Le portrait de Nicolae Ceausescu
Plusieurs décennies durant, entre 1945 et 1989, la vie de lélite du parti communiste de Roumanie a été entourée de mystère. Le citoyen lambda ne savait rien sur les passions, les préoccupations, les discussions ou les décisions de ces gens-là. Dans un régime si opaque, louverture était synonyme de secret dEtat. Le peu de nouvelles qui parvenaient des coulisses cétaient plutôt des rumeurs, donc impossibles à vérifier. Ce nest quaprès la chute du régime communiste, en 1989, que la population a pu se faire une idée de lhomme Ceauşescu, tel quil était en réalité. Par delà les exagérations et les cancans inhérents qui circulent sur la vie dun dirigeant qui ne se fait pas connaître de son peuple, on peut constater que cétait une personne ambitieuse, peu instruite, mais perspicace et capable de prendre des décisions en conséquence.
Lingénieur Ştefan Bârlea, ancien secrétaire personnel de Ceauşescu dans les années 1980, garde bien des souvenirs de lhomme fort de la Roumanie socialiste des années 1965 – 1989. En 2002, dans une interview pour le Centre dHistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il racontait le moment de son premier contact avec Ceauşescu. En sa qualité de secrétaire du Comité central du parti, il avait convoqué les activistes du milieu universitaire.
Steliu Lambru, 20.03.2017, 13:48
Plusieurs décennies durant, entre 1945 et 1989, la vie de lélite du parti communiste de Roumanie a été entourée de mystère. Le citoyen lambda ne savait rien sur les passions, les préoccupations, les discussions ou les décisions de ces gens-là. Dans un régime si opaque, louverture était synonyme de secret dEtat. Le peu de nouvelles qui parvenaient des coulisses cétaient plutôt des rumeurs, donc impossibles à vérifier. Ce nest quaprès la chute du régime communiste, en 1989, que la population a pu se faire une idée de lhomme Ceauşescu, tel quil était en réalité. Par delà les exagérations et les cancans inhérents qui circulent sur la vie dun dirigeant qui ne se fait pas connaître de son peuple, on peut constater que cétait une personne ambitieuse, peu instruite, mais perspicace et capable de prendre des décisions en conséquence.
Lingénieur Ştefan Bârlea, ancien secrétaire personnel de Ceauşescu dans les années 1980, garde bien des souvenirs de lhomme fort de la Roumanie socialiste des années 1965 – 1989. En 2002, dans une interview pour le Centre dHistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il racontait le moment de son premier contact avec Ceauşescu. En sa qualité de secrétaire du Comité central du parti, il avait convoqué les activistes du milieu universitaire.
Ştefan Bârlea: « Nous sommes entrés dans une belle salle spacieuse. Cest dailleurs dans ce style que Ceausescu a par la suite aménagé les bureaux du Comité central. Tout dun coup, je vois savancer vers nous un homme de petite taille. Nous fixant de son regard vif, il nous demande: « Tous les camarades sont là? » Sur ce, il entre dans la salle. Deux activistes arrivent aussitôt. Passé le moment des serrements de main, Ceausescu commence son discours: « Camarades ! La direction du parti ma chargé de vous convoquer pour une consultation. Nous sommes davis quil faut améliorer lactivité dans les établissements denseignement supérieur. On travaille bien, sans doute, mais pas au rythme quexige le parti! » Il nous dévisage avant denchaîner « Comme nous envisageons de créer une union des associations étudiantes, nous vous avons invités pour vous consulter à ce sujet. Si vous êtes daccord avec cette idée, ce sera à vous de la fonder ! Ensuite, il nous a brièvement dévoilé le contenu du document et a continué: « Je dois vous le dire franquement! » Jai tout de suite saisi lagrammatisme. « Nous ne pouvons pas construire le socialisme, nous ne pouvons pas développer le pays en labsence dune intellectualité puissante et attachée à la classe ouvrière « . »
Le jeune Ceauşescu a fait une très bonne impression à Bârlea. Plus tard, celui-ci a accepté sans hésitation de devenir un collaborateur du leader suprême : « A mon départ, jétais fasciné, impressionné. Il était jeune, il a parlé ouvertement, il a été très amical, il a retenu ma main, en la serrant, il ma regardé avec amitié et les autres aussi. Ensuite, en nous quittant, il a fait son geste habituel, qui le caractérisait : il a levé les bras. Je lai affectionné, dès le début, je ne sais pas si vous me comprenez ; il nous a tous captivés et, à notre départ, nous avons gardé une très bonne impression de lui. Jai senti, après, que le parti envisageait dattirer les intellectuels, ce qui sest dailleurs passé, par la suite. »
Ceauşescu comptait sur sa mémoire, mais il avait aussi un petit carnet, le fameux petit carnet, dont il se servait pour ne pas oublier ce qui était important.
Ştefan Bârlea rappelle également le rôle de cet objet dans la façon de Ceauşescu de communiquer avec les autres : « Le petit carnet noir ne devait pas nécessairement être noir. Parfois il était noir, mais il pouvait aussi être bleu ou rouge. Cétait un simple agenda de poche, aux feuilles en papier très fin et quil renouvelait chaque année. Le petit carnet contenait des pages blanches pour prendre des notes, ainsi que toute une série de données sur la Roumanie et quelques données internationales. Cétait des statistiques, concernant la Roumanie et certains autres pays – une petite synthèse de lannuaire statistique international et intérieur. Lagenda ne comportait pas de dessins. Ceauşescu dessinait parfois quelque chose sur une feuille de papier, tout en écoutant, mais jamais dans le petit carnet. Là il notait des noms, la date et le lieu dun événement où éventuellement il avait connu quelquun. La personne dont il avait noté le nom dans le petit carnet, il la cherchait toujours, dune façon ou dune autre, au fil du temps, pour différentes activités du parti et en assurait la promotion dans la hiérarchie. Le carnet en question, il le gardait dans la poche du veston quil portait. Puisque le veston restait souvent dans son cabinet, parfois nous prenions soin de vérifier que le petit carnet était là, pour quil ne loublie pas. Un de nos collègues, Năstase, vérifiait ses stylos et sassurait quil avait aussi le petit carnet. Il ne lemportait pas toujours quand il partait à létranger, mais quand il était en Roumanie, il lavait toujours sur lui. Il avait si bonne mémoire, que si, une fois dans lannée, il lui arrivait doublier quelque chose, il disait : « Ecoutez, jai participé un jour à telle réunion, où jai vu une femme, camarade Une Telle! » Et il donnait son nom. Il fournissait donc tous les éléments pour quon puisse la retrouver. Et si jamais il avait besoin dun certain petit carnet, il demandait quon le lui apporte. »
Dans le portrait de Nicolae Ceauşescu, les traits négatifs prédominaient et sa façon de se manifester était brutale et agressive, culminant avec son départ sanglant, en décembre 1989. Ce portrait fait partie de la galerie des leaders communistes imposés dans toute lEurope Centrale et Orientale entre 1945 et 1989. (Trad. : Mariana Tudose, Dominique)