L’Industrie d’armement de la Roumanie communiste
Tant que l’humanité continue à se faire la guerre, les armes continuent d’être une source de profit pour leurs fabricants. Après l’apparition de l’Etat, la fabrication d’armement a été aussi bien protégée qu’encouragée, pour des raisons financières et de sécurité nationale. Il est évident pour tout le monde que les guerres créent souvent de nouvelles opportunités d’affaires, en encourageant le progrès technologique. Bien que le cynisme prenne vite le dessus, il convient de mentionner que les guerres et les conflits aident à la relance des économies des Etats impliqués, comme ce fut le cas après la deuxième guerre mondiale.
Steliu Lambru, 28.09.2015, 14:12
A l’issue de cette guerre, la Roumanie s’est retrouvée dans le camp des vaincus. Du coup, elle s’est vu imposer une série de restrictions concernant ses effectifs militaires et l’armement qu’elle pouvait détenir. N’empêche, le gouvernement communiste de Bucarest ne pouvait pas abandonner complètement la fabrication d’armes et de munitions, puisqu’il voulait annihiler la menace permanente des groupes de partisans retranchés dans les montagnes. Vers 1950, la Roumanie produisait notamment de l’armement léger individuel tels pistolets, carabines ou lance-grenades. Elle avait adhéré au Pacte de Varsovie, une alliance militaire créée en 1955 à l’initiative du leader soviétique Nikita Khrouchtchev et qui regroupait l’Albanie, la Bulgarie, la Tchécoslovaquie, la RDA, la Pologne, la Hongrie et l’URSS. Or, l’appartenance à ce vaste ensemble militaire et économique, sous l’ombrelle de Moscou, a supposé l’harmonisation des équipements militaires.
Au début des années 1960, la politique de la Roumanie, qui voulait s’éloigner de l’URSS, a impliqué l’élaboration d’une stratégie pour l’industrie nationale de défense, même si elle faisait partie de l’alliance militaire du Traité de Varsovie. Interviewé en 2002 par le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Maxim Berghianu, président du Comité d’Etat de la planification, CSP, passe en revue les arguments à la base de l’idée d’une industrie roumaine d’armement. « L’industrie de défense a connu un essor remarquable pour deux raisons. Primo : pour que la Roumanie ne soit pas tributaire des autres, et notamment de nos amis du Conseil d’assistance économique mutuelle, qui regroupait les pays communistes, bref pour ne pas dépendre des russes. Secundo, la dotation de sa propre armée mise à part, il y a aussi les perspectives d’exportation. L’armement est l’exportation la plus valeureuse et la mieux payée en devises. La Roumanie n’a pas exporté des chars de combat, mais des transporteurs blindés, de l’armement individuel, des kalachnikovs, des lance-grenades. On a produit beaucoup de munition pour l’artillerie et des canons. Le canon de 150 mm avait une portée de 40 à 50 kilomètres. La Roumanie a également produit des explosifs, par exemple du trinitrotoluène. »
La vaste majorité des équipements de l’armée roumaine était importée notamment depuis l’Union Soviétique. Après l’invasion de la Tchécoslovaquie en 1968, la Roumanie a redoublé d’efforts pour créer une industrie nationale d’armement censée produire des armes conçues en Roumanie. L’institut de recherche et de projection d’armement, munitions et appareils optiques s’occupait des équipements terrestres, alors qu’une institution similaire était chargée de l’aviation. La Roumanie commençait à produire de l’armement lourd : chars de combat, transporteurs blindés, obusiers, canons, lance-roquettes, mitrailleuses et armement léger moderne, à savoir pistolets, fusils d’assaut et fusils de précision. D’autres véhicules militaires, tels les camions et les véhicules tout terrain allaient ensuite s’ajouter à cette liste.
Maxim Berghianu a souligné que la mise ne place du projet de l’industrie d’armement a été une initiative du nouveau leader Nicolae Ceausescu, le successeur de Gheorghe Gheorghiu Dej, le Staline de Roumanie : « Les plans venait d’habitude de Ceausescu, ils faisaient l’objet de discussions jugés stratégiques avec des spécialistes militaires, avant de nous parvenir. Vu que l’on avait une branche industrielle pour la construction de machines, on a dû mettre en place aussi une branche pour l’industrie de défense. Son vice-président était Ceandru, un officier d’aviation, qui analysait, aux côtés de spécialistes militaires, les initiatives de Ceausescu, mais la décision définitive appartenait au commandant suprême, puisque c’était lui qui dirigeait tout cela. Nous, au Comité d’Etat de la planification, nous devrions seulement dire si c’était efficace, de quelles capacités de production on avait besoin et où il fallait produire les armes en question. Mais c’étaient les militaires qui savaient quels étaient les produits dont ils avaient besoin. »
L’aviation a compté parmi les priorités de l’industrie nationale d’armement surtout que la Roumanie avait une tradition entre les deux guerres mondiales, interrompue à cause de l’Union soviétique. Maxim Berghianu : « On a relancé l’industrie aéronautique. On a construit à Bacau une grande usine. A Bucarest, on produisait des moteurs, d’autres usines ont été fondées à Craiova. Ceausescu a aimé l’idée de l’aviation, et il a voulu que la Roumanie se lance dans se domaine. Celui qui fabrique des avions possède une industrie moderne, puisque l’aviation a besoin de matériaux et notamment d’appareils de mesure et de contrôle très sophistiqués. En même temps que le développement de l’industrie d’outillages thermiques et hydrauliques, on a dû développer aussi les industries électronique et électrotechnique, qui allaient construire des équipements de haute tension. Nous avons donc créé les usines Electroputere, une fabrique moderne d’appareillage à haute tension. L’appareillage de basse tension se produisait à Bucarest aux entreprises Electroaparataj et Electromagnetica. Puis nous avons perfectionné l’industrie électronique et optique. La plateforme industrielle Pipera de Bucarest qui regroupait toutes ces entreprises était conçue comme un tout. »
L’industrie roumaine d’armement a été un projet réalisé avant le début des années 1980. Mais les faibles performances économiques du régime communiste l’ont amenée au bord du précipice en 1989.