Les trésors cachés des égouts bucarestois
Le Musée Municipal de Bucarest (MMB) invite le public à découvrir la beauté et les histoires de la ville dans ses recoins les plus inattendus à l’occasion de l’exposition « Les trésors cachés des latrines historiques de Bucarest », abritée par la Maison Filipescu-Cesianu. Une exposition qui nous plonge dans le passé méconnu de la capitale roumaine du 18e et du 19e siècles. Le terme « hazna » est un paradoxe sémantique : originaire de la langue turque où il faisait référence à la pièce du trésor, il acquit en roumain le sens latinisé de latrine ou d’égout. Endroit par excellence où les objets inutilisés, les objets cassés, les restes et les déchets sont jetés.
Ion Puican, 28.03.2024, 12:35
Le Musée Municipal de Bucarest (MMB) invite le public à découvrir la beauté et les histoires de la ville dans ses recoins les plus inattendus à l’occasion de l’exposition « Les trésors cachés des latrines historiques de Bucarest », abritée par la Maison Filipescu-Cesianu. Une exposition qui nous plonge dans le passé méconnu de la capitale roumaine du 18e et du 19e siècles. Le terme « hazna » est un paradoxe sémantique : originaire de la langue turque où il faisait référence à la pièce du trésor, il acquit en roumain le sens latinisé de latrine ou d’égout. Endroit par excellence où les objets inutilisés, les objets cassés, les restes et les déchets sont jetés.
Pour mieux saisir le sujet, nous avons approché le curateur de l’exposition, le muséographe Theodor Ignat :
« Le musée de la Municipalité de Bucarest ouvre ses portes au public, à la Maison Filipescu-Cesianu, avec une exposition insolite. Il s’agit du résultat des recherches archéologiques entreprises par les archéologues du musée ces dernières années, des recherches qui ont révélé les trésors enfouis dans le monde souterrain des immondices, celui des égouts, des fosses septiques si l’on veut. Ce sont des découvertes pertinentes et inattendues selon les archéologues, car dans ces espaces bien préservés a été retrouvé une très, très grande quantité d’artefacts extrêmement bien conservés, des objets jetés, perdus, devenus inutiles, mais capables de nous conter le quotidien des habitants de cette ville aujourd’hui disparue. »
Theodor Ignat nous a encore détaillé les endroits où les fouilles réalisées par les chercheurs du musée de la Municipalité de Bucarest ont été entreprises :
« L’exposition recèle des objets découverts lors de quatre fouilles successives : près de l’église du saint Démétrios de Thessalonique, ensuite dans l’ancien quartier juif de la ville, près de l’église Udricani, enfin près de l’église Mavrogheni. »
Mais connaissons-nous vraiment le Bucarest d’antan et ses histoires anciennes ? Theodor Ignat :
« Les recherches archéologiques que nous effectuons à Bucarest nous conduisent souvent à la découverte du passé récent de la capitale. Or, là nous abordons la période du 18e et du 19e siècles. Une période bien connue sous l’angle des grands événements politiques, des grandes transformations urbanistiques et modernisatrices qu’a traversées la capitale, mais beaucoup moins connue en termes de vie quotidienne. Or la grande histoire est de fait constituée d’une myriade de micro-histoires. »
Mais au fond quels types d’objets sont présentés au public dans cette exposition ? Prenons pour commencer les objets découverts lors des fouilles entreprises dans les égouts de l’ancien quartier juif de la capitale. Théodore Ignace :
« Il s’agit dans ce cas notamment de la découverte des flacons de parfum, des boites de savon et de cosmétiques, des produits de beauté aux marques d’autrefois, des produits de luxe, difficiles d’accès pour la population ordinaire, et plutôt destinés à l’élite bucarestoise de l’époque. »
Quant aux trésors découverts enfouis dans les latrines lors des fouilles menées près des églises du saint Démétrios de Thessalonique et Mavrogheni :
« Les fouilles entreprises près de l’église saint Démétrios de Thessalonique ont mis à jour des objets ménagers de grandes dimensions, généralement des céramiques très joliment décorées et vernissées, des bols, de grands bols, des casseroles en céramique vernissée. Des objets qui pourraient peut-être nous conter le quotidien des pèlerins venus vénérer les reliques du saint. A l’église de Mavrogheni en revanche, une église construite en dehors du centre-ville, donc une église périphérique selon la géographie d’alors de la ville, les objets découverts sont plus modestes, comprenant notamment des objets à usage domestique courant, un indicateur du niveau de vie mené par la communauté qui vivait à l’époque à la périphérie de Bucarest. »
Au terme de notre périple, Théodor Ignat a souhaité préciser quelques aspects liés au terme « hazna » vu à travers le prisme de l’exposition du Musée Municipal de Bucarest :
« L’ironie est qu’à travers cette exposition nous sommes revenus au sens originel de chambre du trésor que recouvrait à l’origine le terme hazna. Car ce sont bien des trésors archéologiques que recèlent ces égouts où l’on déversait tout ce dont l’on pouvait s’en passer. »
Trad Ionut Jugureanu