Les monuments roumains restaurés de Bessarabie
Inauguration à Bucarest d'une exposition comprenant 28 monuments restaurés représentant souverains, héros, soldats et religieux roumains, mais aussi diverses personnalités culturelles contemporaines.
Steliu Lambru, 19.08.2024, 11:11
Le 27 mars 1918, la Bessarabie, cette partie orientale de la Moldavie, réintègre la Roumanie, après avoir été annexée par la Russie en 1812 à la suite de la guerre russo-ottomane. L’occupation russe de plus de cent ans de cette partie historique de la Moldavie qu’était la Bessarabie s’était traduite, surtout après 1830, par une politique de russification à outrance de la population locale. 22 années plus tard, en juin 1940, à la suite du Pacte germano-soviétique, la Russie, devenue l’Union soviétique, annexe à nouveau la Bessarabie. Une année plus tard, en 1941, la Roumanie, alliée de l’Allemagne nazie, reprend la Bessarabie. Cette dernière réintègre l’Etat roumain jusqu’en 1944, lorsque l’Armée rouge, passée à l’offensive après la défaite allemande de Stalingrad, l’occupe à nouveau. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’on voit l’Union soviétique, victorieuse, occuper non seulement la Bessarabie, mais toute l’Europe centrale et orientale, imposant rapidement à ces pays des gouvernements communistes, inféodés à Moscou. Entre 1945 et 1989, la brutalité de la répression soviétique se déchaîne sans frein en Bessarabie. Ses habitants subissent la déportation, les transferts de population, une violation systématique des libertés et des droits fondamentaux. Le vaste processus de soviétisation s’évertuait à créer ce que les idéologues du régime appelaient l’homme soviétique, cet individu déraciné, sans histoire et sans origines. Pour parvenir à leurs fins en Bessarabie les idéologues soviétiques avait pris pour cible la Roumanie, la roumanophilie et la roumanophonie de la population locale. L’expression « fascistes roumains » était présente dans toute référence au pays de souche de ces nationaux roumains, devenus soviétiques à cause du rouleau compresseur de l’histoire.
De la soviétisation à la chute de l’URSS
Parmi les premières victimes du processus de soviétisation ont figuré les monuments publics qui faisaient de près ou de loin référence à l’identité, à l’histoire, aux origines roumaines des habitants de Bessarabie. Les statues et les symboles faisant référence aux personnalités historiques et culturelles roumaines ont été démolis, détruits et remplacés par des statues et symboles érigés à la gloire de l’occupant soviétique.
Mais depuis 1991, année de l’effondrement de l’Union soviétique, cet empire du mal pour reprendre l’appellation consacrée de l’ancien président américain Ronald Reagan, la République de Moldova a recouvert son indépendance. Depuis lors, beaucoup de Moldaves se sont lancés dans une quête éperdue de leurs racines, de leurs origines, dans une tentative de recouvrir l’identité nationale de leur parents et grands-parents. L’une des premières mesures réparatrices initiée à cet égard par la République de Moldova a visé la suppression des monuments soviétiques et la reconstitution des monuments détruits par le régime de l’occupant soviétique après 1944.
C’est dans ce contexte qu’une exposition comprenant 28 monuments restaurés représentant souverains, héros, soldats et religieux roumains, mais aussi diverses personnalités culturelles contemporaines, a été inaugurée à Bucarest. L’exposition a ouvert ses portes en présence de Iuliana Gorea-Costin, ambassadrice de la République de Moldova à Bucarest. Ecoutons-la :
« La bataille qui se livrent la lumière et l’obscurité est intense et sans cesse renouvelée. Une lutte pour affirmer notre identité. C’est une bataille pour recouvrir notre histoire, notre langue, notre littérature. Les gens ont manifesté pendant des mois sur la place de la Grande Assemblée Nationale. La nation moldave se trouve à la croisée des civilisations, et nous, les membres d’une même nation, avons besoin de mieux nous connaître. Et en même temps, nous devons unir nos forces pour survivre de la manière la plus intelligente qu’il soit dans cet espace. »
Le combat de la société civile et des ONG
Depuis 1991, les organisations civiques de la République de Moldova ont entrepris des actions pour rétablir les monuments roumains d’origine et pour informer l’opinion publique des atrocités commises par l’occupant soviétique. C’et ainsi que fut inauguré en 2016, à Chisinau, la capitale de la petite république de Moldova, le Monument des Trois Martyrs, copie conforme du monument homonyme, érigé dans la période de l’entre-deux-guerres à l’initiative de l’homme politique Pantelimon Halippa. Le monument avaient été érigé à la mémoire de trois personnalités moldaves, combattants et héros de l’idée nationale : le prêtre et écrivain Alexei Mateevici (1888-1917), l’avocat, journaliste et chanteur Simion Murafa (1887-1917) et l’ingénieur topographe Andrei Hodorogea (1878-1917). Les trois sont morts au cours de la terrible année 1917, tués, le premier par le typhus, les deux derniers par une bande de criminels bolcheviques.
En 1923, le Monument des Trois Martyrs est inauguré à l’initiative de la Société « Tombes des héros tombés au cours de la guerre », en la présence du chef de la mission militaire allié, le général français Henri Berthelot. Une dalle de pierre, érigée à la verticale, mettait en évidence les figures en bas-relief, tournées en bronze, des trois héros. Un aigle en bronze anoblissait le piédestal du monument, en dessous duquel l’on pouvait lire l’épitaphe : Apôtres de Bessarabie, martyrs de la Sainte Cause Nationale. Le monument de trois mètres de haut était couronné des armoiries de la Roumanie, cadrées par un chêne et une branche de laurier, exécutées en bronze. A la veille de l’annexion de la Bessarabie en juin 1940, l’armée roumaine démonte les bas-reliefs représentant les visages d’Alexei Mateevici et de Simon Murafa et les envoie à Bucarest. En 1962, les restes du monument sont détruits par l’armée soviétique. (Trad. Ionut Jugureanu)