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Le « nid de serpents » de Jilava

La prison de Jilava a été construite dans l’enceinte du Fort 13, partie du système de fortifications conçu pour défendre la capitale, Bucarest, dans la seconde moitié du 19e siècle, sous le règne de Carol Ier. Le gouvernement communiste installé par les Soviétiques en 1945 a démarré le processus de communisation de la Roumanie, qui s’est traduit par l’emprisonnement de l’opposition politique démocratique et de tous les opposants du nouveau régime. Jilava devenait ainsi un lieu de transit, un îlot de cet archipel que fut le Goulag roumain, où les détenus étaient interrogés et incarcérés avant qu’il ne soit décidé de l’établissement pénitentiaire où ils allaient purger leur peine.

Le « nid de serpents » de Jilava
Le « nid de serpents » de Jilava

, 03.08.2015, 13:21

La prison de Jilava a été construite dans l’enceinte du Fort 13, partie du système de fortifications conçu pour défendre la capitale, Bucarest, dans la seconde moitié du 19e siècle, sous le règne de Carol Ier. Le gouvernement communiste installé par les Soviétiques en 1945 a démarré le processus de communisation de la Roumanie, qui s’est traduit par l’emprisonnement de l’opposition politique démocratique et de tous les opposants du nouveau régime. Jilava devenait ainsi un lieu de transit, un îlot de cet archipel que fut le Goulag roumain, où les détenus étaient interrogés et incarcérés avant qu’il ne soit décidé de l’établissement pénitentiaire où ils allaient purger leur peine.



Les souvenirs de ceux qui sont passés par là dépassent de loin l’imagination la plus épouvantable. Dès leur entrée en prison, les détenus étaient soumis à un traitement extrêmement violent. Alignés sur deux rangées, les gardiens les accablaient de coups de matraque ou de cravache en cuir, les frappant partout. Après la fouille corporelle, les nouveaux-venus étaient logés dans les cellules surpeuplées, où s’entassaient parfois jusqu’à 200 personnes. Ce n’est donc pas par hasard qu’elles étaient appelées des « nids de serpents ». Dans cet espace confiné, impropre au sommeil, le condamné était obligé de ramper comme un serpent sur les 50 centimètres qui séparaient le plancher en béton du lit d’en bas.



Constantin Ion a été arrêté en 1949. Elève d’un lycée de Bucarest, il faisait partie d’un groupe de jeunes qui imprimaient et distribuaient des tracts anticommunistes. Le témoignage de ce rescapé de la prison de Jilava, qui date depuis 2000, est conservé au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine.



Constantin Ion: « J’ai partagé la cellule avec 160 autres détenus. Je me souviens de la chaleur étouffante des mois de juin, juillet et août et des lits superposés. Nous étions tellement serrés que, pour nous retourner sur l’autre côté, il fallait le faire tous en même temps, comme sur l’ordre de quelqu’un. Selon la règle, les nouveaux – venus n’avaient droit qu’au plancher en ciment, que nous appelions « le nid de serpents ». Même si on ne nous donnait pas trop à manger, il fallait aller au petit coin. Il n’y avait en fait qu’une tinette commune pour faire ses besoins. Plusieurs d’entre nous ont eu la malchance de dormir dans l’urine qui en débordait. En plus, nous étions tous atteints de furonculose. La maladie se répandait vite, car, la nuit, sous l’effet de la fatigue, ceux qui dormaient dans les lits d’en haut tombaient sur les détenus d’en bas et les infestaient. On entendait alors des cris de douleur. »



Au moment de son arrestation, en 1949, pour détention non autorisée d’armes à feu, Alexandru Marinescu était élève à Nucşoara, le village du groupe de partisans anticommunistes Arsenescu-Arnăuţoiu. Il remémore les conditions inhumaines de la prison de Jilava: « On dormait même sous le lit. Je me souviens qu’à l’hiver ’50 ou ’51, 15 à 20 hommes n’avaient plus où poser la tête. Ils s’entassaient alors dans un coin de la pièce pour se reposer. Au moment de la relève de la garde, 15 à 20 compagnons de cellule se réveillaient pour leur faire place dans les lits. Il n’y avait pas de matelas, pas de draps ni de couvertures, rien du tout, sauf les planches des lits. Dans certaines cellules, on dormait sur des paillassons déchirés. Noircie et écailleuse, la peau de nos hanches ressemblait à la nuque d’un bœuf sous le joug. Selon les règles de chaque cellule, celui qui y entrait pour la première fois était considéré comme nouveau-venu, même s’il avait déjà passé 5 ou 10 ans dans une autre prison. Ce statut supposait qu’il ne pouvait dormir qu’au pire endroit. Moi, j’ai eu de la chance. J’ai trouvé de la place, car, un bon bout de temps après mon arrivée dans la cellule, il n’y a pas eu d’autre nouveau-venu. Je dormais près des tinettes. Si je m’endormais sur le côté droit, je risquais de recevoir de l’urine en pleine figure. J’ai donc décidé de dormir sur le côté droit, à même le ciment, tournant ainsi le dos aux tinettes. »



Ion Preda a été arrêté en 1949 pour avoir donné de la nourriture au groupe de partisans Arnautoiu. Il évoque lui aussi les conditions qu’il avait éprouvées dans le nid de serpents : « Si on arrivait dans le nid de serpents, on n’avait rien sur quoi poser la tête. On utilisait les godasses en tant qu’oreillers, parce qu’il n’y avait pas de linge, il n’y avait même pas de paille sur laquelle dormir. Il n’y avait rien. On dormait à même le béton. Certains détenus sont tombés malades et ils ont fait des eczémas sur leur corps, d’autres suffoquaient et avaient des yeux gonflés. La cellule n’avait qu’une minuscule fenêtre. Et quand les détenus faisaient du bruit, le gardien fermait cette fenêtre en guise de punition. Alors on n’avait plus d’air. Il nous gardait ainsi pendant une demi-heure, puis il ouvrait la fenêtre. C’est ce qu’on a subi à Jilava. »



Le nid de serpents n’était qu’une autre modalité d’humilier l’individu, de détruire son respect de soi et face aux autres. C’était un critère illusoire d’établir qui bénéficie de conditions meilleures dans un climat de détention où la devise était « sauve qui peut ». (Trad. Mariana Tudose, Alex Diaconescu)

Foto: Iulia Opran/RRI
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