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L’entreprise mixte roumano – soviétique Sovromconstrucţia

Les entreprises, appelées « Sovrom », étaient créées au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale, lorsque la Roumanie fut occupée par l’Armée rouge. La première société de ce type, Sovrompetrol, allait être fondée le 17 juillet 1945. En théorie, ces entreprises devaient contribuer à la reconstruction du pays et fournir des ressources à l’économie soviétique, à titre d’indemnités de guerre. Bucarest avait à payer près de 300 millions de dollars américains en guise de dédommagements, somme convenue dans la Convention d’armistice. En réalité, la Roumanie aurait payé beaucoup plus, par le biais de ces entreprises mixtes. La contribution des Soviétiques à la mise en place des « Sovrom » a été insignifiante. Elle consistait en la présence des conseillers chargés de veiller au bon fonctionnement de ces sociétés. Les Sovrom ont également contribué à mobiliser les gens à la réfection de l’économie.

L’entreprise mixte roumano – soviétique Sovromconstrucţia
L’entreprise mixte roumano – soviétique Sovromconstrucţia

, 25.04.2016, 14:13

L’idéologie jouait un rôle primordial dans le recrutement de la main d’ouvre. Une des entreprises mixtes roumano – soviétiques, très importante dans ce processus, a été Sovromconstrucţia (Sovromconstruction). Fondée le 4 juillet 1948, elle gérait les grands chantiers, qui employaient, en dehors des ouvriers spécialisés, tous les indésirables du régime en place. Un des jeunes qui ne correspondaient plus aux critères était Dinu C. Giurescu, fils de l’historien Constantin C. Giurescu, détenu politique.

En 1950, Dinu C. Giurescu, frais émoulu de la faculté d’histoire, fut envoyé à Sovromconstrucţia, entreprise mixte effectuant des travaux de construction de chaussées. Il devait établir et veiller au respect des normes de production. Dans une interview accordée en 2002 au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, Dinu C. Giurescu a évoqué la naissance de Sovromconstrucţia : « L’entreprise Sovromconstrucţii 6 était spécialisée dans la construction de routes, selon le modèle de Deutsche Rumanisches Bau, une société mixte germano-roumaine qui avait fonctionné pendant la guerre. Confisquée par les soviets après l’armistice, la Deutsche Rumanisches Bau, ainsi que de petites entreprises privées activant dans le même domaine nationalisées en ’48, allaient fusionner. C’est ainsi que furent jetées les bases de la Sovromconstrucţia 6. Entre février et avril 1949, j’ai suivi des cours, à raison de 6 à 7heures par jour. J’étais un des individus considérés comme étant en marge de la loi. Je dirais que ma situation était plutôt incertaine. Je fus envoyé dans le village d’Andrăşeşti, pour travailler à la construction de la route Urziceni-Slobozia ».

Empêché d’exercer sa profession, car jugé non conforme au regard des critères politiques de ces temps-là, le jeune historien Dinu C. Giurescu se vit contraint de se réorienter professionnellement et d’opter pour un poste inférieur à sa formation. La vie à la campagne, le travail aux côtés des ouvriers, tout était nouveau pour lui. « Ce que je me souviens, c’est la rue principale et le fait que les ruelles du village étaient perpendiculaires sur celle-ci. J’ai loué une chambre chez un paysan sur une ruelle bordée de peupliers. Il faisait beau, c’était le début du printemps et ses maisons étaient en un état relativement bon. Mais il fallait faire environ 10 minutes à pied entre la maison du paysan et le chantier. Et l’aventure commençait en soirée lorsque tous les chiens aboyaient et j’avais peur qu’ils ne sortent de leurs enclos. Les planificateurs disposaient de deux baraques préfabriquées en bois, où se trouvaient théoriquement nos bureaux. Mais je passais au moins la moitié de la journée sur le chantier, le long de ses 10 kilomètres, pour voir ce que les gens faisaient, pour parler aux chefs d’équipe et pour vérifier le travail en général. Je me rappelle un charpentier, Dumitrescu Constantin, une personne paisible, la quarantaine. Je lui ai dit de m’enseigner ce qu’ils faisaient. Ils montaient des baraques, posaient des coffrages. C’est ce charpentier qui m’a appris le travail dans le bâtiment. Après quelques séances seulement, j’ai commencé à apprendre tous les éléments d’une construction en bois et chaque fois qu’ils bâtissaient quelque chose, je m’y rendais pour voir ce qui se passe »

Sovromconstructia, tout comme Sovromcărbune (Sovromcharbon), était une entreprise où même les personnes jugées indésirables pouvaient travailler, alors que tel n’était pas le cas dans d’autres sovroms, tels Sovrombanc, Sovromfilm et Sovromasigurări (Sovrom-assurances), où la carrière était décidée selon des critères politiques. Giurescu se rappelle pourtant qu’il fut bien reçu par les gens simples de Sovromconstructia. « Je venais d’une autre catégorie sociale. Les gens m’ont bien reçu en général. Je ne parle pas des fonctionnaires parce que leur monde est une véritable jungle, puisque tous les échoués politiques et sociaux y ont trouvé une place. Il y avait d’anciens officiers, avocats, magistrats, comptables etc. Je me souviens d’un certain Dumitrescu, ex-officier de la Garde royale. J’avais deux craintes. Primo : ne pas provoquer un scandale sur le chantier puisque si certains se considéraient lésés, la Securitate se trouvait à Urziceni, et on savait tous ce qui allait se passer ensuite. Secundo, j’avais peur que les chefs ne découvrent que j’avais fait une opération qui n’était pas prévue dans les plans. Je n’ai pas vu de conseillers soviétiques. J’ai vu une seule fois le directeur de Sovromconstructii 6, Habanov, un Soviétique qui portait un grand chapeau, un costume aux épaules gonflées et des pantalons larges, selon la mode soviétique. Tous les autres étaient des ingénieurs, des gens du métier. »

Sovromconstructia a été dissoute, tout comme les autres entreprises soviéto-roumaines, entre 1956 et 1959 pour marquer un allègement de l’influence soviétique en Roumanie. Et pourtant, les animosités entre la Roumanie et l’URSS au sujet du patrimoine des sovroms allaient continuer durant les décennies suivantes, jusqu’en 1980. (trad. Mariana Tudose/Alex Diaconescu)

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