Le centenaire de la révolution bolchevique
Comme par prémonition, le journaliste américain bolchevique John Reed a intitulé son livre sur la révolution menée par Lénine Dix jours qui ébranlèrent le monde. Un titre qui allait devenir réalité cruelle. Malheureusement, après 1945 la Roumanie allait expérimenter elle aussi les idées du communisme, lequel avait ébranlé le monde comme rien d’autre ne l’avait fait jusque là.
Steliu Lambru, 13.11.2017, 16:13
Comme par prémonition, le journaliste américain bolchevique John Reed a intitulé son livre sur la révolution menée par Lénine Dix jours qui ébranlèrent le monde. Un titre qui allait devenir réalité cruelle. Malheureusement, après 1945 la Roumanie allait expérimenter elle aussi les idées du communisme, lequel avait ébranlé le monde comme rien d’autre ne l’avait fait jusque là.
L’historien et politologue Ioan Stanomir nous a parlé de l’importance de la Première Guerre Mondiale, celle qui a enclenché les grands changements du siècle dernier : C’est en effet l’événement le pus important, car c’est lui qui en a entraîné d’autres, qui a provoqué des tragédies sans précédent à l’époque moderne. C’est dans la Grande Guerre que trouve sa source la révolution bolchevique, laquelle, à son tour, favorisera l’émergence du nazisme. Il s’agit donc d’une chaîne d’évènements liés à la Première Guerre Mondiale. Cette conflagration a marqué un tournant dans l’histoire de tous les pays impliqués, vainqueurs ou vaincus. La situation est paradoxale pour la Russie, care elle ne se retrouve dans aucun des deux camps. Elle reste, pratiquement, en dehors du système international. D’où le sentiment de connivence avec l’Allemagne en matière d’adversité. Cette Allemagne qui ira du traité de Rapallo au pacte germano-soviétique.
Le communisme n’aurait pas été possible en l’absence d’une idéologie, précise Ioan Stanomir : Le communisme s’est fondé sur l’idéologie marxiste-léniniste, en fait la variante radicalisée de la pensée de Marx, greffée sur le tronc léniniste du parti révolutionnaire. A cela s’ajoutaient les variations locales telles le maoïsme, le castrisme, le polpotisme. Le marxisme-léninisme reposait sur deux axiomes: la lutte de classe et la politique comme art de la violence, de l’extermination de l’adversaire. Ces deux-là vont de paire. Marx a envisagé une superstructure d’idées: égalité sociale, justice, fraternité, calme, béatitude. Pourtant, l’approche qui sous-tendait cette superstructure excluait le compromis, considérait l’adversaire comme un ennemi et supposait la poursuite de buts utopiques, prométhéens. Les exploits prométhéens, reposant sur l’idée d’eugénisme racial ou social, produisent uniquement des catastrophes, car ils partent de la thèse selon laquelle l’humanité devant être parfaite, il faudrait en ôter tout segment imparfait. Le communisme considérait la gent ouvrière comme incarnant justement cette humanité parfaite, alors que tout opposant était un ennemi de la classe, l’exposant de l’humanité imparfaite qu’il fallait éliminer. Autant dire que la propension à la violence était intrinsèque à cette idéologie. C’est ce qui explique le fait que tous les partis se réclamant du marxisme-léninisme ont eu un caractère totalitaire.
On a dit que le régime soviétique n’a été qu’une mauvaise application des idées lumineuses du communisme. Ioan Stanomir explique. Le marxisme pur ne peut mener qu’à une société oppressive, étant donné qu’il est l’idéologie du conflit, ce qu’on voit déjà dans le Manifeste du Parti communiste. Par contre, le marxisme révisionniste part de la possibilité de concilier les intérêts non pas par la révolution mais par le vote. Et cela débouche sur la social-démocratie. L’autre voie conduit chez Staline, via Lénine. Ce n’est pas par hasard que le marxisme-léninisme, en tant qu’unité praxiologique, a forcément mené au stalinisme. Staline a été un révolutionnaire et les historiens révisionnistes ont eu du mal à distinguer entre Staline le bon et Staline le mauvais. Or on ne saurait faire un tel raisonnement. Il n’existe qu’un seul Lénine, le père du régime totalitaire, comme il n’y a qu’un seul Staline, le léniniste. Si l’on accepte ces raisonnements, on aura une meilleure compréhension des légalités, pour utiliser le syntagme marxiste.
La Roumanie a eu la malchance d’expérimenter le communisme 45 ans durant. Ioan Stanomir explique les particularités du communisme roumain : La conséquence directe de l’an 1917 a été la scission du mouvement socialiste en 1921. Le Komintern s’est avéré extrêmement actif en Roumanie. Profitant des inhabiletés du régime en place, il a réussi à mobiliser une petite partie des minorités nationales. Je pense qu’un des mythes qu’il faut démystifier est celui du judéo – bolchevisme. Ce mythe fondateur des mouvements de droite est toujours présent dans la mémoire de certains Roumains qui affirment que ce sont les Juifs qui amené et imposé le communisme, ce qui est tout à fait faux. Le communisme roumain a été une expérience à cheval entre répression et collaboration, à mi-chemin entre la répression des 15 ou 20 premières années et du pacte social conclu entre le régime et la société roumaine dirigée par Nicolae Ceauşescu. Vladimir Tismăneanu allait désigner cette réalité par le terme de stalinisme national. Il repose sur l’idée perverse que j’ai pu entendre à la mort du général Iulian Vlad, selon laquelle il y aurait eu deux types de police politique: celle qui avait fonctionné à l’époque de Dej, assujettie aux étrangers – entendez par là les Juifs – et celle patriotique, qui se serait donné pour mission de défendre le pays. En réalité, il n’y a eu qu’une seule police politique, la Securitate, mise au service d’un régime illégitime et criminel.
100 ans après la naissance du communisme en tant que régime politique, l’attitude des différentes générations qui se sont succédé est plus confuse que jamais. Elle oscille entre nostalgie, anarchie, autoritarisme, lutte contre les nouvelles formes du capitalisme. Cette attitude a pourtant gardé intacte sa fascination pour un monde meilleur.