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Le massacre de Galati

A l’été 1940 commençait la descente aux enfers de la Grande Roumanie, celle issue du Traité de Versailles, à la fin de la Grande Guerre. Deux ultimatums sont alors adressés, coup sur coup, au gouvernement roumain. Ce fut tout d’abord un ultimatum des Soviétiques sous forme de lettre, exigeant la cession de la Bessarabie, province que Moscou considérait toujours comme un territoire soviétique, et dont elle n’avait jamais reconnu le rattachement de 1918, à la Roumanie. Plus encore, le gouvernement soviétique exigeait en compensation la cession de la partie nord de la Bucovine, avec Cernauti comme capitale.

Le massacre de Galati
Le massacre de Galati

, 29.10.2018, 12:54

Les exigences soviétiques venaient bien évidemment à l’encontre de la réalité historique, voire du principe de l’autodétermination, édicté par Lénine même, lors de la Révolution bolchevique de 1917. C’est bien en vertu de ces principes que la Bessarabie, suivant la volonté nationale, vota son rattachement à la Roumanie. Le délai de deux jours laissé par les Soviétiques aux autorités de Bucarest pour évacuer ses administrations civiles et militaires de Bessarabie provoqua le chaos généralisé, menant à la déroute. C’est dans ce contexte de panique et de dégringolade qu’a eu lieu l’un des chapitres les plus noirs de l’histoire roumaine : le massacre des Juifs de Galati, comme pour préfigurer les charniers qui allaient s’entasser par milliers au long du continent européen.

L’historien Adrian Cioflâncă, directeur du Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie, fait le lien entre le massacre de Galati du 30 juin 1940 et le climat délétère qui prévalut lors de la perte de la Bessarabie et de la Bucovine du Nord: « La cession de ces territoires en 1940 était la conséquence directe du pacte Ribbentrop-Molotov. Un épisode particulier aura un rôle déterminant tant dans la naissance du massacre de Galati du 30 juin 1940 que du pogrom de Dorohoi, qui a eu lieu le lendemain. C’est que l’ambassadeur roumain à Moscou, Gheorghe Davidescu, refuse de prendre la carte avec le nouveau tracé des frontières, tel qu’il était dessiné suite aux termes de l’ultimatum. Les autorités locales et les populations de Dorohoi et de Galati ne savaient donc pas si l’Armée rouge s’arrêterait à leurs portes ou si leurs villes passeraient elles aussi sous la souveraineté des Soviets. Vous imaginez la panique et la confusion qui pouvaient y régner. C’est cette panique exacerbée qui a joué un rôle essentiel dans cette explosion de violence qu’a été le pogrom. C’est le cas à Galati aussi. On le voit des notes des services d’information, de ce qui se dit de bouche à l’oreille par les réfugiés roumains qui déferlaient depuis la Bessarabie, ceux-là même qui colportent l’imminence de l’invasion de Galati par l’Armée rouge. Cette panique est la conséquence directe de l’absence d’informations officielles quant aux limites de l’avancée soviétique en territoire roumain».

Les rapports rédigés par les agents du ministère de l’Intérieur font état du chaos généralisé qui s’est emparé des habitants de la région, des casses, des exécutions sommaires, des Juifs qui se font jeter des trains. Mais les archives font également état de nombre d’humiliations, voire des violences subies par des officiers et des soldats de l’Armée roumaine pendant cette retraite sans lutte, humiliations d’emblée mises au compte des communistes. Dans ce contexte de catastrophe, la presse du temps ne s’attarde pas trop sur le massacre de Galati. Les journaux relataient plus volontiers en revanche une attaque communiste qui aurait eu lieu aux environs de la gare, et qui aurait donné lieu à la réaction militaire qui s’était ensuivie, tout cela sur fond des sentiments antisémites prévalant à l’époque.

La panique générale provoquée par le mouvement offensif rapide de l’armée soviétique et la haine du Juif dans le chef de certains habitants constituent, selon Adrian Cioflâncă, les causes principales du massacre de Galati: « La seconde cause qui explique la panique qui prévalait sur le terrain, c’était que la pénétration militaire des Soviétiques dans la Bessarabie et la Bucovine du Nord était en avance sur le planning prévu. Les troupes roumaines, dont le plus gros se déplaçait en charrette, à cheval, voire carrément à pied, étaient rattrapées par les parachutistes ou les chars soviétiques. Dès le 29 juin, les Russes avaient occupé, grâce aux unités de parachutistes, les deux premières villes roumaines, Reni et Bolgrad, alors que les troupes roumaines étaient au beau milieu de la province de Bessarabie, encore loin de l’avoir vidée. C’est ce qui provoque une panique folle, parce qu’à la gare de Bolgrad, pas moins de quatre convois de réfugiés sont rattrapés par les troupes soviétiques, et que dans le port de Reni, les Soviétiques interceptent plusieurs navires pleins de réfugiés. Dans ces conditions, certains habitants prennent courage et se mettent à commettre des vols, des casses, à harceler les autorités roumaines en retraite. Les Soviétiques arrêtent les trains, ce qui ne fait qu’accroître la panique jusqu’à son paroxysme. Les colportages, les fausses informations troublent les esprits et provoquent la panique ».

A Galați, à la gare surtout, se croisent deux flux migratoires opposés, formés par ceux qui veulent passer depuis et vers la Bessarabie la rivière Prut. Il y a d’une part ceux qui veulent rejoindre le territoire censé devenir soviétique sous peu et puis, d’autre part, les réfugiés qui fuient devant l’avancée de l’Armée rouge. Dans ces conditions, les autorités locales se mettent à constituer une douane, et elles commencent à exiger des droits de passage de la part de ceux qui quittent la Roumanie vers la Bessarabie, pour se mettre sous autorité soviétique. Les mêmes autorités se mettent à construire sur un terrain vague, à proximité de la nouvelle frontière, une sorte de camp de transit, destinés à ceux en partance vers la Bessarabie occupée.

A ce moment-là, la garde est montée par un régiment de marins armés de fusils. Et puis, dans cette atmosphère électrique, un conflit explose entre un marin d’un côté et une famille de réfugiés de l’autre. Le marin tire. Les gardes s’affolent et croient qu’on leur tire dessus, depuis le camp qu’elles gardaient. L’ordre de tir est donné. Suite au massacre débuté dans ces conditions troubles, on dénombra, selon les sources, entre 80 et 300 morts, dont la plupart des victimes sont juives. Plus de cent militaires prirent part au massacre. Certains furent jugés et condamnés après la guerre, certains encore furent condamnés à tort par la justice communiste, mais beaucoup y échappèrent.

Quoi qu’il en soit, le massacre de Galati représente une tache sombre dans l’histoire roumaine. (Trad. Ionut Jugureanu)

Foto: pixabay.com
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