines de l’industrie. Mais la censure du régime n’était pas moins présente qu’ailleurs.

 

Gheorghe Anghel : « Certaines publications bénéficiaient d’un régime spécial. Elles n’étaient pas accessibles en salle de lecture. Il s’agissait des publications qui pouvaient contenir divers articles moins conformes à la politique du parti. Il fallait donc disposer d’un droit d’accès spécifique et accéder à une salle de lecture fermée aux autres où ce type de publications était conservé. Je me souviens ainsi d’un livre en anglais qui traitait de ce mystérieux phénomène survenu dans l’Oural. Pour étayer la thèse d’une catastrophe atomique masquée par le régime soviétique, l’auteur s’appuyait sur des documents publiés en l’URSS, dans des revues spécialisées. À cette époque, l’accès libre à ce type d’information était totalement impensable. »

  

La fin de l’Institut de documentation technique

 

Au fil des ans l’institut se bâtit une solide réputation, comptant dans ses rangs plusieurs centaines de documentaristes spécialisés en langues étrangères et organisant des colloques et des conférences internationales. En 1974 pourtant, Elena Ceaușescu, épouse de Nicolae Ceaușescu et présidente du Conseil national des sciences et de la technologie, décide de rationaliser l’activité de l’institut et réduit le nombre d’employés à 160. Dans les années 1980, à cause de la crise généralisée que traversait la société roumaine et des coupes sombres opérées par le pouvoir dans les acquisitions des publications payées en devises étrangères, l’activité de l’institut dégringole. Une descente aux enfers qui ne finira qu’avec le renversement du pouvoir communiste, fin 1989. (Trad. Ionut Jugureanu)

 

 

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