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Le métier d’archéologue dans la Roumanie communiste

Le contrôle
exercé par l’Etat totalitaire, la censure, les ukases politiques et
idéologiques, l’omniprésence de l’appareil répressif dans toutes les structures
de l’Etat ne manquent pas d’empiéter sur le travail des scientifiques et
d’affecter les résultats de leur travail. Dans le cas de l’Etat communiste, son
premier souci était la primauté de l’idéologie dans tous les aspects de la vie
sociale.

Le métier d’archéologue dans la Roumanie communiste
Le métier d’archéologue dans la Roumanie communiste

, 09.05.2022, 07:59

Le contrôle
exercé par l’Etat totalitaire, la censure, les ukases politiques et
idéologiques, l’omniprésence de l’appareil répressif dans toutes les structures
de l’Etat ne manquent pas d’empiéter sur le travail des scientifiques et
d’affecter les résultats de leur travail. Dans le cas de l’Etat communiste, son
premier souci était la primauté de l’idéologie dans tous les aspects de la vie
sociale.






Aussi,
la maîtrise de la « vérité » historique constituait une priorité
manifeste du régime, ce dernier faisant de son mieux pour transformer
l’historiographie en une annexe idéologique du parti. Et en ce sens,
l’archéologie ne pouvait pas échapper, l’on s’en doute, à la bienveillante attention
du régime, et surtout de son bras armé, la Securitate, la bien connue police
politique du régime communiste roumain.






D’ailleurs,
dès son accession au pouvoir, le régime communiste a frappé au cœur du monde
scientifique, dans une tentative de mettre au pas les historiens récalcitrants.
L’appareil de répression du régime n’a pas fait dans le détail, et ne s’est pas
gêné d’incarcérer, à partir de 1950, des historiens illustres, tels que Gheorghe
Brătianu, Constantin C. Giurescu, Petre P. Panaitescu, ou encore Silviu
Dragomir. Certains, comme Gheorghe Brătianu, y laisseront la vie. D’autres
parviendront à survivre dans les geôles communistes jusqu’en 1964, année où fut
décrétée l’amnistie générale de tous les prisonniers politiques.








L’archéologue Marian Cosac, professeur à
l’université « Valahia » de la ville de Târgoviște et éditeur d’un recueil
de documents sélectionnés des archives de la Securitate, nous apprend un peu
plus sur les stratégies dont la terrible institution répressive usait pour
orienter la recherche archéologique de sorte à mieux servir les objectifs du
régime. C’est grâce à cet ouvrage que le lecteur apprend les ruses qu’utilisait
la Securitate pour promouvoir certains thèmes de recherche et pour suggérer les
conclusions voulues. Et certains thèmes avaient véritablement le vent en
poupe : la naissance et la continuité des Roumains dans les régions
disputées à leurs voisins, notamment aux Hongrois et aux Bulgares, constituent
un exemple de choix. La nécessité qu’avait le communisme nationaliste, promu
par Nicolae Ceauşescu, de prouver la continuité ininterrompue du peuple roumain
en Transylvanie, au Banat, au Maramureş ou encore en Dobroudja était une
évidence, devenue une véritable obsession pour le régime. Les fouilles devaient
toutes affirmer haut et fort les hypothèses de la continuité nationale des
Roumains dans les régions qui n’avaient intégré le giron étatique que
tardivement, en 1878 ou en 1918. Pourtant, la Securitate n’avait pas l’exclusivité
de ce type de pratiques. Les appareils répressifs des autres pays de l’Est
agissaient de même.






Le
professeur Marian Cosac décortique le fonctionnement du mécanisme mis en place
par la police politique roumaine pour atteindre ses buts : « La
Securitate disposait d’un vaste réseau d’informateurs parmi les personnels des
musées, surtout des musées d’histoire. Et ce sont bien ces gens qui étaient
chargés de donner sens aux découvertes archéologiques. Les officiers de la 1ère
Direction de la Securitate n’étaient pas
en mesure de comprendre la signification des artefacts mis à jour lors des
fouilles. Alors, certains muséographes, inféodés à la Securitate, prenaient la
relève. Ce sont ces derniers qui tiraient la sonnette d’alarme lorsque les
ukases idéologiques du parti semblaient être ignorés par leurs collègues. Et ce
n’est qu’ensuite que les officiers de la Securitate ouvraient l’enquête à
l’encontre des récalcitrants. Certains archéologues se sont ainsi retrouvés mis
au ban de la profession, et accusés d’être des ennemis du peuple, alors qu’ils
étayaient leurs thèses avec la plus grande rigueur scientifique. Mais ce n’était
pas ce que cherchait l’Etat communiste, mais des scientifiques dociles. »









L’immixtion de la police politique dans
la profession n’avait pas manqué de provoquer des drames. Certains archéologues
et muséographes se sont élevés ouvertement contre ces ingérences, inacceptables
à leurs yeux, et ils ont souffert les conséquences de leur attitude. Ce fut le
cas de Florin Medeleț, du Musée d’histoire de la ville de Timişoara.






Marian
Cosac : « Florin Medeleț est un des archéologues devenus la cible
de la Securitate un peu par hasard. En effet, voici que l’on découvre trois
briques, datant de l’époque romaine, à l’occasion d’un chantier de
construction. Le régime y érigeait un bâtiment, les ouvriers avaient creusé
pour y poser les fondations. Et ces trois briques furent analysées par un
historien spécialisé dans la période moderne, Ioan Dimitrie Suciu, qui trouva
que ces briques romaines apportaient la preuve irréfutable de la présence
continue de l’élément romain dans cette région du Banat. Et ce mec soutenait la
thèse de la présence d’un ancien castre romain dans les fondations de la ville,
s’appuyant sur la présence de ces seules trois briques découvertes. Face à
cela, Medeleț, archéologue d’excellente réputation, avait quant à lui réfuté
avec vigueur l’hypothèse. Mal lui a pris. Il a été démis de son poste de
directeur, a été banni des librairies, il ne pouvait plus publier, il était
suivi, on l’empêcha de s’inscrire à l’école doctorale, enfin il subit
d’innombrables chicanes, en tous genres. La Securitate lui a brisé la carrière,
alors que Medeleţ était un excellent scientifique, qui avait jeté les bases
d’une véritable école archéologique dans la région du Banat. »









La période 1945-1989 a été une époque
noire à plus d’un titre. L’archéologie n’y a pas échappé. Les communistes
n’avaient que faire de l’éthique académique ou scientifique et ils l’ont fait
savoir à tous ceux qui essayaient, au péril de leur carrière et parfois de leur
liberté, de leur barrer la route. (Trad.
Ionuţ Jugureanu)

Foto: Iulia Opran/RRI
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