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Le massacre de la prison de Jilava

A lautomne 1940, avec ses frontières nord, sud et ouest amputées, la Roumanie glissait sur la pente des régimes dextrême droite. Le régime personnel du roi Carol II, corrompu et immoral, vivait ses derniers jours, après avoir entraîné lEtat dans le marasme et lavoir rendu incapable de remplir sa mission et sauvegarder le pays. Le second arbitrage de Vienne, du 30 août 1940, avait marqué le coup de grâce à ce régime, au moment où lAllemagne nazie et lItalie fasciste avaient forcé la Roumanie à céder le nord de la Transylvanie à la Hongrie de Horthy. Le roi Carol II avait alors dû faire appel en catastrophe au général Ion Antonescu, son ennemi juré, mais le seul qui semblait néanmoins capable de rétablir un semblant de fierté nationale face à la débâcle généralisée. Ce dernier, placé devant le refus des partis démocratiques de rejoindre son cabinet, sest adjoint les bons offices du parti dextrême droite de la Garde de fer, pour former une alliance de gouvernement dextrême droite, la seule en mesure, croyait-on, de pouvoir négocier avantageusement avec les nouveaux maîtres de lEurope de lépoque. La Garde de fer avait, en effet, réuni de 15% des voix de lélectorat roumain lors des dernières élections, tenues en 1937, avant linstauration du régime personnel du roi Carol II et la suppression des libertés politiques qui sensuivit. Mais, depuis, ce parti populiste dextrême droite avait été décapité de ses principaux leaders par la politique dassassinats commandités menée sous la houlette du même roi Carol II. Et voilà quen 1940, la Garde de fer, dépourvue de ses leaders historiques, mais assoiffée de vengeance, se voyait appeler à gouverner aux côtés du général Antonescu au sein dun Etat quils appellent et proclament comme lEtat « national-légionnaire ».

Le massacre de la prison de Jilava
Le massacre de la prison de Jilava

, 07.12.2020, 11:39

A lautomne 1940, avec ses frontières nord, sud et ouest amputées, la Roumanie glissait sur la pente des régimes dextrême droite. Le régime personnel du roi Carol II, corrompu et immoral, vivait ses derniers jours, après avoir entraîné lEtat dans le marasme et lavoir rendu incapable de remplir sa mission et sauvegarder le pays. Le second arbitrage de Vienne, du 30 août 1940, avait marqué le coup de grâce à ce régime, au moment où lAllemagne nazie et lItalie fasciste avaient forcé la Roumanie à céder le nord de la Transylvanie à la Hongrie de Horthy. Le roi Carol II avait alors dû faire appel en catastrophe au général Ion Antonescu, son ennemi juré, mais le seul qui semblait néanmoins capable de rétablir un semblant de fierté nationale face à la débâcle généralisée. Ce dernier, placé devant le refus des partis démocratiques de rejoindre son cabinet, sest adjoint les bons offices du parti dextrême droite de la Garde de fer, pour former une alliance de gouvernement dextrême droite, la seule en mesure, croyait-on, de pouvoir négocier avantageusement avec les nouveaux maîtres de lEurope de lépoque. La Garde de fer avait, en effet, réuni de 15% des voix de lélectorat roumain lors des dernières élections, tenues en 1937, avant linstauration du régime personnel du roi Carol II et la suppression des libertés politiques qui sensuivit. Mais, depuis, ce parti populiste dextrême droite avait été décapité de ses principaux leaders par la politique dassassinats commandités menée sous la houlette du même roi Carol II. Et voilà quen 1940, la Garde de fer, dépourvue de ses leaders historiques, mais assoiffée de vengeance, se voyait appeler à gouverner aux côtés du général Antonescu au sein dun Etat quils appellent et proclament comme lEtat « national-légionnaire ».



La Garde de Fer nattendra pas longtemps pour mettre ses desseins à exécution, et pour se venger de ceux quelle tenait pour responsables des assassinats perpétrés en 1938 à lencontre de ses leaders historiques. Ainsi se fait-il que, dans la nuit du 26 au 27 novembre 1940, 65 anciens hommes politiques, dignitaires de lancien régime personnel du roi Carol II, ainsi que de hauts gradés de lArmée et de la Police fidèles à lancien roi, tous préalablement incarcérés à la prison de Jilava, située à proximité de Bucarest, seront lâchement exécutés, sans autre forme de procès. Depuis cette nuit-là, 80 ans se sont écoulés. Remémorons cette page noire de lhistoire de la Roumanie du 20e siècle avec lhistorien Ioan Scurtu, qui passera dabord en revue la succession des régimes politiques qui ont mené jusquà cet assassinat collectif du mois de novembre 1940. Ioan Scurtu :



