L’armée roumaine sur le front de l’Est
En 1941, après l’échec de toute tentative de faire la paix en Europe, la Roumanie rejoint les troupes allemandes en guerre contre l’Union soviétique. Le 22 juin 1941, l’armée roumaine traverse le Prut aux côtés des Allemands pour libérer la Bessarabie annexée par les Soviétiques une année auparavant. Entre temps, les pays vainqueurs de la Première Guerre Mondiale se trouvaient dans une situation désespérée. Une bonne partie de la France était sous occupation allemande, tandis que l’Angleterre s’efforçait de tenir tête aux attaques de la Wehrmacht, l’armée allemande du IIIe Reich.
Steliu Lambru, 12.08.2013, 14:59
En 1941, après l’échec de toute tentative de faire la paix en Europe, la Roumanie rejoint les troupes allemandes en guerre contre l’Union soviétique. Le 22 juin 1941, l’armée roumaine traverse le Prut aux côtés des Allemands pour libérer la Bessarabie annexée par les Soviétiques une année auparavant. Entre temps, les pays vainqueurs de la Première Guerre Mondiale se trouvaient dans une situation désespérée. Une bonne partie de la France était sous occupation allemande, tandis que l’Angleterre s’efforçait de tenir tête aux attaques de la Wehrmacht, l’armée allemande du IIIe Reich.
Entre temps, la Roumanie, sanctionnée par Hitler pour sa politique francophile et anglophile et soumise au nouvel ordre allemand instauré en Europe, se voit forcer à contribuer massivement aux efforts de guerre.
L’offensive de l’armée roumaine contre celle soviétique a commencé sur un front allant de la Mer Noire jusqu’aux Carpates de la Bucovine. Au bout d’une faible résistance russe de trois semaines seulement, les troupes roumaines arrivent à libérer la Bessarabie et le Nord de la Bucovine. Dans un télégramme adressé le 27 juillet au maréchal Antonescu, Hitler le félicite pour la libération des territoires roumains et lui demande de franchir le Dniestr et de s’emparer de la Transnistrie. Les contingents roumains et allemands poursuivent ensemble leur offensive antisoviétique et avancent par le sud de l’Ukraine pour atteindre finalement Stalingrad.
Dans une interview accordée en 1993 au Centre d’histoire orale de la Radiodiffusion roumaine, le sous-lieutenant Ahile Sari se rappelait des épisodes atroces dont il avait été témoin lors de son passage par le sud de l’Union soviétique: « Ce fut pour la première fois de ma vie que j’ai eu l’occasion de voir un train bondé de déportés soviétiques. Ce n’étaient pas des prisonniers, mais des familles déportées, probablement en route vers l’Allemagne. Ce ne fut qu’à ce moment là que j’ai réalisé la situation dramatique que traversaient toutes ces figures déshumanisées, affamées qui couraient après nous, la gamelle vide, en espérant recevoir quelque chose à manger. Ce fut tellement triste de voir tout le contingent d’officiers et de soldats se précipiter sur les barbelés pour donner à manger à ces malheureux, tandis que les chiens aboyaient près des wagons».
Lors de la bataille de Stalingrad, l’armée roumaine subit des pertes importantes. La contre-offensive russe, connue sous le nom d’opération Uranus, visait justement le flanc nord allemand particulièrement vulnérable, puisqu’il était défendu par les unités hongroises et roumaines faiblement équipés et au moral bas. Appuyés par des blindés, les Soviétiques déclenchent l’offensive le 19 novembre. Mais les troupes roumaines s’y attendaient et elles ont commencé à demander des renforts. Sans résultat.
Le sous-lieutenant Ahile Sari remémore un des épisodes intervenus à la veille de l’attaque de l’armée soviétique: « A un moment donné, un prisonnier russe emmené dans notre caserne nous a communiqué de rester en alerte et de prendre des mesures de sécurité car l’armée russe s’apprêtait à déclencher une grande offensive. Attention, on est très bien armé, nous disait le Russe, nous avons beaucoup de blindés. Nous en avons informé nos supérieurs, mais ils ont fait la sourde oreille. Ils avaient du mal à croire qu’au bout d’un ou de deux mois de combats en plein hiver, les Russes auraient toujours la force de passer à l’attaque. Tout cela se passait le 17 novembre. Le 19 novembre 1942, à quatre heures du matin, la grande contre-offensive russe s’est déclenchée sur le Don et à Stalingrad ».
Plus de 300.000 soldats roumains ont perdu la vie lors de la bataille livrée à la boucle du Don. Dans une interview accordée en 1998, le notaire Mircea Munteanu remémore sa participation à la guerre. Il fut blessé et il s’est vu obliger de se retirer pour recevoir des soins médicaux dans des conditions extrêmes.
Pourtant, son témoignage ne fait que renforcer l’idée qu’à la guerre, même blessé et théoriquement mis hors danger, le soldat continue à subir des souffrances parfois atroces: « L’attaque a commencé le 29 novembre, sur la rive du fleuve Don. Une balle m’a transpercé la clavicule et l’omoplate gauches. Blessé, je me suis retiré sur un char allemand. En route, j’ai croisé deux majors qui m’ont demandé de descendre du char et de les rejoindre. Je leur ai dit que le commandant de notre peloton avait été tué à la baïonnette par les Russes. Ils ont pansé mes blessures. Et puis nous sommes arrivés à une ferme, en fait un kolkhoze, appelé Frunza, la Feuille. J’y a rencontré un sergent qui m’a offert du pain et une boîte de conserve. Il m’a conseillé de me rendre au village voisin, où il y avait des chariots du Régiment 16 d’infanterie. J’y suis allé, mais j’avais très mal à l’épaule, car j’avais fait le chemin à cheval en traversant un champ enneigé. La neige n’était pas trop épaisse, mais il faisait affreusement froid et je saignais, car le bandage avait décollé. Je ne pouvais plus monter à cheval, parce que j’avais les bottes gelées. Faute de boussole, je m’orientais d’après la lune. Je ne voyais rien. Et tout d’un coup, j’ai aperçu un village. J’ai entendu la sommation, en roumain, d’une sentinelle. Je lui ai demandé où trouver un aide-soignant pour me faire panser. On m’a dit qu’il y avait un vétérinaire. Je me suis remis à marcher aux côtés d’autres blessés. Nous avons parcouru une trentaine de km derrière la ligne de front. Là, il y avait un bain pour les soldats et un hôpital. Les Allemands ont jeté à l’étuve nos uniformes tachés de sang. Finalement, nous avons embarqué dans les wagons d’un train de bétail qui nous a emmenés en Pologne.»
Considérée par les historiens militaires comme la plus sanglante de l’histoire, la bataille de Stalingrad a marqué un tournant dans la guerre menée sur le front de l’Est. Ce jugement, c’est nous qui le faisons maintenant, car, à l’époque, les gens espéraient toujours dans un autre dénouement de l’histoire. (trad : Ioana Stăncescu, Mariana Tudose)