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Les Saxons et la Grande Roumanie

Le 1er décembre 1918, les Roumains de Transylvanie proclamaient l’union de cette province avec le Royaume de Roumanie. La situation obscure, évoluant sur du sable mouvant qu’était celle de l’automne de l’année 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, fait que les intentions et les actes posés par les acteurs de la scène politique du moment peuvent nous sembler aujourd’hui confus et étranges. L’empire d’Autriche-Hongrie était en train de se désagréger, alors que ses nations souhaitaient former des Etats-nations.

Les Saxons et la Grande Roumanie
Les Saxons et la Grande Roumanie

, 28.01.2019, 13:25

Le 1er décembre 1918, les Roumains de Transylvanie proclamaient l’union de cette province avec le Royaume de Roumanie. La situation obscure, évoluant sur du sable mouvant qu’était celle de l’automne de l’année 1918, à la fin de la Première Guerre mondiale, fait que les intentions et les actes posés par les acteurs de la scène politique du moment peuvent nous sembler aujourd’hui confus et étranges. L’empire d’Autriche-Hongrie était en train de se désagréger, alors que ses nations souhaitaient former des Etats-nations.

Les minorités habitant le territoire de la province historique de Transylvanie semblaient hésiter à prendre leur parti. La minorité d’origine allemande ou saxonne devait affronter par ailleurs ses propres préjugés, et les incertitudes que l’avenir posait devant elle, à l’horizon. Malgré tout, la décision résolue prise le 1er décembre 1918 par les Roumains a constitué un moment charnière, le point d’inflexion qui appelait les Saxons de Transylvanie à adopter une position plus tranchante. La position des Transylvains d’origine allemande fut connue le 8 janvier, lorsque le Conseil central des Saxons de Transylvanie, formé de 138 délégués, s’était réuni dans la ville de Mediaş, et reconnut l’union de la Transylvanie avec le Royaume de Roumanie.

Cent ans après, l’historien Vasile Ciobanu, de l’Institut de recherches socio-humaines de Sibiu, narre le fil des événements qui a mené à la déclaration des Saxons de Transylvanie :« Les Saxons de Transylvanie, qui partageaient au fond le même espace avec les Roumains de la région, étaient au courant des préparatifs du grand rassemblement d’Alba Iulia, ils avaient eu vent des transformations politiques qui étaient en train de faire bouger les lignes. Au mois d’octobre 1918, lorsque commence le démantèlement de l’Empire, l’attitude de leurs représentants semblait pencher vers la préservation de l’intégrité de l’Etat hongrois. On le voit en suivant les déclarations faites par le député Rudolph Brandsch, le 23 octobre, devant le Parlement de Budapest. On le voit encore davantage lors de la réunion du Conseil national des Saxons de Transylvanie, réuni à Sibiu, le 29 octobre 1918, où l’organisation se prononce pour la préservation de l’Etat hongrois. Mais au mois de novembre 1918, le vent tourne, les événements se précipitent, et l’on voit des représentants du Conseil national des Saxons de Transylvanie, ceux de Sibiu et même ceux de Budapest, membres du Parlement hongrois, prendre contact avec les représentants des Roumains. Et c’est bien dans la capitale hongroise qu’est fondé le Conseil national roumain central, représenté par Ioan Erdei, qui va commencer à négocier avec les Saxons de Transylvanie afin d’obtenir leur agrément au sujet de la décision que les Roumains de Transylvanie comptaient prendre à Alba Iulia, de s’unir avec la Roumanie. Enfin, le Conseil des Saxons ira discuter directement avec le Conseil des Roumains de Sibiu, apprenant du coup la détermination de ces derniers à proclamer cette union avec les Roumains du royaume de Roumanie ».

La décision ferme prise par les Roumains le 1er décembre 1918 a été à coup sûr le moment où les Saxons ont réalisé que l’accomplissement de l’union devenait inévitable, et qu’il valait mieux se ranger du côté du changement plutôt que de celui du statu quo. Vasile Ciobanu affirme que : « Même si les Saxons ont poursuivi des discussions avec les représentants du nouveau gouvernement hongrois Károlyi, leur attitude devient équidistante par rapport aux deux communautés qui s’affrontaient sur la souveraineté de la Transylvanie. Plus encore, ils s’impatientaient de connaître la décision des Roumains et, au moment où celle-ci fut rendue publique, d’une manière aussi éclatante, le 1er décembre 1918, les Saxons se sont résolument rangés du côté de l’union avec la Roumanie. D’évidence, cette décision n’a pas été prise à la légère. Parce que les Saxons, arrivés à l’appel des rois de Hongrie 800 ans auparavant, avaient vécu et prospéré dans cet Etat hongrois. Aussi, les relations entre les communautés magyare et saxonne avaient été cordiales, amiables, les Magyars cultivant l’amitié des Saxons, pour contrebalancer le poids des Roumains de Transylvanie. Dans ces conditions, la décision était forcément difficile à prendre. Le 1er décembre 1918, les représentants des Saxons n’étaient pas présents à Alba Iulia. Un seul représentant de la presse saxonne se trouvait sur place, un avocat, mais dont la chronique – très objective – qu’il réalise de l’événement pour le principal quotidien saxon de Transylvanie, et qui paraît le 3 décembre 1918, sera reprise par l’ensemble de la presse saxonne de Transylvanie ».

Nous avons voulu savoir s’il n’y a pas eu d’opinions divergentes lors de la réunion des représentants saxons de Mediaş, face à cette opinion majoritaire, et qui l’a finalement emporté. L’historien Vasile Ciobanu ajoute: « Il y a eu cette proposition initiale d’adopter la résolution reconnaissant l’union, rédigée par un groupe de représentants des Saxons. Toutefois, une contreproposition existait également, soutenue par certains, et dont on garde trace, notamment le compte-rendu de la réunion du 8 janvier 1919. Cette résolution appelait à attendre la décision de la Conférence de paix avant de se prononcer sur le du sort de la Transylvanie. La situation qui avait cours dans le Royaume de Roumanie était alors dépeinte en couleurs sombres : la présence des grands propriétaires terriens, le soulèvement paysan de 1907 ne jouaient sans doute pas en faveur de la Roumanie aux yeux des Saxons. Alors, cette proposition de résolution prenait le parti d’appuyer le maintien du statu quo, le maintien de la Transylvanie au sein de la Hongrie. Pourtant, elle n’a finalement recueilli que 4 ou 5 voix des 138 délégués présents, et le projet fut finalement abandonné. Cet abandon était important aux yeux de tous, parce qu’ils désiraient souscrire à une résolution qui soit endossée à l’unanimité, par l’ensemble des représentants. Et la résolution adoptée ainsi est celle que l’on connaît, ratifiant l’union. Il n’est pas moins vrai que les représentants des Saxons ont essayé de négocier avec les Roumains et de poser certaines conditions, qui préservaient certains de leurs droits au sein de la future Grande Roumanie, comme un préalable à l’union. Et ils fondaient leurs espoirs en la déclaration même faite par les Roumains à Alba Iulia et qui, au 3e point, garantissait les droits dont jouiraient les minorités nationales au sein du futur Etat roumain »

.L’anniversaire du centenaire de la réunion des représentants de la communauté saxonne de Mediaș nous rappelle le poids que la loyauté de la minorité puissante des Saxons a représenté à l’époque pour l’accomplissement des désidératas des Roumains de Transylvanie. Une loyauté d’autant plus précieuse dans les temps troubles de l’époque. (Trad. Ionut Jugureanu)

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