Les chiens errants en Roumanie
Les chiens errants, voilà un problème de longue date et toujours pas résolu en Roumanie. Les explications vont des hésitations à élaborer des lois claires jusqu’à l’incapacité des autorités à mettre en place celles qui existent. Les chiens sans maître sont source de malpropreté, de maladies, d’insécurité sur l’espace public.
Steliu Lambru, 16.09.2013, 13:32
Les chiens errants, voilà un problème de longue date et toujours pas résolu en Roumanie. Les explications vont des hésitations à élaborer des lois claires jusqu’à l’incapacité des autorités à mettre en place celles qui existent. Les chiens sans maître sont source de malpropreté, de maladies, d’insécurité sur l’espace public.
La question de ces animaux n’a jamais été abordée de front, ni même quand ils ont tué des gens. Les chiens continuent de vagabonder dans les rues justement à cause du balbutiement des décideurs et d’une opinion publique chancelante et divisée. Invitée au micro de RRI, l’historienne Constanţa Vintilă-Ghiţulescu, de l’Institut d’histoire ”Nicolae Iorga” de Bucarest, nous a parlé de la façon dont ce problème a été géré au fil du temps dans le milieu urbain de Roumanie. « Les chiens errants sont un problème permanent de la Roumanie. Toutefois, ce n’est qu’à la seconde moitié du 19e siècle que des mesures ont été prises pour les chasser des villes. Jusque là, ils étaient partout, notamment auprès des maisons dépourvues de clôture où ils trouvaient refuge. L’image de la capitale, Bucarest, ou bien celle de Iasi, une autre grande ville du pays, était alors toute différente de leurs visages actuels. Enfin, à cette époque-là, les chiens errants posaient problème à toute l’Europe. Le premier document l’attestant et que nous avons pu trouver date de 1810. Il consigne la préoccupation des Russes pour la question et les mesures qu’ils mettent en place. C’était à l’époque de l’occupation russe des principautés roumaines, pendant la guerre russo-turque de 1806-1812. Il paraît que les autorités de l’époque décident de capturer les chiens errants ou en état de divagation et de les tuer. Seulement voilà, elles se heurtent à l’opposition des propriétaires de chiens. Des notifications commencent à circuler qui conseillent à ces propriétaires de tenir leurs animaux en laisse dans la cour de leur maison, sinon ils risquent l’extermination de leurs animaux. Malheureusement, une fois que les Russes quittent le territoire de la Roumanie, en 1812, cette mesure n’est plus appliquée. Elle sera reprise en 1850, lorsque la ville entamera des travaux de modernisation, d’urbanisme et de salubrité publique selon le modèle français. Enfin, en milieu rural, les chiens étaient vraiment omniprésents, car on ne les tenait pas en laisse. »
A la nuit tombée, les meutes de chiens s’emparaient des villes, raconte encore Constanţa Vintilă-Ghiţulescu. « Les consuls du Royaume Uni et de la France, présents à Bucarest et Iasi jusqu’en 1859 évoquent l’impossibilité de circuler la nuit dans les rues de Bucarest et de Iasi à cause de ces chiens omniprésents. Il existe un témoignage de 1850 qui parle des chiens de la Dâmbovita, la rivière qui traverse la capitale roumaine. Comment s’explique leur présence ? De nombreux abattoirs, manufactures de tannerie et de transformation de la viande se trouvaient sur les rives de la Dâmbovita. Ces petits entrepreneurs jetaient tout dans la rivière et c’est pourquoi les chiens y trouvaient de la nourriture. Or, une randonné dans ce quartier était synonyme d’un suicide. En 1852, les pouvoirs locaux des villes roumaines réclament des mesures contre les chiens sans propriétaire. C’est ainsi qu’apparaît l’idée de la construction de la première fourrière animale, initiative justifiée par le fait que les chiens étaient tuées dans la rue, dans un paysage effrayant. C’est à ce moment-là que se fait entendre le discours humaniste : on ne peut pas tuer des chiens sur l’espace public. L’opinion publique, elle, condamne le travail des employés de la municipalité qu’elle accuse d’offrir un spectacle incroyable. »
Les chiens errants ont tué des gens dans l’espace roumain et il existent plusieurs témoignages en ce sens. Dans le cas des chiens enragés, la situation est pire. Extrêmement agressifs, avec un comportement à moitié sauvage et l’instinct des canidés de former des meutes, les chiens vagabonds étaient venaient compléter le paysage apocalyptique des périodes d’épidémies. Constanţa Vintilă-Ghiţulescu. « L’une des publications de l’époque publie des témoignages sur les chiens enragés qui à un moment donné, investissent les villages, pour dévorer tous ce qui croise leur chemin. De nombreuses recettes de remèdes de bonne femme contre la rage sont également publiées dans la presse de l’époque. Les journaux évoquent aussi la présence des loups. Dans le milieu rural et notamment en montagne, aux côtés des chiens enragés, les loups étaient une présence constante, notamment pendant les nuits d’hiver. Les chiens deviennent très agressifs en temps d’épidémies, lorsque la nourriture est déficitaire parce que les hommes s’isolent. Le spectacle est atroce puisque pendant une épidémie de peste par exemple, les corps sont sommairement enterrés et parfois les malades sont même enterrées encore vivants. Les gens sont tellement effrayés qu’ils choisissent d’enterrer les mourants au plus vite. Je disais que le spectacle était atroce parce que les chiens déterraient des cadavres et des mourants qu’ils traînaient ensuite dans les rues des villes. Durant les épidémies, la nourriture constituait un gros problème, tout comme de nos jours d’ailleurs. »
Au cours des périodes historiques qui s’en suivirent, la Roumanie a constamment échoué à résoudre la question des chiens errants. Pendant le communisme par exemple, la population canine a carrément explosé. En effet, la systématisation des villes roumaines a impliqué la démolition de nombreuses maisons. Leurs propriétaires, obligés à s’installer dans des immeubles à plusieurs étages, ont abandonné leurs chiens dans la rue. Pour redevenir des animaux domestiques, les chiens vagabonds ont besoin de toute l’attention des humains. Chose que nombre de Roumains ne comprennent toujours pas (trad. :Mariana Tudose, Alex Diaconescu)