Le paléolithique dans l’espace roumain
A première vue, la préhistoire peut sembler un domaine de l’aventure, de l’adrénaline et de l’esprit rebelle. En fait, elle propose un des exercices les plus difficiles de reconstitution de l’histoire de l’humanité.
Steliu Lambru, 11.11.2013, 14:44
A première vue, la préhistoire peut sembler un domaine de l’aventure, de l’adrénaline et de l’esprit rebelle. En fait, elle propose un des exercices les plus difficiles de reconstitution de l’histoire de l’humanité.
C’est que pour « l’enfance de l’humanité » – comme la préhistoire a été appelée, par une métaphore — il n’y a pas de documents écrits et elle est étroitement liée à l’anthropologie. C’est un domaine sur lequel expriment plutôt leur avis les spécialistes en géologie, en archéozoologie, les chercheurs qui déterminent les espèces, qui étudient la micro-faune etc.
En Roumanie, le paléolithique est attesté dans le bassin de la rivière Argeş, dans la dépression entourant la ville de Sibiu, dans la zone collinaire bordant les Carpates Méridionales.
L’archéologue Adrian Doboş, de l’Institut d’archéologie « Vasile Pârvan » de l’Académie roumaine, nous fait plonger dans le monde du paléolithique, un monde où la civilisation matérielle était dominé par la pierre. « Comme son étymologie le laisse déjà comprendre, le paléolithique est l’ère ancienne de la pierre, qu’il faut distinguer de l’époque néolithique. La grande différence entre les deux, c’est que le paléolithique est l’âge de la pierre taillée. Au néolithique, on parle déjà de pierre polie. Contrairement à ce que l’on pense d’habitude, ce que nous faisons, nous, les historiens, est beaucoup plus exact qu’on ne le croirait. Nos sources d’information sont les objets en pierre taillée, les fossiles humains, assez rares, malheureusement, et la faune. Quand on étudie un site paléolithique, il est important et très utile de connaître la faune. Non seulement on identifie les espèces, mais on peut aussi tirer des conclusions sur le climat dans lequel ce site est apparu. »
A Cuciulat, dans le comté de Sălaj, dans le nord-ouest de la Roumanie, on été découvertes des peintures rupestres remontant au paléolithique. Elles représentent un cheval et un autre animal — qui pourrait être une panthère ou un autre félin. Adrian Doboş a fait partie d’une équipe d’archéologues qui ont découvert le site paléolithique le plus ancien de Roumanie.
C’était en 2009 à Dealul Guran, localité située dans le sud-est de la Roumanie, en Dobroudja. « La colline de Guran est un site découvert en 2009 dans le cadre d’un projet mené par l’Institut d’Archéologie en coopération avec l’Institut Max Planck de Leipzig et le Musée roumano-allemand de Mainz. Cette découverte, nous l’avons faite pendant 6 semaines de recherches de surface. Des fouilles, nous en avions fait 2010 et 2011 aussi. C’est un site d’exploitation du silex, qui se trouve à profusion dans cette zone calcaire. Nous en avons estimé l’âge à 390.000 ans, ce qui fait que ce site est à présent le plus ancien de Roumanie. C’est vrai que d’autres découvertes aussi ont été associées au paléolithique inférieur, mais certaines d’entre elles se trouvaient dans les lits des rivières. Dans ces cas-là, les sites n’étant pas intacts, il est difficile d’affirmer avec certitude qu’ils remontent au paléolithique inférieur. Ce site est vraiment spectaculaire pour la Roumanie et même pour l’Europe, où les sites de ce genre ne sont pas nombreux. On n’en recense qu’une quinzaine ou une vingtaine. »
Il était comment, l’homme du paléolithique? Quels étaient les habitants du territoire actuel de la Roumanie? Nous écoutons Adrian Doboş. « On les désigne par le terme d’«hominien» c’est-à-dire l’humanoïde qui se taillait des outils, d’où l’appellation aussi de homo habilis, homme habile, adroit. La capacité de la boîte crânienne est un autre critère, en ce sens que si elle est supérieure à 600 centimètres cubes, l’humanoïde respectif peut rentrer dans notre arbre généalogique. A cela est venu s’ajouter un critère de date plus récente, celui de la locomotion. Ainsi s’explique pourquoi on vient de classer comme hominiens les australopithèques les plus anciens à démarche bipède. La locomotion est donc inhérente à la définition d’un ancêtre de l’homme. Le plus vieux des fossiles mis au jour en Roumanie, qui est aussi le plus ancien d’Europe, est celui qui présente les caractères anatomiques de l’homme moderne. On l’a trouvé dans le site appelé la Grotte aux os et daté de 36.000 ans. La Grotte aux os n’est pas un site archéologique. Elle a été découverte par des spéléologues et n’a aucun intérêt d’un point de vue archéologique. Malheureusement, en Roumanie il n’y pas de fossiles de l’homme de Neandertal, même si l’on peut se douter de son existence sur ces terres. Les traces du plus ancien hominien retrouvées chez nous appartiennent à l’homo Heidelbergensis, terme générique employé pour désigner l’homo erectus ayant vécu entre 600.000 et 300.000. L’homo Heidelbergensis avait une taille plus petite et un aspect de primate très marqué, dont des arcades saillantes et une réminiscence de crête sagittale située au milieu du crâne. On ignore s’il était chétif ou robuste, car les fossiles retrouvés sont peu nombreux. »
Le site de Bugiuleşti est représentatif pour le paléolithique roumain parce que pendant longtemps, on a cru que c’est là que les plus anciens hominidés ont habité. Adrian Doboş : « C’est un site très important du point de vue paléontologique. Environ 10 points d’intérêt ont été signalés sur l’ensemble de la localité. C’est à la fin des années ’50 que les points respectifs ont été découverts, qui remontent à 1,8-2 millions d’années. Il s’agit principalement d’os de grandes espèces, trouvés en bordure d’un lac. A un moment donné, on avait retrouvé des tessons, dont il a été dit qu’ils avaient été faits par des hominidés, soit par certains australopithèques. Cela a sans doute été l’exaltation des archéologues combinées aux tendances protochronistes des autorités ».
La préhistoire fascine, les racines de l’humanité présentent un grand intérêt pour la curiosité de l’homme de revoir ses ancêtres. Dans l’historiographie française, le jeu de mots « la préhistoire » et « l’après histoire » indique comment l’homme, quelles que soient ses origines, a toujours la nostalgie de ses débuts.
(Trad. :Dominque)