L’apparition du socialisme scientifique en Roumanie
Malgré la brutalité qui était une de ses caractéristiques, le régime communiste a dû se forger une image humaniste, créative et pacifique. La violence de son installation devait être soutenue par des arguments qui justifient les sacrifices demandés par la marche vers le socialisme. C’est ainsi qu’est né « le socialisme scientifique », une théorie qui expliquait le bien-fondé et le caractère inévitable du socialisme, auquel toutes les sociétés allaient adhérer, tôt ou tard. Cristina Petrescu, professeur des universités à la Faculté de Sciences politiques et de l’administration de l’Université de Bucarest, fait partie de l’équipe qui a sorti « L’encyclopédie du régime communiste ».
Steliu Lambru, 22.04.2014, 12:47
Malgré la brutalité qui était une de ses caractéristiques, le régime communiste a dû se forger une image humaniste, créative et pacifique. La violence de son installation devait être soutenue par des arguments qui justifient les sacrifices demandés par la marche vers le socialisme. C’est ainsi qu’est né « le socialisme scientifique », une théorie qui expliquait le bien-fondé et le caractère inévitable du socialisme, auquel toutes les sociétés allaient adhérer, tôt ou tard. Cristina Petrescu, professeur des universités à la Faculté de Sciences politiques et de l’administration de l’Université de Bucarest, fait partie de l’équipe qui a sorti « L’encyclopédie du régime communiste ».
Pour Cristina Petrescu, c’est la volonté du parti communiste qui a fait du socialisme scientifique une discipline académique : « L’évolution de cette discipline en Roumanie a d’une part reflété la politique d’émancipation du Parti ouvrier roumain, devenu ultérieurement le Parti communiste roumain, de sous la tutelle de l’Union Soviétique à commencer de la fin des années 1950 ; d’autre part, elle a eu pour résultat la remise en page de l’histoire du parti, à travers une réévaluation des soi-disant traditions locales du mouvement ouvrier. Dans le même temps, au cours de ces décennies, ce domaine, créé et pratiqué par le biais d’un mélange d’histoire, sociologie, philosophie et économie politique, a été frappé d’une dé-professionnalisation graduelle à cause du contrôle serré du parti, seul dépositaire légitime du savoir. Le parti contrôlait tous les domaines, notamment les sciences humaines et les sciences sociales, mais le contenu du socialisme scientifique était créé par le parti. »
La carrière du socialisme scientifique commence pourtant bien avant, Engels le transformant en symbole du marxisme qui s’arroge la découverte du noyau du monde qui nous entoure.
Cristina Petrescu : «Ce terme puise ses origines dans l’œuvre de Proudhon, le premier à avoir formulé ce concept dans son ouvrage
Le socialisme scientifique a inventé deux types de lois. Les lois de l’évolution de l’humanité tenaient du matérialisme historique, tandis que les lois des contradictions capitalistes se retrouvaient dans la loi de la plus-value. Lénine s’est appuyé sur les idées d’Engels pour inventer le marxisme-léninisme, science de l’humanité dont le parti était le seul à détenir la vérité. Parti révolutionnaire et avant-garde de la pensée, il avait pour mission de montrer ce qu’il fallait faire à une société moins préparée à comprendre les lois. Cristina Petrescu a montré que les germes de son apparition en Roumanie datent de la fin de l’époque de Gheorghe Gheorghiu-Dej, premier leader communiste de la Roumanie entre 1947 et 1964.
Cristina Petrescu : «A l’époque de Gheorghiu-Dej, le syntagme ‘socialisme scientifique’ n’apparaît pas dans les documents officiels, mais cette discipline prend ses racines à cette époque-là. Un slogan du 3e Congrès du PMR, en 1960, dit que le moment était venu d’élaborer nos propres manuels de sciences sociales, qui doivent mettre ensemble < les idées du marxisme-léninisme et l’expérience de notre peuple>. La déclaration d’avril 1964 inclut les idées bien connues de Khrouchtchev, selon lequel chaque parti est libre de suivre son propre chemin vers le communisme. Par conséquent, le socialisme scientifique a des lois généralement valables, mais d’autre part, dans chaque pays il existe des conditions historiques concrètes qui doivent être étudiées en tant que telles. »
Au début des années 1970, le socialisme scientifique était défini et la nouvelle direction de développement de la société roumaine vers le communisme était tracée.
Cristina Petrescu détaille : « Le
Le socialisme scientifique, transformé en dogme officiel, a envahi tous les autres domaines de l’éducation. Il a été, de loin, le cours universitaire le plus détesté, malgré le fait qu’il était appelé à révéler aux gens la vérité sur le monde, telle qu’elle était perçue par la névrose marxiste. trad. Ileana Taroi)