Les unités de parachutistes de l’armée roumaine
La présence des parachutistes dans l’histoire militaire est relativement nouvelle, étant liée au développement de l’aviation. Les parachutistes roumains ont une histoire sinueuse, les unités de parachutistes ayant été créées en 1941 et dissoutes en 1944, à la demande de la Commission alliée de contrôle, dominée par les Soviétiques. Elles ont été recréées en 1950 et leurs effectifs ont été accrus durant le régime de Nicolae Ceauşescu. Durant la révolution anticommuniste de décembre 1989, des parachutistes du régiment de Boteni, à 160 km au nord-ouest de la capitale, ont sacrifié leur vie pour la victoire finale. Le peloton d’exécution du couple Ceauşescu a été constitué de 3 parachutistes de Boteni, un officier et deux sous-officiers. Après l’adhésion de la Roumanie à l’OTAN, les effectifs de parachutistes ont diminué et les unités ont été structurées de manière à répondre aux normes de l’Alliance.
Steliu Lambru, 14.01.2018, 18:10
En 1997, le Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine a eu la chance d’interviewer Gheorghe Angelescu, un des premiers jeunes à faire partie des unités de parachutistes. Il raconte comment il a rejoint les futures unités d’élite de l’armée roumaine.
Gheorghe Angelescu : « Comme tous les jeunes, j’ai été attiré par l’idée, seulement, de l’idée à la réalité, le chemin est long, surtout que je n’avais pas l’âge requis. Nous avions un voisin qui était chef de cabinet au ministère de Guerre. Il était adjudant et je suis allé le voir, à l’insu de mes parents. Je lui ai dit que ma mère le priait de m’aider. Il m’a demandé d’apporter mon certificat de naissance et une requête et de les déposer au ministère, pour obtenir une dispense d’âge. Quelques jours avant le 1er novembre, j’ai été informé que ma dispense d’âge avait été approuvée. J’étais au lycée, j’ai quitté l’école et je suis allé directement à la gare, je suis monté dans un train et je suis descendu à la première halte après Pantelimon. Là, dans la forêt, il y avait une unité d’aérostation – en fait une unité de ballons, que l’on utilisait plus et qui n’étaient d’ailleurs plus là. Je n’ai trouvé que quelques vieillards qui assuraient la garde des lieux. »
Gheorghe Angelescu fut intégré à un programme strict d’instruction et de cours. Comme toute école, celle des parachutistes comportait une préparation physique et une préparation intellectuelle.
Gheorghe Angelescu : « A part la préparation militaire habituelle – visant à nous faire connaître et manier l’armement – on accordait beaucoup d’attention au sport. On faisait beaucoup de sport, pour acquérir une bonne condition physique et la maintenir. On avait aussi des cours spéciaux, on faisait beaucoup d’entraînements pendant la nuit ; nous devions nous habituer à la nuit, à l’obscurité, j’en étais même arrivé à croire que je voyais, la nuit, mieux qu’en plein jour. On faisait des courses d’orientation dans la forêt. On nous faisait sortir très souvent, même trop souvent en pleine nuit, quand le sommeil était le plus doux, en été comme en hiver. On faisait des marches de 15 à 20 km par nuit, avec tout l’armement. Nous avions un pistolet-mitrailleur, un pistolet Beretta, un couteau ; nous avons eu des cours entiers consacrés à ce couteau, que nous devions apprendre à manier, en utilisant non seulement la lame, mais aussi le manche. Nous avions des bottes spéciales, comportant trois couches de caoutchouc, de vraies bottes, et des jambières en cuir, des chaussettes et non pas des pièces de drap servant de chausson, comme les autres militaires. »
Un des éléments les plus importants de l’instruction était, évidemment, le saut en parachute. Gheorghe Angelescu se souvient de ce moment si attendu par tous les parachutistes.
Gheorghe Angelescu : « Les sauts en parachute ont commencé à l’été 1944. Nos instructeurs étaient les parachutistes de la première génération. Après 3 sauts en parachute, on était élevé au grade de sergent et on recevait le brevet de parachutiste. Tous les parachutistes de la première série étaient des sergents et ils avaient leurs brevets ; ils nous ont beaucoup chicanés. En regardant en arrière, on dirait que tout allait bien, mais à l’époque, nous les couvrions d’injures. Jusqu’au 23 août 1944, nous avons fait chacun 8 sauts en parachute de notre avion Junker. Nous disposions d’un seul parachute, que nous avions appris pendant des mois à plier, car chacun devait plier le sien. On ne pouvait pas remettre sa vie entre les mains de quelqu’un d’autre : comme on fait son lit, on se couche, comme on dit. L’entraînement pour le saut était assez dur. On avait une fosse de saut et une maquette en bois avec des fenêtres figurant la porte de l’avion, dont on sautait dans la fosse remplie de sable. J’ai sauté même d’une hauteur de 5 mètres. En 1944 -1945 j’ai rendu visite à mes grands-parents et ils m’ont prié de réparer la toiture. Je suis monté sur une échelle et de là, j’ai sauté en bas. Les gens ont été sidérés, mais pour moi, c’était quelque chose de normal. »
Après l’occupation de la Roumanie par les Soviétiques, les réquisitions ont démarré. Les unités de parachutistes ont été dissoutes et leurs biens ont été confisqués, étant considérés comme butin de guerre.
Gheorghe Angelescu : « On nous a dit que l’avion Junker était saisi : il était de fabrication allemande, donc il était considéré comme butin de guerre. Les parachutes aussi, nous avons dû les rendre, l’armée russe en a pris possession. Nous avons également rendu les pistolets-mitrailleurs allemands, tout ce qui était de fabrication allemande devait être rendu. Je ne sais pas ce qu’ils ont fait de l’avion, qui était vieux et usé, mais comme il nous avait transportés, nous, il pouvait bien transporter d’autres personnes. »
La tentation du vol reste pourtant présente, accompagnée de celle du saut dans le vide. Les parachutistes de l’armée roumaine ont toujours enregistré d’excellentes performances. Evoquons, pour terminer, le nom de Smaranda Brăescu, femme pilote, parachutiste et instructrice de pilotes de guerre, championne mondiale de parachutisme en 1932. (Trad. : Dominique)