Le théâtre radiophonique destiné aux enfants
Réalisé par la radiodiffusion roumain, le théâtre radiophonique destiné aux enfants a été une section à part de la production radiophonique nationale mais aussi une tentative subtile de s'opposer au régime communiste. Retour.
Steliu Lambru, 13.05.2024, 10:07
Les débuts
Dès ses débuts, la radio a fait une priorité de l’éducation des masses. Les enfants, public généreux et convoité par excellence, n’ont pas été délaissés, on peut s’en douter. Les dramatisations radiophoniques ont souvent été plébiscitées par leur public, grâce aux efforts conjoints des scénaristes, des acteurs et des réalisateurs talentueux et dédiés, des équipes techniques. Dans la phonothèque de Radio Roumanie l’on retrouve les meilleurs pages de l’histoire du théâtre radiophonique pour enfants.
L’écrivaine Silvia Kerim, journaliste et rédactrice radio ayant débuté sa carrière radio en 1961, avait longtemps travaillé à mettre en scène les meilleures pièces de ce théâtre radiophonique destiné aux enfants.
Silvia Kerim, un nom de référence du domaine
Dans son interview de 1998, conservée par le Centre d’histoire orale de Radio Roumanie, Silvia Kerim raconte ses premiers pas dans les studios de la Radio publique roumaine.
Silvia Kerim : « On m’a assigné une mission que j’allais adorer : le Théâtre au microphone destiné aux enfants. La plupart du répertoire pour enfants était constitué des contes issus de la littérature classique. L’idéologie du régime avait du mal à pénétrer les lieux, et cela nous offrait un certain confort psychologique. Les acteurs, les réalisateurs étaient les grands noms du théâtre roumain de l’époque. »
Comme partout, ce sont les gens qui font tourner la machine :
« A la tête du Théâtre au microphone destiné aux enfants il y avait Eduard Jurist, un type qui incarnait le bon sens, le respect et la modestie, très prévenant avec tout le monde, avec les moindres gens. Il y avait aussi les très doués écrivains pour enfants Vasile Mănuceanu et Călin Gruia. Puis, j’ai grand plaisir d’évoquer le nom de Mioara Paler qui fut autrefois responsable de la section des programmes pour enfants et à qui je dois la joie d’écrire pour les enfants. Ils ont senti en moi cet amour pour les enfants, ils ont senti mon désir d’écrire des textes destinés aux enfants. J’adorais mon travail. »
Comment écrire une telle pièce de théâtre
Silvia Kerim débute en écrivant des scénarios destinés aux émissions radiophoniques pour enfants ce qui ne manque pas de la plonger dans sa propre enfance :
Silvia Kerim : « On m’a demandé de retravailler et d’adapter certains contes mal traduits de la littérature chinoise ou japonaise. Et en les adaptant, j’ai réalisé que je mettais beaucoup de ma propre imagination, et qu’à partir d’un certain moment j’étais en mesure de coucher sur papier mes propres histoires, de faire mes propres tours de magie. Ma mère nous racontait tous les soirs des histoires, à moi et à mon frère, avant de s’endormir. Souvent elle commençait par « Blanche Neige », j’en redemandais, et je pense l’avoir écouté tous les soirs pendant toute une année. Et si jamais ma mère se trompait sur un détail, nous nous empressions de lui rappeler les tenants et les aboutissants de la chose. Ma mère enchaînait ensuite sur un conte mettant en scène des animaux. Ma mère, tout comme mon père, adorait les animaux, un amour qu’ils sont parvenu à nous transmettre. »
Une opposition subtile au régime communiste
À l’époque où Silvia Kerim donnait vie aux contes pour enfants sur les ondes, le régime communiste endoctrinait le public avec force et vigueur en utilisant massivement les moyens de la propagande. Mais la journaliste a choisi de s’opposer de manière subtile à l’assaut idéologique.
Silvia Kerim : « Ecoutez, dans mes textes vous n’allez pas trouver des mots tels « pionnier », « parti », « Jeunesses communistes » ou que sais-je encore, le bestiaire du régime. Mes scénarios content les héros d’Andersen, ce sont des histoires tristes, mettant souvent sur le devant de la scène les laissés-pour-compte, les oubliés de la vie, avec des pauvres, des grands-parents mourants, dans lesquels le dessert le plus convoité était un toast à la marmelade. J’ai toujours pensé qu’il y avait davantage d’enfants malheureux et orphelins que d’enfants riches et grincheux. Et que ces histoires doivent leur parvenir, ou plutôt qu’ils doivent pouvoir s’identifier eux aussi aux personnages. Alors que c’était une époque où il fallait écrire uniquement sur des enfants heureux, qui grandissent dans la bonne humeur, qui avaient la santé et qui étaient protégés de tous soucis de la vie réelle. Et cette réalité que je dépeignais dans mes contes avait parfois du mal à passer la censure du régime. »
Le théâtre radiophonique pour enfants a été un vrai miracle qui a bercé l’enfance des millions de futurs adultes. (Trad Ionut Jugureanu)