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L’émigration grecque en Roumanie à l’époque communiste

Une guerre civile sanglante a déchiré la Grèce entre 1946 et 1949, opposant les guérillas communistes financées par l’URSS aux forces gouvernementales. Les affrontements lancés par les rebelles communistes ont commencé dans les régions montagneuses situées à proximité des frontières avec la Yougoslavie et l’Albanie. Les communises souhaitaient écarter le régime monarchique légitime et instaurer une république socialiste. Le conflit éclaté entre Staline et Tito a favorisé la défaite des guérillas communistes grecques et le Parti communiste grec se tourna vers Moscou. Par conséquent, Tito décida de fermer les frontières yougoslaves avec la Grèce, les guérillas communistes étant privées de l’appui vital – stratégique et moral – dont elles bénéficiaient de la part de la Yougoslavie.

L’émigration grecque en Roumanie à l’époque communiste
L’émigration grecque en Roumanie à l’époque communiste

, 20.07.2015, 13:17



L’Albanie, qui se trouvait sous l’influence de Tito, a renoncé, elle aussi, à soutenir les communistes grecs. Jusqu’en septembre 1949, des groupes toujours plus épars de partisans communistes soit se sont rendus, soit ont franchi la frontière albanaise, d’où la plupart ont émigré dans les pays socialistes.



La Roumanie devint la destination de prédilection de l’émigration communiste grecque en quête d’un refuge. Quelque 200 mille émigrants politiques grecs sont arrivés dans les pays socialistes, dont 11 à 12 mille ont choisi la Roumanie : enfants et combattants ou membres de leurs familles. Après 1948, la Roumanie a reçu le plus grand nombre d’enfants grecs, environ 5.700, sur les 28 mille accueillis par les Etats communistes. La plus grande colonie d’enfants grecs fut organisée à Sinaia, dans les Carpates Méridionales, entre 1948 et 1953. Dans les hôtels de cette ville-station de la Vallée de la Prahova ont été hébergés 1.700 enfants grecs, auxquels se sont ajoutés plusieurs milliers d’enfants nord-coréens réfugiés en Roumanie suite à la guerre de Corée, éclatée en 1950.



Comment les combattants communistes grecs ont-ils été accueillis en Roumanie?



L’historien Radu Tudorancea, de l’Institut d’histoire « Nicolae Iorga » de Bucarest explique : « Une partie des anciens combattants qui ont quitté la Grèce à la fin de la guerre civile a émigré en Roumanie. Ils y ont bénéficié de l’aide des autorités de Bucarest — les blessés pour être soignés, les autres pour s’habituer aux nouvelles conditions et s’intégrer à la société roumaine. L’existence d’une importante communauté grecque en Roumanie semblait favoriser l’intégration des nouveaux-venus. En outre, à commencer par 1948, le groupement philo-communiste, soutenu par les autorités roumaines, a réussi à s’imposer au sein de cette communauté et prendre le contrôle. Une nouvelle entité fut ainsi créée, appelée l’Union patriotique grecque. Les partisans grecs de la royauté, déjà très peu nombreux en Roumanie, furent ainsi marginalisés. »



Le gouvernement communiste de Bucarest a donc été très généreux avec les membres des guérillas communistes grecques réfugiés en Roumanie, leur offrant hébergement, soins médicaux et argent. Comme dans tous les autres pays accaparés par les communistes, en Roumanie la presse a manipulé le contenu des informations sur la guerre civile grecque.



Radu Tudorancea : « Le déroulement de la guerre civile en Grèce a été suivi avec préoccupation à Bucarest, faisant l’objet de nombreux articles publiés dans la presse communiste. Comme on pouvait s’y attendre, celle-ci s’est lancée dans une campagne acerbe en faveur des partisans communistes grecs, dénigrant constamment le camp anglo-américain et son rôle dans l’ensemble de la guerre civile de Grèce. Dès janvier 1948, le leader communiste grec Nikos Zahariadis avait envoyé en Roumanie Letferis Apostolou, accrédité à Bucarest comme représentant du soi-disant gouvernement démocratique de la Grèce. Il était chargé de prendre contact avec les autorités roumaines et d’obtenir un soutien de la part du gouvernement de la République Populaire Roumaine aux communistes grecs, de veiller à ce que les blessés arrivés en Roumanie soient soignés et de préparer la création de colonies pour les enfants grecs. Les autorités communistes de Bucarest ont alloué d’importantes sommes d’argent pour soutenir les émigrants politiques grecs. Rien qu’en 1951, l’aide financière accordée au Parti communiste grec s’est montée à quelque 300 mille dollars américains, auxquels s’ajoutaient d’autres dépenses. Les années suivantes, les sommes ont augmenté, se chiffrant, en 1952, à quelque 750 mille dollars américains. D’autres fonds ont été accordés aux maisons d’édition. Le siège du Comité central du PCG fut transféré à Bucarest et nombre de ses activistes se virent offrir un logement dans des villas secrètes du quartier Primăverii, le plus huppé de la capitale. »



Les réfugiés grecs n’ont jamais renoncé à leur lutte pour instaurer l’idéal communiste dans leur pays. Ils avaient considéré leur défaite comme provisoire, étant prêts à tout instant à reprendre les armes, si la conjoncture internationale le permettait. Aussi, la Roumanie devint-elle une sorte de base pour les actions des agents communistes en Grèce, instruits par des idéologues grecs ayant fait des stages à Moscou.



Radu Tudorancea : « Misant sur une reprise prochaine des affrontements sur le territoire grec, les activistes grecs de Roumanie ont souhaité maintenir en alerte les groupes d’anciens partisans, pour qu’ils puissent prendre les armes à tout moment. Une école politique fut organisée à Breaza, avec, comme enseignants, Nikos Zahariadis et Vasilis Bartiotas, entre autres. Cette école allait former des agents prêts à agir illégalement sur le territoire de la Grèce, en faveur de la cause communiste. Plus de 120 tels agents y furent envoyés clandestinement, entre 1952 et 1955, dont la plupart ont été capturés par la police grecque. »



La mort de Staline et le processus de dé-soviétisation ont miné la cause des communistes grecs. Les relations entre la Roumanie et la Grèce furent normalisées, dans l’intérêt des deux pays, et l’idée des affrontements armés tomba dans l’oubli. (Trad.: Dominique)

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