« Tout assassinat est une atteinte à la démocratie, aux droits de lhomme, une attaque contre la liberté dexpression, et dans ce cas cest dautant plus vrai, vu quil sagit dassassinats politiques. Les victimes avaient lié leurs noms au régime autoritaire du roi Carol II, instauré le 10 février 1938. Un régime antidémocratique. Il faudrait donc comprendre les choses ainsi : au mois de novembre 1940, ces gens-là, les victimes, déjà arrêtées, étaient perçues comme les représentants dun régime honni, qui avait supprimé les libertés démocratiques. Par la suite, certains, qui ont échappé au massacre, ont poursuivi leurs carrières politiques et se sont parfois révélés des défenseurs de la démocratie, comme Constantin Argetoianu, tels Gheorghe Tatarascu et Mihai Ralea. Mais, au moment du massacre, ces gens ne représentaient pas la démocratie. »



Lhistoriographie officielle jette souvent lanathème sur les seuls représentants de la Garde de fer pour la dégradation du climat politique de lépoque. Pourtant, lhistorien Ioan Scurtu estime que les représentants des partis démocratiques ont leur part de responsabilité dans la situation. Ioan Scurtu :



« Cette atmosphère délétère a débuté avec lassassinat de Corneliu Zelea Codreanu, fondateur et leader historique de la Garde de fer, et de 13 de ses légionnaires. Ces derniers étaient les auteurs de lassassinat de lancien premier ministre I. Gh. Duca, assassinat politique perpétré en 1933, mais aussi de celui commis en 1936 contre un dissident du mouvement légionnaire, Mihail Stelescu. Enfin, en 1939, les légionnaires procèdent à un autre assassinat politique contre le premier ministre du roi Carol II, Armand Calinescu, ce qui déclenche lire du roi, qui nhésitera pas à faire appel à des pratiques assimilables à du terrorisme dEtat pour mettre à genoux la Légion. Ainsi se fait-il que plus de 200 membres de la Légion seront assassinés en guise de représailles, alors que la plupart étaient déjà internés dans des prisons et des centres de rétention. Il ny a pas eu de procès, ils navaient pas été poursuivis, ils ont tout simplement été assassinés. Et puis dautres, toujours des membres du mouvement légionnaire de la Garde de fer, qui nétaient pas internés, se sont vus enlever de chez eux la nuit, et se sont retrouvés pendre au bout dune corde sur la place publique le lendemain. En conclusion, si les actions des membres de la Garde de fer ont été vraiment atroces, il ne faut pas oublier quils avaient à leur tour subi une répression dune violence inouïe et des assassinats pendant le règne de Carol II. »



Parmi les 65 victimes du massacre perpétré par les membres du mouvement légionnaire de la Garde de fer à la prison de Jilava au mois de novembre 1940 lon compte le général Gheorghe Argeșanu, ancien premier ministre et ancien ministre de la Défense, puis Victor Iamandi, ancien ministre de la Justice, le général Gabriel Marinescu, ancien ministre de lIntérieur et préfet de Police de Bucarest, le général Ion Bengliu, ancien commandant de la Gendarmerie, Mihail Moruzov, ancien chef du Service secret de renseignement de lArmée ainsi que son adjoint, Niky Ștefănescu. Ioan Scurtu explique la manière dont les membres de la Garde de fer concevaient cette justice expéditive :



« Le régime instauré par le général Ion Antonescu et la Garde de fer était fondamentalement hostile au régime précédent, soit au régime personnel du roi Carol II. Et les choses vont ainsi, les vainqueurs se vengent des vaincus. Cest ainsi que le général Antonescu met demblée en prison les principaux dignitaires du roi déchu, très vite après son sacre. Mais il nenvisageait pas les faire tuer de la sorte, il nétait pas partisan de cette justice expéditive. Il envisageait de les traduire en justice, la vraie, et dailleurs il avait chargé du dossier son proche collaborateur, le vice-premier ministre Mihai Antonescu, qui était juriste. Ce dernier devait sassurer que le droit à la défense soit respecté, et que la justice soit rendue dans le respect des règles et des procédures. Ses alliés, les légionnaires, voyaient en revanche les choses dune tout autre manière. Ils considéraient pour leur part que la date du 14 septembre 1940, celle de leur arrivée au pouvoir, avait marqué un tournant dans lhistoire du pays, et quil nétait plus concevable dobserver les anciennes lois qui permettaient un report. Et quil fallait nécessairement punir les coupables dassassinats, principalement de Corneliu Zelea Codreanu, selon une justice « révolutionnaire ». Et cest sur cette base que léquipe de légionnaires a pénétré dans létablissement pénitentiaire de Jilava, et a procédé aux exécutions. Dautres dignitaires de lancien régime, ceux qui ont été arrêtés et placés au dépôt de la Police de la capitale ont eu la vie sauve, grâce à lintervention du général Antonescu. »



Le massacre perpétré alors dans la prison de Jilava sur les 65 dignitaires du régime de Carol II met en fait à lhonneur le crime politique mû par le seul désir de vengeance. Un nouveau modèle de justice expéditive, où le terme même de justice est sans doute employé à très mauvais escient. (Trad. Ionut Jugureanu)

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