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Le typhus exanthématique dans la Roumanie de la Grande Guerre

Le typhus exanthématique a marqué la triste histoire que les pandémies avaient écrite dans l’espace roumain pendant les années sombres de la Grande guerre. Selon les statistiques, l’épidémie de typhus exanthématique a fait bien plus de victimes que le conflit militaire en tant que tel, soit 350 mille militaires et 450 mille civils pendant le seul hiver 1916/1917. Pour rappel, la Roumanie est entrée en guerre au mois d’août 1916 aux côtés de l’Entente, les armées roumaines traversant les Carpates et lançant leur offensive en Transylvanie, province à majorité roumanophone, appartenant encore, à l’époque, à l’empire d’Autriche-Hongrie. La contre-offensive lancée par les empires centraux au nord, par les Bulgares, appuyés par les Allemands, au sud, ont contraint pourtant bien vite l’armée roumaine à la défensive ; après quatre mois de combats acharnés, elle s’est repliée en Moldavie. Au mois de décembre 1916, Bucarest se retrouvait ainsi occupé par les forces militaires allemandes, bulgares et austro-hongroises, qui n’hésitèrent pas à instaurer un régime militaire d’occupation sévère, marqué par les réquisitions et des restrictions en tout genre.

Le typhus exanthématique dans la Roumanie de la Grande Guerre
Le typhus exanthématique dans la Roumanie de la Grande Guerre

, 13.07.2020, 12:05

Le typhus exanthématique a marqué la triste histoire que les pandémies avaient écrite dans l’espace roumain pendant les années sombres de la Grande guerre. Selon les statistiques, l’épidémie de typhus exanthématique a fait bien plus de victimes que le conflit militaire en tant que tel, soit 350 mille militaires et 450 mille civils pendant le seul hiver 1916/1917. Pour rappel, la Roumanie est entrée en guerre au mois d’août 1916 aux côtés de l’Entente, les armées roumaines traversant les Carpates et lançant leur offensive en Transylvanie, province à majorité roumanophone, appartenant encore, à l’époque, à l’empire d’Autriche-Hongrie. La contre-offensive lancée par les empires centraux au nord, par les Bulgares, appuyés par les Allemands, au sud, ont contraint pourtant bien vite l’armée roumaine à la défensive ; après quatre mois de combats acharnés, elle s’est repliée en Moldavie. Au mois de décembre 1916, Bucarest se retrouvait ainsi occupé par les forces militaires allemandes, bulgares et austro-hongroises, qui n’hésitèrent pas à instaurer un régime militaire d’occupation sévère, marqué par les réquisitions et des restrictions en tout genre.

Mais cette occupation militaire de la capitale roumaine s’est accompagnée par la montée d’un nouveau fléau : le typhus exanthématique. C’est à la fin du mois de décembre 1916 que les premiers cas d’infection sont signalés à Bucarest, parmi les couches populaires d’abord, avant que l’épidémie ne s’étende comme une traînée de poudre dans toute la population. C’est que la guerre et ses conséquences sociales lui ont fait le lit. Un second foyer, bien plus terrible celui-là, fit son apparition en Moldavie, où le typhus fut amené par l’armée russe.

L’historienne Delia Bălăican, chercheuse à la Bibliothèque de l’Académie roumaine, a étudié l’impact provoqué par l’épidémie du typhus exanthématique sur la population roumaine de l’époque.

Delia Bălăican : « D’abord, c’est quoi une épidémie de typhus exanthématique ? La cause, c’était la présence des poux, c’est donc lié à la pauvreté, à la misère, à l’absence d’hygiène, aussi bien parmi les troupes que dans la population civile. En Roumanie, le typhus est arrivé par les troupes russes et, de façon plus sporadique, en provenance des Balkans. Et puis, avec les mouvements des troupes dans la région de Moldavie, la maladie s’est étendue comme une traînée de poudre, à la campagne et dans les villes. La situation est arrivée à un tel point que l’on enregistrait un taux de mortalité de l’ordre de 30% au sein de la population civile, et de 40% parmi les médecins, au mois de mars 1917. »

En dépit du chaos provoqué par la situation au front, les autorités réagissent face au défi, et conçoivent un plan censé combattre efficacement l’épidémie. Delia Bălăican précise : « Au mois de janvier 1917, la présence de l’épidémie avait été officiellement actée, mais le pic n’a été atteint que pendant le mois de mars. Dans le Bucarest occupé, l’Institut de bactériologie était toujours dirigé par le célèbre scientifique Victor Babeș. A Iași, suite aux appels de la Croix rouge française, les services médicaux ont été réunis sous la direction du docteur Ion Cantacuzino (Jean Cantacuzène). Dans ses laboratoires de Bucarest, Victor Babeș produisait des vaccins, car il faut dire que le typhus exanthématique n’était pas la seule épidémie qui faisait des ravages à l’époque. Pendant la guerre, on avait encore signalé des foyers de peste et de malaria. Mais le typhus exanthématique venait juste d’apparaître dans l’espace roumain, et il n’y avait pas de vaccin connu qui puisse le prévenir ».

