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Les lois racistes en Roumanie

Dans les années 1930, le racisme a été une des formes les plus repoussantes de discrimination et de persécution que l’humanité ait jamais inventées. La crise de la démocratie et la montée de l’intolérance ont conduit à l’apparition des lois raciales. C’est l’Allemagne qui en a ouvert la voie, par les célèbres lois antisémites de Nürnberg, en 1935.

Les lois racistes en Roumanie
Les lois racistes en Roumanie

, 18.12.2017, 13:34

Dans les années 1930, le racisme a été une des formes les plus repoussantes de discrimination et de persécution que l’humanité ait jamais inventées. La crise de la démocratie et la montée de l’intolérance ont conduit à l’apparition des lois raciales. C’est l’Allemagne qui en a ouvert la voie, par les célèbres lois antisémites de Nürnberg, en 1935.

La Roumanie n’y a pas fait exception. La crise de la démocratie, de 1938, a favorisé la naissance des régimes autoritaires, qui ont adopté des lois racistes, avec pour cible la population juive. Invitée au micro, en sa double qualité d’historienne et de témoin des évènements de 1940, Lya Beniamin nous a parlé des lois antisémites de Roumanie.

Lya Beniamin : « Elles apparaissent avant l’installation au pouvoir du cabinet Gigurtu, respectivement en août 1940, sous le titre de Statut juridique des Juifs de Roumanie. Le gouvernement précédent, dirigé par Goga, avait adopté, en 1938, la loi portant révision de la nationalité, laquelle a été mise en œuvre une année plus tard, après la chute du gouvernement. C’était la première loi à toucher une catégorie importante de population juive de Roumanie. Suite à l’application de la loi révisée, quelque 200.000 Juifs ont été déchus de leur nationalité, devenant apatrides. Ils ont également été privés de toute une série de droits, dont notamment le droit au travail et celui de propriété. « Le statut juridique des Juifs de Roumanie » ne comportait pas que des dispositions législatives. Il définissait aussi la qualité de Juif et établissait qui était concerné par les lois respectives. C’est sur ce texte qu’allait reposer la future législation raciale émanant du gouvernement Antonescu. »

Le sang ou l’ascendance, érigés en critère scientifique suprême, et la biologie investie d’une autorité académique transformeront la biopolitique en paradigme de la jurisprudence raciste. Au début des années ’40, soit à l’époque où le pays était dirigé par le gouvernement du maréchal Ion Antonescu, la législation établissait l’appartenance d’un individu à un groupe ethnique en fonction des caractères génétiques dont il avait hérités, précise Lya Beniamin.

Lya Beniamin : « Chaque loi adoptée par le gouvernement Antonescu débute par la définition de la judaïté, qui repose sur le critère du sang. Alors que la qualité de Juif se transmet par la mère, la loi raciale du régime Antonescu prenait en compte l’appartenance ethnique du père aussi. Elle arguait du fait que la structure du sang est beaucoup plus forte chez les hommes et que, par conséquent, les défauts et les qualités caractérologiques sont transmis plutôt par le père que par la mère. Rendu public le 8 août, Le statut juridique des Juifs allait être suivi, le lendemain ou le surlendemain, de la loi interdisant les mariages mixtes, sous peine de sanction sévères. Il y a eu même des situations où les mariages mixtes déjà conclus ont été défaits, par simple précaution, pour ne pas causer d’ennuis au conjoint. »

La nouvelle législation comportait aussi des mentions expresses relatives aux enfants issus des mariages mixtes. Nous avons demandé à Lya Beniamin quel était leur statut juridique.

Lya Beniamin : « Il relevait de la définition que l’on avait donnée à la qualité de Juif. En clair, si le père était Juif et même s’il s’était séparé de la mère roumaine ou chrétienne, l’enfant était toujours considéré comme Juif. Moi, j’ai publié un mémoire des mères chrétiennes de Bucarest qui protestaient contre l’exclusion de leurs enfants de l’enseignement sur des critères ethniques. La mère de Janine Ianoşi, l’épouse du philosophe Ion Ianoşi, figurait parmi les signataires de ce mémoire. Sa mère était chrétienne – orthodoxe, son père était d’extraction juive. Janine Ianoşi, qui fréquentait une école évangélique, en avait été exclue. Les enfants de ces mariages mixtes étaient considérés comme Juifs. Un autre exemple est celui du philosophe Constantin Ionescu-Gulian, né de père juif et de mère chrétienne et qui, aux yeux de la loi, passait pour Juif. »

Lya Beniamin, notre interlocutrice, qui a elle aussi été exclue de l’école, se souvient de ce triste épisode de sa vie : « Le premier choc, on l’a subi en 1940, quand on a adopté la loi interdisant aux enfants juifs l’accès à l’éducation. Ma famille habitait la ville de Târnăveni. Moi, j’étais à l’école primaire et j’adorais étudier. Je me réveillais très tôt le matin, à 6 heures, de peur de ne pas me mettre en retard. Le directeur de l’école avait reçu l’ordre de convoquer, le lendemain, tous les élèves, dans la cour de l’école et de lire devant eux la loi concernant l’exclusion des enfants juifs des établissements scolaires de Roumanie. Le directeur s’était rendu, dans la nuit, chez le rabbin de la ville de Târnăveni, où vivait une petite communauté juive. Il l’a exhorté de prévenir les parents et de leur dire de ne plus envoyer leurs enfants à l’école le lendemain afin de leur épargner une telle situation embarrassante. J’ai été très troublée lorsque ma mère m’a annoncé que je ne pouvais plus aller en classe. »

Les lois antisémites, profondément injustes et destructives, ont été abrogées après la chute du fascisme en 1945.(Trad. Mariana Tudose)

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