Le tricentenaire Dimitrie Cantemir
Le type d’homme politique à la
fois qui soit également un homme de culture et un érudit a fait son chemin
depuis l’Antiquité, depuis l’empereur romain Marc Aurèle, qui vécut au 2e
siècle de notre ère. Niccolo Machiavelli dans son célèbre ouvrage sur la bonne
gouvernance, intitulé « Le Prince », affirmait d’ailleurs que le prince
érudit saura toujours trouver les meilleures solutions pour sa principauté.
Dans l’histoire des pays roumain, le voïvode valaque Neagoe Basarab, qui régna
au début du 16e siècle, se distingua nettement de ses pairs par sa
grande érudition. Mais le plus connu dans ce rayon fut sans nul doute le
voïvode moldave Dimitrie Cantemir, qui laissa en héritage une œuvre riche, aux
contours vastes, couvrant des intérêts aussi variés qu’étendus, tels l’histoire,
la géographie, la morale, les sciences politiques et jusqu’à la musique.
Steliu Lambru, 30.01.2023, 00:17
Le type d’homme politique à la
fois qui soit également un homme de culture et un érudit a fait son chemin
depuis l’Antiquité, depuis l’empereur romain Marc Aurèle, qui vécut au 2e
siècle de notre ère. Niccolo Machiavelli dans son célèbre ouvrage sur la bonne
gouvernance, intitulé « Le Prince », affirmait d’ailleurs que le prince
érudit saura toujours trouver les meilleures solutions pour sa principauté.
Dans l’histoire des pays roumain, le voïvode valaque Neagoe Basarab, qui régna
au début du 16e siècle, se distingua nettement de ses pairs par sa
grande érudition. Mais le plus connu dans ce rayon fut sans nul doute le
voïvode moldave Dimitrie Cantemir, qui laissa en héritage une œuvre riche, aux
contours vastes, couvrant des intérêts aussi variés qu’étendus, tels l’histoire,
la géographie, la morale, les sciences politiques et jusqu’à la musique.
Né
en 1673, fils du voïvode Constantin Cantemirde Moldavie, Dimitrie Cantemir a bénéficié d’une éducation pour le moins soignée, typique pour son rang d’héritier
de prince souverain. Aussi, à partir de 14 ans, il suit sa formation à
Constantinople, où il vivra jusqu’à ses 37 ans. C’est là qu’il commence à rédiger
son œuvre vaste, dont Le divan ou la dispute du sage avec le monde ou
le jugement de l’âme avec le corps,Descriptio Moldaviae, Histoire de l’agrandissement et
de la décadence de l’empire ottoman, ou encore L’histoire des hiéroglyphes, tout comme Histoire
moldo-valaque (ébauche en latin, 1714-1716), Chronique de l’Antiquité des
Romano-Moldo-Valaques (en roumain, 1717) ou encore La Vie de Constantin
Cantemir dit le Vieux, prince de Moldavie, en latin.
En
1714, à 41 ans, Dimitrie Cantemir est élu membre de l’Académie royale de Berlin.
Ses travaux en histoire seront utilisés par des historiens de renommée mondiale,
tel l’Anglais Edward Gibbon (1737-1794), lors de la rédaction de son ouvrage L’Histoire
de la décadence et de la chute de l’Empire romain, ou encore par l’Américain
Allen G. Debus (1926-2009).
Dimitrie
Cantemir monte une première fois sur le trône de la principauté de Moldavie en 1693,
à 20 ans, à la mort de son père. Mais son règne est morganatique, la Sublime
Porte n’ayant pas adoubé son élection, réalisée, selon la coutume, par le
conseil de grands boyards, mais nécessitant l’accord de Constantinople, étant
donné les relations de vassalité qui reliaient à l’époque la Moldavie à l’empire
Ottoman. Et ce n’est que 17 ans plus tard, en 1710, qu’il montera sur le trône
une seconde fois. Se rangeant du côté des armées russes de Pierre le Grand lors
de la guerre russo-turque de l’année suivante, il perdra le trône et devra se
réfugier en Russie, à la cour de Pierre le Grand, dont il devient un proche
conseiller, à la suite de la défaite russe de Stanilesti, devant les Ottomans. Il
s’éteindra en Russie, en 1723, à 50 ans.
A
350 ans depuis sa naissance et à 300 ans depuis sa mort, l’année 2023 a été
proclamée l’année Cantemir. Une excellente occasion pour mettre en valeur les
manuscrits et les livres rares abrités dans les collections de la Bibliothèque de
l’Académie roumaine nationale lors d’une exposition consacrée au grand voïvode
et érudit Dimitrie Cantemir. L’académicien Răzvan Theodorescu nous en dira
quelques mots :
« Nous
avons beaucoup de documents et d’informations sur Cantemir. Mais il en reste
autant à découvrir. Je me souviens d’un colloque organisé il y a quelques années
par l’Académie royale de Bruxelles sur l’esprit européen dont Cantemir était un
des précurseurs. Nous, les Roumains, avons donné au monde cet esprit
encyclopédique, cet européen avant la lettre. Et il nous faut être fiers. N’oublions
jamais que « Descriptio Moldaviae » a été rédigé par Cantemir à la
demande de Berlin, qui s’intéressait à cette partie d »Europe. Il y avait un
intérêt marqué de la Prusse pour cette partie orientale de l’Europe, d’où cette
commande. Cantemir était un Européen. Moldave, éduqué à Constantinople, devenu
prince russe, un encyclopédiste. Il devient membre de l’Académie de Berlin en
sa qualité de prince russe. C’était par son entremise, en sa qualité de prince
russe, que la Prusse avait choisi d’envoyer un message de rapprochement au tsar
Pierre le Grand. Il était sans doute l’homme de culture le plus important de l’empire
russe de son temps. C’est donc lui qui fut choisi. Cantemir réunit en sa
personne et à travers son œuvre ces espaces épars, la culture ottomane et la
culture russe. Et c’est dans ce sens qu’il s’avance en Européen avant la lettre. »
Constantin
Barbu, éditeur de l’œuvre de Dimitrie Cantemir, nous parle des manuscrits
présents dans le cadre de l’exposition qui lui a été consacrée :
« Dimitrie
Cantemir nous a laissé en héritage près de 200 œuvres. Nous avons réédité jusqu’à
présent 104 volumes. Nous sommes aussi parvenus à reconstituer deux manuscrits,
présents aussi bien dans les collections moscovites que bucarestoises. L’exposition
a par ailleurs été enrichie par des manuscrits inédits, complètement ignorés
jusqu’à présent. Regardez aussi, les deux chapitres manuscrits de « Descriptio
Moldaviae ». C’est l’écriture du sinologue allemand Gottlieb Siegfried Bayer, professeur à l’université de
Saint-Pétersbourg. Des manuscrits conservés en Russie, mais aussi à l’Académie
de Berlin. Ceux que vous voyez viennent de Berlin. »
L’année
Cantemir constitue l’opportunité rêvée pour mettre en lumière une personnalité
roumaine exceptionnelle, remarquable, d’envergure européenne. (Trad Ionut
Jugureanu)