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Le tatouage en Roumanie

Se faire peindre le corps est une pratique magique, que l’on peut rencontrer dans toutes les cultures primitives. Elle a survécu à travers les décennies, les tatouages de nos jours étant une expression artistique qui se constitue en tant qu’accessoire de l’élégance et signe d’originalité personnelle.

Le tatouage en Roumanie
Le tatouage en Roumanie

, 28.10.2013, 13:25

Se faire peindre le corps est une pratique magique, que l’on peut rencontrer dans toutes les cultures primitives. Elle a survécu à travers les décennies, les tatouages de nos jours étant une expression artistique qui se constitue en tant qu’accessoire de l’élégance et signe d’originalité personnelle.



Jadis, le tatouage était un élément d’intimité censé marquer quelque chose d’important de la vie de son possesseur. Animaux fantastiques, lettres calligraphiques, symboles ésotériques, motifs floraux, paysages, visages humains et beaucoup d’autres peuvent se retrouver dans un tatouage. De nos jours le tatouage est plutôt une mode qui n’a plus les significations d’il y a plus d’un siècle.



L’histoire du tatouage est l’histoire du souterrain, de l’exploration intérieure de l’être humain. L’historien Adrian Majuru évoque les premières études faites sur les tatouages en Roumanie, au début du 20e siècle : « Tout d’abord il faut rappeler le nom du médecin Nicolae Minovici. A ce sujet, il a publié la première monographie de Roumanie, « La mode des tatouages en Roumanie ». Il a noté tout ce qu’il avait trouvé sur le terrain, puisqu’il était le coordonnateur du service d’anthropométrie de l’Institut médico-légal. Ce service mesurait les particularités dimensionnelles de l’homme. Lui, il était intéressé par les tatouages et c’est pourquoi il a photographie nombre de tatoués. Il a redessiné tous ces tatouages à l’échelle 1 sur 1 dans son livre, où ils étaient classés scientifiquement selon leurs thèmes. L’ouvrage a été publié en même temps à Paris et Bucarest en 1905. Pourtant, l’histoire du tatouage est beaucoup plus ancienne puisque Nicolae Minovici a étudié cette pratique du point de vue anthropologique, mais il n’a pas exploré le passé. Dans l’histoire des Roumains, au Moyen Age, certains personnages portaient des tatouages pour s’identifier à une guilde ou à une catégorie professionnelle. Nos sources ne mentionnent pas une telle hypothèse, mais la législation médiévale n’interdisait pas non plus une telle pratique. Ce qui plus est, les tatouages ne semblent pas scandaliser la société roumaine médiévale. »



C’est le milieu social qui influence les tatouages. Un de ces milieux était l’armée, explique Adrian Majuru: «D’habitude les tatouages étaient réalisés dans les milieux militaires parce que l’armée était obligatoire et elle s’étendait sur 3 ans. Mais il faut ajouter que pas tous ceux qui effectuaient le stage militaire se faisaient tatouer. C’était un choix personnel. Et pourtant, de retour dans la société, de nombreux ex-militaires portaient des tatouages. L’exemple d’un couturier bucarestois qui après la première guerre mondiale s’était engagé dans la Légion étrangère, dans le Nord de l’Afrique. Son cas a été étudié par le médecin Francisc Rainer grâce auquel nous avons ses photos. Ce jeune homme de moins de 30 ans portait trois tatouages faits au Maghreb, dans les Monts Atlas, par un autre légionnaire tchécoslovaque. Un d’entre eux, un tatouage pectoral, est le portrait d’une femme avec une coiffure élaborée. L’homme s’était également fait tatouer deux étoiles sur les épaules. Ces tatouages font partie de la collection de l’Institut de médecine légale Mina Minovici de Bucarest. Jusqu’ici il s’agit de l’unique tatouage où l’on connaît non seulement le propriétaire mais aussi l’endroit où il a été fait et la technique utilisée. »



Les marginalisés, tels que les femmes aux mœurs légères ou les détenus, se faisaient graver des tatouages à fort impact émotionnel. «Chez les prostituées, ces tatouages consistant dans des grains de beauté ou des modèles floraux devaient rajouter à leur charme. Il était rare d’observer sur leur peau des tatouages à valeur strictement sentimentale, émotionnelle, évoquant un personnage masculin qui aurait marqué leur vie. Cela s’explique entre autres par le fait qu’un tel tatouage représentant le visage ou le nom d’un autre homme leur valait souvent d’être rejetées par les clients. Pour ce qui est du milieu carcéral, le livre de Nicolae Minovici présente un tatouage figurant un détenu en train de fumer sa dernière cigarette, alors qu’un gardien le mène à la potence. En général, dans de tels milieux sociaux, les tatouages avaient le rôle d’immortaliser un moment mémorable de la vie sentimentale de l’individu qu’il ne voulait pas oublier. »



C’est dire que la signification première du tatouage relève de l’affect. Adrian Majuru: « Chez bien des hommes, ces marquages corporels étaient des noms de bien – aimées, de femmes ou des visages de leurs enfants. Parmi les tatouages réunis dans la collection conservée à l’Institut de médecine légale, le plus ancien date de 1873. On y voit une dame prénommée Gherghina, qui porte une robe à crinoline et qui tient par la main un garçonnet, Ionut de son nom. Entre les deux, est gravé le chiffre 1873, représentant l’année. Un tel tatouage suggère l’intention de garder vive la mémoire des êtres chers, à la façon des mariniers obligés de vivre parfois de longues années loin de leur famille. Avec ce tatouage, on avait l’impression d’emmener ces êtres avec soi. C’étaient donc des gestes d’amour ou un souci esthétique, qui n’avaient rien à voir avec l’intention d’épater. Il y avait, toutefois, des tatouages en relief, que l’on rencontrait surtout chez le beau monde occidental : des tatouages d’ornement tels ceux imitant les bracelets, sur l’avant-bras, ou les bagues, vivement colorés, dessinés sur les doigts. Minovici affirme dans son livre que ces tatouages étaient présents chez les individus de la haute société européenne du début du XXe siècle. »



Le tatouage va sortir de la zone souterraine et gagner le large public à l’époque des premières tentatives de mieux déchiffrer le psychisme humain. Finalement, ce qui compte le plus, c’est ce qui nous rend à l’aise dans notre peau…(trad. : Mariana Tudose, Alex Diaconescu)



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