Le Comité judéo-américain de distribution en Roumanie
Son but initial était d’aider les Juifs de Palestine qui vivaient dans les territoires occupés par l’Empire ottoman et dont les conditions de vie empiraient visiblement. L’aide a par la suite été élargie aux Juifs des autres pays d’Europe Centrale et de l’Est. Les donateurs étaient des Juifs riches d’Amérique : industriels, juristes, médecins ainsi que différentes organisations juives américaines. A compter de 1916, le Comité judéo-américain de distribution a été présent en Roumanie aussi et s’est employé à venir en aide aux besogneux.
Steliu Lambru, 27.11.2017, 15:14
Le premier président de l’organisation en Roumanie a été l’industriel philanthrope Adolf Salomon. Après sa mort, survenue en 1920, c’est le médecin Wilhelm Filderman qui a occupé ce poste. L’historienne Lya Beniamin raconte le début de l’activité de l’organisation en Roumanie : « Elle apparaît en Roumanie en 1916. Je dois préciser que j’ai été impressionnée par le fait que le journal « Courrier israélite » annonçait sa création dès décembre 1914. J’ai trouvé fort intéressante la vitesse avec laquelle circulaient les nouvelles au début de la guerre. Le commencement de l’activité du Comité judéo-américain de distribution, en 1916, est lié à l’intention d’aider les Juifs qui vivaient dans les pays participants au conflit et où la vie devenait de plus en plus insupportable. Si l’organisation s’implante en Roumanie en 1916, c’est parce que le pays entre en guerre justement cette année-là».
A cause de la guerre, l’unique aide susceptible de parvenir aux gens qui en avaient besoin était d’ordre financier. Il était hors de question, à cette époque-là, d’envoyer des biens ou d’investir dans l’éducation. Cela ne devait arriver que plus tard. L’historienne Natalia Lazăr, qui travaille au Centre d’études de l’histoire des Juifs de Roumanie, décrit en détail les premières œuvres caritatives du Comité judéo-américain de distribution pendant et au lendemain de la Grande Guerre : « Au tout début, l’aide prêtée à ces gens consistait en de l’argent. En 1917, le Comité judéo-américain de distribution a envoyé en Roumanie 40.000 dollars. Pour vous faire une idée de ce montant, disons qu’une cinquantaine de milliers de dollars de ces temps-là valait autant qu’un million de dollars de nos jours. A compter de 1919, les comités locaux allaient faire leur apparition. L’organisation ayant envoyé des représentants, chaque pays d’Europe de l’Est, la Roumanie comprise, allait avoir un directeur régional. Au début, les aides sont parvenues aux Juifs de Roumanie par l’intermédiaire de l’ambassadeur américain à Bucarest, Charles Vopicka. En fait, l’acheminement de l’argent suivait le parcours suivant : le Département d’Etat américain, puis la Jewish Colonization Association basée à Petrograd. Là, l’argent état remis à Vopicka, qui l’emportait en Roumanie et le distribuait aux comités locaux. Entre 1914, soit la date de sa naissance, et 1921, le Comité judéo-américain de distribution a fourni des aides d’urgence et des aides temporaires aux victimes de guerre ».
Après la guerre, à commencer par 1921, le Joint a conçu un programme de reconstruction consistant en l’organisation de coopératives de crédit pour aider les petits artisans. Le programme de reconstruction visait principalement à refaire les maisons détruites par les bombardements pendant la guerre. Tel fut le cas de la ville de Cernăuţi par exemple (actuellement en Ukraine).
A l’entre-deux-guerres, l’organisation a envoyé de l’argent en Roumanie pour l’école « Le marteau » de Bucarest, une école professionnelle très importante à l’époque, ainsi que pour les coopératives de crédit et les colonies d’enfants. Lya Beniamin parle de la nouvelle orientation de cette association américaine à l’entre-deux-guerres : « Il faut dire qu’il y avait tout un concept autour de l’envoi de ces aides. Ce n’était pas une simple action philanthropique, dans le sens d’offrir de l’argent aux démunis. Le concept tournait autour de l’idée que la population juive avait besoin d’aide, de conseil et de soutien pour ses différentes activités de production. Ce n’était pas du tout une aide à quelqu’un qui faisait l’aumône : 100 – 200 dollars pour survivre du jour au lendemain. Il fallait aider l’artisan ou le commerçant à refaire sa source d’existence. Par conséquent, après la guerre, ce nouveau concept visait principalement à conseiller la population juive à pratiquer des métiers productifs. »
Nous avons également demandé à Lya Beniamin d’expliquer comment se déroulait l’activité de cette organisation humanitaire pendant les années de la législation raciale de Roumanie ainsi que pendant l’Holocauste: « En fait, le problème, ce n’était pas la législation raciale. Le problème, c’était la guerre. Les interdictions étaient imposées plutôt par les Américains que par le régime du maréchal Antonescu. Et pour cause : pour des raisons politiques, le Trésor américain ne voulait plus envoyer d’argent dans un pays qui luttait contre les Etats-Unis, aux côtés de l’Allemagne. Par ailleurs, la Croix rouge de Roumanie y a joué elle aussi un rôle important. Pendant les déportations en Transnistrie, le principal souci pendant de l’Holocauste, surtout dans sa première étape, c’était d’aider les Juifs déportés là-bas qui vivaient dans une misère profonde. Au début, le régime d’Antonescu avait interdit ou rendu très difficile l’envoi d’aides en Transnistrie. En fin de compte, certaines demandes ont été approuvées et, même si les aides étaient minimales, elles sont quand même arrivées dans ce pays. Plus encore, les représentants de la Croix rouge internationale ont réussi à se déplacer en Transnistrie, à visiter les camps et les ghettos et à couvrir le besoin de médicaments, d’argent et d’aliments. »
Quelque 100.000 personnes ont bénéficié du soutien du Comité judéo-américain de distribution. En 1949, ces personnes ont été privées de ces aides, l’organisation étant interdite par le nouveau régime communiste installé en Roumanie. Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la même organisation humanitaire a œuvré pour récupérer les victimes de l’Holocauste et pour les réinsérer dans la vie active, les aidant aussi à émigrer de Roumanie en Israël et dans d’autres pays. (Trad. Mariana Tudose, Valentina Beleavski)