Les relations diplomatiques entre la Roumanie et le Vatican
Ce n’est qu’à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1920, que le royaume de Roumanie et le Vatican jettent les bases de leurs relations bilatérales. Dès 1927, année de la signature du concordat entre le Vatican et le royaume de Roumanie, la pratique du culte catholique sera garantie.
Steliu Lambru, 12.08.2024, 09:48
L’espace roumain, majoritairement chrétien-orthodoxe de nos jours, a longtemps été un espace d’interférence spirituelle et religieuse. La coexistence multiconfessionnelle des chrétiens est attestée depuis le Moyen Âge, les sources rapportant des informations sur la présence de minorités aux côtés des majorités : catholiques aux côtés des orthodoxes, réformés et évangéliques aux côtés des catholiques et des orthodoxes, gréco-catholiques et catholiques romains aux côtés des réformés et des orthodoxes. La présence catholique la plus ancienne, l’archidiocèse d’Alba Iulia, remonte au XIe siècle. C’est dans la cathédrale catholique romaine de la ville d’Alba Iulia que le gouverneur de Transylvanie et régent de Hongrie Iancu de Hunedoara, le père du roi de Hongrie Matei Corvin, de religion catholique et d’origine roumaine, décédé de la peste en 1456, est enterré. La première présence catholique dans l’espace extra-carpatique roumain est l’œuvre des royaumes de Hongrie et de Pologne. Des évêchés catholiques ont été fondés en Moldavie et en Valachie au 13e siècle, à Siret, dans le nord, puis à Milcov, au détour des Carpates, enfin celui de Severin, à la rencontre des Carpates avec le Danube, au 14e siècle. Jusqu’à la montée de l’Empire ottoman dans le sud-est de l’Europe à la fin du 14e siècle, catholiques et orthodoxes, bien que souvent divisés, ne cessaient de se revendiquer comme faisant partie du même monde chrétien. A l’instar des dernières croisades, où l’on put voir se nouer des alliances entre des rois et des princes catholiques et orthodoxes, les coalitions anti-ottomanes des 17e et 18e siècles ont coopté des armées de toutes les confessions chrétiennes.
Les conséquences du déclin de l’Empire Ottoman
À mesure que l’influence ottomane au nord du Danube décline à partir du 18e siècle et que les idées occidentales progressistes pénètrent dans les principautés de Moldavie et de Munténie, la présence catholique devient plus marquée. Les deux premiers rois de Roumanie, issus de la dynastie Hohenzollern-Sigmaringen, Carol Ier et Ferdinand Ier, sous lesquels l’État roumain moderne fut constitué, puis élargi à la fin de la Grande Guerre, étaient de confession catholique. En 1883, pendant le pontificat du pape Léon XIII, l’archidiocèse catholique romaine de Bucarest est créé. Par la lettre apostolique « Praecipuum munus » du 27 avril 1883 qui élève le vicariat apostolique de Munténie au rang d’archevêché, le pape signifiait l’importance accordé au nouvel État roumain, devenu royaume en 1881.
Mais ce n’est qu’à la fin de la Première Guerre mondiale, en 1920, que le royaume de Roumanie et le Vatican jettent les bases de leurs relations bilatérales. Dès 1927, année de la signature du concordat entre le Vatican et le royaume de Roumanie, la pratique du culte catholique sera garantie. L’accord stipulait, entre autres, la reconnaissance juridique de l’Église catholique en Roumanie, le préalable pour la nomination des chefs du culte catholique de Roumanie à ce qu’ils aient la citoyenneté roumaine, le droit de l’Église d’ouvrir des écoles, des hôpitaux, des orphelinats et d’autres institutions sociales et éducatives.
L’instauration du régime communiste après le Seconde Guerre mondiale
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, vaincue et occupée par l’armée soviétique, la Roumanie est complètement asservie par le nouveau régime communiste. La politique anti-occidentale du régime de Bucarest mène à la dénonciation du concordat de 1927, le 17 juillet 1948. La rupture unilatérale des relations diplomatiques avec le Vatican attirait la suppression des églises catholiques en Roumanie et la persécution des fidèles. Alors que les religieux catholiques étrangers ont été expulsés, les religieux roumains sont venus grossir les rangs des prisonniers politiques. Mère Clara, de son nom laïc Ecaterina Laszlo, entrée au couvent à l’âge de 13 ans, a été condamnée à 15 années de prison, dont elle en a purgé 14. En 2003, elle a raconté au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, comment, alors qu’elle était administratrice du bâtiment de la Nonciature Apostolique de Bucarest, a été évacué à la hâte la nonciature à la suite de la décision des autorités roumaines de rompre les liens diplomatiques avec le Saint-Siège. Ecoutons-la :
« Son Excellence O’Hara, le régent du nonce apostolique, a été convoqué au ministère des Affaires étrangères et informé que lui et ses collaborateurs doivent quitter le pays dans les 48 heures, mais qu’il avait le droit de confier la garde du bâtiment de l’ambassade à l’ambassade de don choix. Parce que la Suisse était neutre, il a choisi ce pays. O’Hara a été accusé d’espionnage pour le compte du pape. Et au bout de 48 heures, il a dû quitter le pays. La coutume voulait que l’on organise une réception d’adieu lors du départ d’un ambassadeur. Et à minuit, à la fin de la réception, tout le bâtiment a été scellé, il ne restait qu’une porte d’accès au sous-sol pour les sœurs, pour nous qui vivions encore là, puis une petite maison dans la cour, où habitaient trois moines. Nous sommes sortis avec des bougies allumées à la porte principale, c’est par là que tous les diplomates sont sortis et c’est alors que la clé de la nonciature a été remise aux Suisses. »
Inexistantes entre 1948 et 1989, les relations entre la Roumanie et le Vatican ont été rétablies le dernier jour de l’an 1989, le 31 décembre, neuf jours après la chute de la dictature communiste. Depuis lors les liens entre le Saint-Siège et l’Etat roumain n’ont cessé de se développer avec comme point d’orgue la première visite d’un pape dans un pays orthodoxe. Cela s’est passé en 1999, lorsque le pape Jean-Paul II embrassait à son arrivé le sol roumain.
(Trad. Ionut Jugureanu)