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Le centenaire des relations entre la Roumanie et la Pologne


Le centenaire des relations entre la Roumanie et la Pologne
Le centenaire des relations entre la Roumanie et la Pologne

, 18.10.2021, 08:49


A la fin de la Grande Guerre, la carte de l’Europe avait été modifiée en profondeur.
Les empires ottoman, austro-hongrois et russe avaient sombré. Des Etats
nationaux, plus petits ou plus grands, sont nés sur les ruines de ces empires
multiethniques. La Grande Guerre, avec plus de 10 millions de morts, avait fait
un carnage jamais connu jusque-là, dans l’histoire de l’humanité. Malgré tout,
après la guerre, les vaincus ne songeaient qu’à prendre leur revanche, alors
que les Etats victorieux tentaient de mettre sur pied des systèmes d’alliance,
qui garantissent la pérennité des nouvelles frontières.


La Roumanie et la Pologne faisaient
partie de ces Etats. Leur nouvelle frontière commune avait ravivé des liens
historiques, remontant au Moyen Âge. L’historien Ioan Scurtu passe en revue
l’historique de cette relation bilatérale, à partir de 1921.


« La convention signée entre nos deux Etats au
mois de mars 1921 était surtout un accord militaire, prévoyant de l’aide
réciproque en cas d’attaque de la frontière orientale des deux pays, celle avec
l’Union soviétique. Après la fin officielle de la Première guerre mondiale, l’Etat
polonais avait dû affronter tant les troupes soviétiques que les troupes
ukrainiennes. La Pologne était demandeuse d’un tel traité. Elle avait besoin
d’un allié dans une telle occurrence, à sa frontière sud, tout comme nous
avions besoin d’un allié à notre frontière nord. Nos intérêts se rejoignaient.
Et, d’ailleurs, la Moldavie et la Pologne avaient été des Etats voisins, il y
avait une histoire commune. »



Qui plus est, la Roumanie
agrandie et la Pologne nouvellement reconstituée avaient toutes deux un besoin urgent
d’asseoir leur reconnaissance internationale. Et cela passait forcément par une
politique de coopération régionale. Les deux Etats appuyaient par ailleurs l’autorité
de la Société des Nations, principal garant de la paix en Europe. Mais, se
préparer pour la guerre garantit parfois mieux que jamais la paix. La
convention militaire signée entre Bucarest et Varsovie, renouvelée en 1926,
impliquait un certain degré de coopération militaire. L’historien Ioan
Scurtu :


« La
Convention annonçait l’élaboration d’un document censé réglementer la coopération
militaire entre la Roumanie et la Pologne. Les états-majors de nos deux nations
se sont réunis à plusieurs reprises pour définir les tenants et les
aboutissants de cette coopération. Dans la nouvelle mouture de la Convention,
celle qui sera signée en 1926, il était prévu que les deux pays réagissent
militairement de concert, dès que l’un d’entre eux était attaqué. Il n’y avait
plus de référence à la frontière est. C’était une garantie réciproque et
générale, offerte mutuellement contre toute menace militaire externe. Il
fallait donc étendre la collaboration militaire au-delà de la collaboration
défensive sur la frontière orientale, celle avec l’URSS
. »


Pourtant, l’alliance
militaire, aussi prometteuse qu’elle fût, allait bien vite se heurter à des
problèmes insurmontables. Ioan Scurtu détaille les sources de ces
derniers :


« En fait, la Pologne était aux prises d’une
dispute territoriale avec la Tchécoslovaquie, devenue elle aussi l’alliée de la
Roumanie, grâce au traité fondateur de la Petite Entente. Alors, l’alliance
militaire avec la Pologne est passée un peu au second plan. On avait dû mettre
un coup d’arrêt aux projets militaires communs, aux exercices militaires
communs, que la Convention laissait présager. Les leaders politiques tchécoslovaques
et polonais n’arrivaient pas à s’entendre ni à dépasser les points
d’achoppement entre leurs deux Etats. La Roumanie avait, certes, essayé de
concilier leurs vues divergentes, afin de créer une alliance régionale globale.
Le ministre roumain des Affaires étrangères, Take Ionescu, avait d’ailleurs proposé,
dès 1919, une alliance en mesure de relier la mer Baltique à la mer Noire. Mais
cette proposition avait reçu une fin de non-recevoir de la part des dirigeants
des deux pays. Il est vrai aussi que la région de Silésie de Cieszyn, disputée
autant par la Pologne que par la Tchécoslovaquie, détenait d’importants
gisements de charbon, essentiel pour l’économie de l’époque. En outre, la
Tchécoslovaquie se trouvait aux prises avec la Hongrie, alors que la Pologne
n’avait aucune envie d’attirer l’ire de cette dernière. Et alors, dans ces
conditions, la Pologne était peu attirée par une possible alliance avec la
Tchécoslovaquie, ça va de soi.
»


Dans les années 30, la France et la Grande-Bretagne,
les deux puissances garantes des traités de paix de la fin de la Grande Guerre,
commencèrent par ailleurs à mener une politique de désescalade à l’égard d’une Allemagne,
qui, elle, devenait de plus en plus agressive. La Pologne, prise en étau entre
l’Allemagne nazie et l’Union soviétique, héritière de la Russie impériale, soit
les deux puissances qui l’avaient écrasée en 1795, se voyait acculée. Elle
sentait le danger qui le guettait de toutes parts et essaya d’y réagir. Ioan
Scurtu :


« La diplomatie polonaise était parvenue à
amadouer l’Union soviétique, arrivant jusqu’à conclure avec cette dernière un
pacte de non-agression. Avec l’Allemagne, pareil, la Pologne arrive à conclure
un tel pacte en 1934. L’Allemagne et la Pologne s’engageaient à mettre en
application la Convention de Paris de 1928, qui prévoyait d’exclure la guerre
comme moyen de règlement des différends entre les Etats. Sur ce plan, le
colonel Beck, le ministre polonais des Affaires étrangères, avait mené campagne
contre le roumain Nicolas Titulescu, à l’époque président de la Société des
Nations, qui plaidait pour un système de sécurité collective, qui voie
l’Allemagne partie prenante. Par la suite, l’évolution des événements avait
montré combien la politique polonaise s’était trompée de cible. La Pologne sera
envahie par l’Allemagne nazie le 1er septembre 1939 et par l’Union
Soviétique le 17 septembre. La deuxième guerre mondiale venait de commencer. »



Malheureusement, les deux pays, la Roumanie et la
Pologne, tomberont victimes du Pacte germano-soviétique, scellé à Moscou le 23
août 1939. La Pologne fera, la première, les frais du pacte, quelques jours
seulement après sa signature. Le tour de la Roumanie viendra à l’été 1940. Dans
l’intervalle, le dernier gouvernement de la Pologne libre, une partie de son
armée défaite et le trésor national polonais ont pu malgré tout trouver refuge en
Roumanie ou la transiter vers l’Ouest.(Trad. Ionut Jugureanu)





Foto: Iulia Opran/RRI
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