Les débuts de la médecine moderne roumaine
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les médecins roumains diplômés des universités occidentales ont créé des établissements hospitaliers et jeté les bases de l’enseignement médical de Roumanie, afin de lutter contre les maladies et de former des spécialistes. La modernisation de la médecine autochtone est liée à la génération dont faisaient partie des personnalités telles Nicolae Kretzulescu et Carol Davila ainsi que certains grands boyards et philanthropes. La médecine en tant que science apparaît à l’époque de la Renaissance. Les premières informations à caractère scientifique dans ce domaine se font jour en Roumanie vers la fin du XVIIe siècle, sous le règne Constantin Brancovan (1688-1714). Des médecins étrangers arrivent à sa cour. Ils viennent de Grèce, mais aussi d’Alsace et de Venise et mettent en œuvre des méthodes similaires à la vaccination. Considérées d’un point de vue institutionnel, les académies princières étaient des établissements où l’on pratiquait ce que l’on appelait la « iatrosophie », soit un mélange entre philosophie et médecine empirique. Ces académies ont le mérite d’avoir constitué le noyau du futur enseignement médical du XIXe siècle.
Steliu Lambru, 09.04.2018, 13:13
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, les médecins roumains diplômés des universités occidentales ont créé des établissements hospitaliers et jeté les bases de l’enseignement médical de Roumanie, afin de lutter contre les maladies et de former des spécialistes. La modernisation de la médecine autochtone est liée à la génération dont faisaient partie des personnalités telles Nicolae Kretzulescu et Carol Davila ainsi que certains grands boyards et philanthropes. La médecine en tant que science apparaît à l’époque de la Renaissance. Les premières informations à caractère scientifique dans ce domaine se font jour en Roumanie vers la fin du XVIIe siècle, sous le règne Constantin Brancovan (1688-1714). Des médecins étrangers arrivent à sa cour. Ils viennent de Grèce, mais aussi d’Alsace et de Venise et mettent en œuvre des méthodes similaires à la vaccination. Considérées d’un point de vue institutionnel, les académies princières étaient des établissements où l’on pratiquait ce que l’on appelait la « iatrosophie », soit un mélange entre philosophie et médecine empirique. Ces académies ont le mérite d’avoir constitué le noyau du futur enseignement médical du XIXe siècle.
Octavian Buda, qui enseigne l’histoire de la médecine à l’Université de médecine et de pharmacie « Carol Davila » de Bucarest, fait une incursion dans les débuts de la médecine moderne roumaine : « L’argument de la science étudiée en Occident n’est pas une source de coercition, mais de changement au niveau même des politiques de l’Etat. Il est intéressant de se pencher sur la comparaison que les Roumains de la seconde moitié du XIXe siècle dressaient avec la Belgique. Ils demandaient, avec fierté, d’être nommés représentants de la Belgique de l’Orient. Et cela non pas en raison de la latinité partielle de ce pays, mais parce que la Belgique avait proclamé son indépendance en 1830, date assez proche de l’Union des Principautés roumaines de Moldavie et de Valachie. Si les Roumains s’adonnaient instamment à de telles comparaisons, c’était en raison de la vitesse à laquelle ils mettaient sur pied les nouvelles institutions. Prenons l’exemple de la création du premier institut de physiologie, en 1892, par Alexandru Vitu, père de la recherche dans les domaines de la biologie et de la physiologie et initiateur de la recherche biomédicale. Il s’est même rendu en Belgique pour faire des prospections en ce sens. » L’effervescence de la modernisation a d’ailleurs gagné l’ensemble de la société roumaine, des simples villageois jusqu’aux boyards. Quant à l’enseignement médical roumain, il est étroitement lié au Français Carol Davila. Octavian Buda explique : « La modernité effective des institutions se met en marche à l’époque des Règlements organiques, autrement dit au moment où l’occidentalisation se fait sentir sous l’influence des autorités tsaristes. C’est en ces temps-là que l’on met sur pied trois établissements hospitaliers, à savoir Coltea, Pantelimon et Filantropia, et que l’on crée l’Ordre des médecins. Les contributions financières des boyards ont permis de jeter les fondements d’une institution ressemblant à la Direction sanitaire de nos jours et à un système cohérent de pratiques médicales. L’idée d’organiser l’enseignement médical était pourtant encore loin de se matérialiser. Par un heureux concours de circonstances, Carol Davila arrive à Bucarest. Un des grands chirurgiens de cette époque, Constantin Dumitrescu-Severeanu, expliquait qu’en 1852 une affiche collée sur les murs de la Faculté de médecine de Paris faisait savoir que deux personnalités étrangères souhaitaient faire venir dans leur pays un médecin réputé. Il s’agissait du prince roumain Barbu Stirbey et du shah d’Iran. Aux dires de Severeanu, le doyen de la Faculté de médecine, dont le fils occupait le poste de chef de la mission diplomatique de France à Bucarest, aurait convaincu le jeune Davila à se rendre dans les Principautés roumaines. Aux yeux du chirurgien roumain Severeanu, Davila était une sorte de vecteur de la modernité en Roumanie. Severeanu fera partie du premier groupe de médecins roumains bénéficiaires de bourses gouvernementales, à compter de 1860. C’étaient les premières générations de diplômés d’un établissement d’enseignement de médecine et de pharmacie, qui deviendra école nationale en 1858. »
La modernisation de la médecine roumaine a entraîné des changements linguistiques aussi, précise Octavian Buda: « Une forte personnalité de ces temps-là, Nicolae Kretzulescu, avait fait des études à Paris et comptait parmi les membres de l’entourage proche du prince régnant Cuza. Il a été premier ministre, ministre des Affaires étrangères et de l’Intérieur, ambassadeur de Roumanie en Russie. Son nom est étroitement lié à la création du vocabulaire médical. Comme c’était l’époque de l’adoption de l’alphabet latin, il était très important de trouver les expressions médicales adéquates. Les premières tentatives en ce sens remontent aux années 1840 – 1850 et font appel à des traductions des termes français. Nicolae Kretzulescu fait de grands efforts lui aussi. En 1842, il s’occupe de la traduction en roumain d’un manuel français d’anatomie descriptive, ce qui fait que la terminologie médicale change de fond en comble. Les anciens termes médicaux empruntés au grec sont remplacés par des mots d’étymologie latine, repris au français. C’est une chose tout à fait remarquable pour un homme politique. Et ce d’autant plus que, de l’avis des élites de l’époque, s’adonner à un tel travail n’était pas compatible avec le statut social d’un grand boyard. »
La médecine roumaine moderne a continué à se développer. Un des prix Nobel ayant trait à la Roumanie est celui de médecine, remporté par le biologiste américain d’origine roumaine George Emil Palade. (Trad. Mariana Tudose)