Le sapin de Noël dans l’espace roumain
L’un des rituels traditionnels les plus
importants par lesquels les Roumains accueillent la fête de Noël, mis à part le
sacrifice du cochon, les chants de Noël et la préparation des cadeaux, est celui
d’orner le sapin. Le sapin est identifié à un point tel à la fête de Noël qu’il
serait aujourd’hui inconcevable d’accueillir dignement ce jour particulier de
l’année en son absence. Pourtant, si cette coutume est devenue tellement nôtre,
elle ne date que depuis le 19e siècle, étant l’une des parures que
les Roumains avaient adoptée avec l’occidentalisation progressive des mœurs
qu’avait eu lieu à l’époque.
Steliu Lambru, 03.01.2022, 07:54
L’un des rituels traditionnels les plus
importants par lesquels les Roumains accueillent la fête de Noël, mis à part le
sacrifice du cochon, les chants de Noël et la préparation des cadeaux, est celui
d’orner le sapin. Le sapin est identifié à un point tel à la fête de Noël qu’il
serait aujourd’hui inconcevable d’accueillir dignement ce jour particulier de
l’année en son absence. Pourtant, si cette coutume est devenue tellement nôtre,
elle ne date que depuis le 19e siècle, étant l’une des parures que
les Roumains avaient adoptée avec l’occidentalisation progressive des mœurs
qu’avait eu lieu à l’époque.
En effet, dès 1800, le sapin de Noël
commence à trouver progressivement sa place dans les chaumières des Roumains.
C’est aussi une période de grande ouverture aux idées des Lumières promues par
la Révolution française, aux rapports de production capitalistes, aux modes
venues d’Occident. 1859 est aussi l’année qui marque l’union de la Valachie et
de la Moldavie, et la fondation de l’Etat roumain moderne. La dynastie de
Hohenzollern-Sigmaringen, installée en 1866 sur le trône du nouvel État, se donnait en outre pour
objectif d’arrimer fermement la Roumanie au monde occidental.
Accompagnée de Stefania Dinu, muséographe au Musée national Cotroceni, de Bucarest, nous allons
faire une brève incursion dans l’histoire du sapin de Noël dans l’espace roumain. Stefania Dinu : « Avec l’avènement du
prince souverain Carol I sur le trône de Roumanie, les choses prennent une
autre tournure, et les traditions allemandes s’ajoutent aux traditions locales.
Plus tard, lorsque la princesse Marie d’Edinburgh et de Saxe-Cobourg-Gotha fait
son entrée dans la famille royale, celle qui deviendra la bien aimée reine
Marie lors de la Grande Guerre, l’on voit les élites adopter aussi des
traditions d’origine anglaise. Et si la tradition du sapin de Noël trouve son source
dans l’espace scandinave, elle est rapidement adoptée en Allemagne. Alors, Carol
I, originaire de Sigmaringen, connaissait et observait déjà cette tradition.
C’est en 1866, lors de son premier Noël passé en Roumanie, que l’on voit
apparaître le sapin de Noël dans son palais de Bucarest. »
Le prince souverain Carol I, appelé à monter sur le trône
de Roumanie en 1866 et couronné roi en
1888, est pour sûr un agent résolu de la modernisation du nouvel État. Et l’adoption de la
tradition allemande du sapin de Noël constitue un signe, peut-être frivole,
mais sans pour autant dépourvu d’importance, de l’adoption des mœurs
occidentales par les élites roumaines d’abord, par toute la société ensuite.
Ștefania
Dinu : « Il existe plusieurs légendes sur ce premier sapin royal de
Noël. L’on raconte qu’il avait été érigé au palais de Cotroceni, la résidence
du souverain, alors que, selon d’autres sources, c’était le Palais royal, sis
Calea Victoriei, qu’il avait trouvé refuge. Une chose est sûre : la mode
du sapin de Noël avait été immédiatement adoptée par les grandes familles de
boyards de Bucarest, qui ont toutes commencé à avoir leur sapin.
Progressivement, la mode du sapin s’est étendue aux places publiques, avant de
devenir un véritable phénomène de société un peu plus tard, soit dans les
années 30 du XXe siècle. »
Si l’on connait fort bien les mille et
une boules et feux dont le sapin de Noël d’aujourd’hui se pare et scintille,
qu’en était-il à l’époque du premier sapin royal, il y a 155 ans de cela ?
Ștefania Dinu : « Les
sapins de Noël d’antan était moins richement ornés qu’ils ne le sont
aujourd’hui. Ils étaient plus volontiers ornés de bonbons recouverts de
cellophane, de fruits, de bretzels. Mais les bougies allumées ne manquaient
jamais. Progressivement, les bonbons commencent à laisser la place aux
décorations que l’on connaît aujourd’hui : des boules, des angelots, des
étoiles, et l’on peut suivre cette évolution dans la parure du sapin de Noël à
la cour de Cotroceni du roi Ferdinand, héritier du roi Carol I. Ces parures étaient importées d’Allemagne,
de la ville de Nuremberg. Dans ses mémoires, le chef de la chancellerie du
Palais, Eugen Buchman, fait état de la beauté inouïe des décorations dont le
sapin royal était embelli. »
Mais comment avait été accueillie cette
tradition de fêtes par la société roumaine en général ? Ștefania Dinu :
« Dans la joie, sans doute. La
maison royale a depuis toujours constitué un modèle, un exemple à suivre. Il y
avait tout d’abord l’entourage proche de la maison royale, qui adoptait
joyeusement de nouvelles manières de faire la fête et de marquer le moment
festif de Noël. Le personnel de la maison royale se réunissait au complet
autour du sapin. Il y avait les membres de la famille royale, le personnel au
complet, dans tous ses grades et qualités, les membres de la maison militaire
du roi mais aussi de sa maison civile, sa suite, parfois des membres du
parlement et du gouvernement. Il s’agissait d’une cérémonie quasi officielle,
déroulée autour du sapin. Par la suite, les invités se retiraient
progressivement, et la soirée devenait plus intime, autour du sapin demeurant seule
la famille royale. Cela se passait toujours à la veille du jour de Noël. La
cérémonie de distribution des cadeaux sous le sapin était immanquablement
suivie par un dîner de gala. »
Et cette coutume du sapin de Noël avait
très vite été adoptée même par le monde rural et par la frange conservatrice de
l’église orthodoxe. Ștefania Dinu : « Cela s’est très bien passé, parce que des rituels liés au sapin étaient
déjà bien présents dans la tradition roumaine, attestés aux XVIIe et XVIIIe
siècles. Vous trouverez la cérémonie du sapin de mariage ou celle du sapin
funéraire. Le sapin était bien présent dans les cérémonies rituelles roumaines.
Il symbolisait la vie, car demeurant toujours vert, en toutes saisons. Et les
anciens rituels où sa présence était appelée se sont poursuivis. »
Le sapin de Noël a sans doute essaimé sur
un terroir fertile, la tradition nord européenne se voyant rapidement adoptée
par la tradition balkanique. Erigé d’abord dans les palais et les hôtels de
maître, il fut rapidement arboré dans les maisons aristocrates et bourgeoises, tout
comme dans les maisons plus modestes, des ouvriers et des paysans, ou encore sur
les places publiques. Quoi qu’il en soit, la tradition du sapin de Noël survit
jusqu’à nos jours, pour la plus grande joie des petits et de plus grands…
(Trad. Ionut Jugureanu)