Pourtant, comme cela arrive souvent dans les situations-limite, des gens d’exception se font remarquer et sortent du lot. L’un des héros, qui s’est bien élevé à la hauteur du moment, a été le docteur Jean Cantacuzène. Delia Bălăican : « Selon les mémorialistes et les archives qui sont parvenues jusqu’à nous, le docteur Cantacuzène a accompli un véritable miracle à Iași. En très peu de temps, il est arrivé à isoler les malades du typhus exanthématique. A l’aide d’une équipe de 150 ingénieurs, il a vite fait d’ériger des baraquements, où il était parvenu à mettre en quarantaine les malades. Les baraques étaient en bois, c’était une sorte d’hôpital de campagne, où étaient internés, sans distinction aucune, militaires et civils ensemble, sans se soucier de différences d’âge ou de sexe. Le problème principal résidait dans les conditions de vie qui prévalaient dans les villages. Les gens vivaient souvent dans des cabanes en torchis, privés de lumière naturelle, et où l’absence d’aération et l’humidité excessive favorisaient grandement l’épidémie. Ainsi, les malades ont pu être exfiltrés de leurs villages, et des conditions draconiennes d’hygiène ont été imposées. Des campagnes d’extermination des poux ont été menées tambour battant. Il fallait prendre soin de son hygiène personnelle, de l’hygiène de ses vêtements et des objets intimes. Les vêtements infestés étaient brûlés ou mis dans des fours, censés tuer les satanées petites bêtes. Si cela n’était pas possible, on employait le pétrole ou le vinaigre pour en venir à bout. C’étaient des produits à portée de main pour l’époque. En même temps, des mesures similaires ont été prises à Bucarest. A Iași, le défi principal posé aux autorités a été celui de pouvoir maintenir la propreté de la ville. Cette année-là il y a eu un hiver rude, et la présence massive de la neige avait rendu les opérations encore plus pénibles. En effet, l’une de ces opérations pénibles était justement celle de ramasser les cadavres tombés dans les rues ».

Parmi les personnages qui se sont élevés à la hauteur du moment, notons les souverains de la Roumanie, le roi Ferdinand et la reine Marie. La reine Marie notamment qui, par son attitude et par ses actes posés, avait réussi à frapper à jamais la mémoire de ses contemporains.

Delia Bălăican : « La reine Marie a été l’un des personnages clé de la guerre, mais aussi de cet épisode terrible de l’épidémie de typhus exanthématique. L’image qui nous est arrivée d’elle, traversant les époques, est celle où l’on voit la reine au chevet des malades. Elle est intervenue personnellement pour améliorer leur sort, elle est intervenue auprès des missions étrangères présentes à Iasi, auprès des ambassades française, américaine, britannique, plaidant la cause de ces malheureux, pour améliorer un tant soit peu leur quotidien. La reine Marie a été exemplaire, et son geste avait constitué un véritable exemple à suivre pour toute la haute société roumaine de l’époque, et les dames de l’élite se sont empressées de lui emboîter le pas. La mobilisation de tous a été exemplaire, et les récits présents dans les mémoires laissées par les contemporains ont toujours le don de nous émouvoir. L’image de la reine Marie – je ne parle que d’elle, mais il y a eu des milliers d’exemples de courage et d’abnégation -, représente un symbole de cette lutte de toute une société contre l’épidémie, une image extrêmement lumineuse, dans un moment plutôt sombre de l’histoire nationale ».

Les mesures prises de cette manière résolue ont très vite prouvé leur efficacité, car dès le mois de juin 1917, l’épidémie a été contenue. C’était aussi un moment charnière de la guerre, car les luttes de Mărăști, Mărășești et Oituz présageront de la victoire finale, qui ne tardera pas à suivre l’année d’après, en 1918. (Trad. Ionut Jugureanu)

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