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L’année 1989 en Bessarabie

Comme tous les autres Roumains, ceux de Bessarabie célèbrent le quart de siècle écoulé depuis la chute du communisme et la fin de la politique de russification, qui a entraîné une violation des droits nationaux les plus élémentaires. Bref retour sur l’année 1989 en Bessarabie, soit en République soviétique moldave, avec l’historien Sergiu Musteaţă, professeur à l’Université d’Etat de Chişinău. « Entre 1985 et 1989, les choses ont commencé à changer en République socialiste soviétique moldave aussi. Ce qui est intéressant, c’est que les premières revendications formulées à Chişinău n’étaient pas d’ordre économique et social, mais elles visaient la langue autorisée et l’alphabet imposé — celui cyrillique. Et évidemment, « liberté » était le mot le plus important, qui se retrouvait sur toutes les lèvres. En regardant attentivement des photos remontant à cette époque, on constate que les gens portaient des pancartes sur lesquelles était écrit le mot « liberté ». C’est ce qui les intéressait le plus. Les gens voulaient discuter, ils voulaient entendre dire la vérité. Et ce qui était le plus humiliant pour eux, c’est qu’ils ne pouvaient pas parler ouvertement ni écrire dans leur langue maternelle : le roumain. C’est pourquoi les premières revendications de Chişinău furent liées à la langue et à l’alphabet et le mouvement militant pour ce droit d’utiliser leur langue maternelle et l’alphabet latin ont marqué toute l’année ’89. Dès janvier 1989, suite à des débats entamés en 1988 au sein de l’Union des écrivains, les gens ont commencé à unir leurs forces en faveur de la langue roumaine même si le Comité central du Parti Communiste de l’Union Soviétique posait des entraves, tâchant de critiquer et d’interdire certains rassemblements publics, qualifiés de provocations. Pourtant, les gens continuaient à se rassembler, de plus en plus nombreux, de sorte qu’à l’été 1989, ils étaient déjà plusieurs dizaines de milliers. »

L’année 1989 en Bessarabie
L’année 1989 en Bessarabie

, 29.12.2014, 14:34

Comme tous les autres Roumains, ceux de Bessarabie célèbrent le quart de siècle écoulé depuis la chute du communisme et la fin de la politique de russification, qui a entraîné une violation des droits nationaux les plus élémentaires. Bref retour sur l’année 1989 en Bessarabie, soit en République soviétique moldave, avec l’historien Sergiu Musteaţă, professeur à l’Université d’Etat de Chişinău. « Entre 1985 et 1989, les choses ont commencé à changer en République socialiste soviétique moldave aussi. Ce qui est intéressant, c’est que les premières revendications formulées à Chişinău n’étaient pas d’ordre économique et social, mais elles visaient la langue autorisée et l’alphabet imposé — celui cyrillique. Et évidemment, « liberté » était le mot le plus important, qui se retrouvait sur toutes les lèvres. En regardant attentivement des photos remontant à cette époque, on constate que les gens portaient des pancartes sur lesquelles était écrit le mot « liberté ». C’est ce qui les intéressait le plus. Les gens voulaient discuter, ils voulaient entendre dire la vérité. Et ce qui était le plus humiliant pour eux, c’est qu’ils ne pouvaient pas parler ouvertement ni écrire dans leur langue maternelle : le roumain. C’est pourquoi les premières revendications de Chişinău furent liées à la langue et à l’alphabet et le mouvement militant pour ce droit d’utiliser leur langue maternelle et l’alphabet latin ont marqué toute l’année ’89. Dès janvier 1989, suite à des débats entamés en 1988 au sein de l’Union des écrivains, les gens ont commencé à unir leurs forces en faveur de la langue roumaine même si le Comité central du Parti Communiste de l’Union Soviétique posait des entraves, tâchant de critiquer et d’interdire certains rassemblements publics, qualifiés de provocations. Pourtant, les gens continuaient à se rassembler, de plus en plus nombreux, de sorte qu’à l’été 1989, ils étaient déjà plusieurs dizaines de milliers. »



Comme toutes les autres capitales des républiques de l’URSS, Chişinău était en ébullition sous l’impact de la perestroïka et de la glasnost promues par le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev. Les revendications des nations opprimées de l’URSS étaient les mêmes. Selon Sergiu Musteaţă, c’est la Grande assemblée nationale tenue à Chişinău le 27 août 1989 qui a vraiment déclenché les changements en Bessarabie, soit en République soviétique moldave.« Le 31 août 1989 était approuvée la loi sur l’utilisation de la langue roumaine et le retour à l’alphabet latin. Au cours de cette année-là, les écrivains avaient demandé l’annulation de la décision du pouvoir soviétique d’introduire l’alphabet cyrillique. Ils ont contesté les règlements qui empêchaient une bonne connaissance de la langue roumaine ou la corrompait. C’est ainsi que les élections pour le Soviet suprême de l’URSS ont amené au premier plan une nouvelle élite, des hommes de culture, notamment des écrivains, qui ont formé une équipe participant, au nom de la Moldova, aux réunions du Soviet Suprême de Moscou. En 1989, ils ont eu l’immense courage de dire que le pacte conclu entre Hitler et Staline était un pacte contre l’humanité. Ils ont demandé au parlement soviétique la création d’une commission chargée d’examiner l’impact de cet acte politique. Pour la première fois, le quotidien « Littérature et Art » publiait à Chişinău l’accord additionnel secret que Moscou souhaitait maintenir comme tel. Pendant longtemps, on a même cru que c’était un mythe. C’est à ce moment-là que fut publié pour la première fois ce pacte de partage du monde. »



La liberté triomphait à Chişinău, comme elle allait triompher à Vilnius, Riga, Tallinn, Kiev et dans d’autres républiques ex-soviétiques. Sergiu Musteaţă.« Ce qui est arrivé à Chişinău a stimulé le mouvement général de libération nationale. En 1987, on parlait encore de ces choses-là avec crainte, en 1988 commençait la publication du pacte germano-soviétique pour qu’en 1989, la liberté d’expression et les réunions s’affirment vigoureusement. Pour la première fois en 1989, les gens ont commencé à porter le drapeau tricolore — soit le drapeau roumain — aux manifestations publiques et à affirmer que le tricolore était leur vrai drapeau. Et c’est toujours en 1989, vers la fin de l’année, que fut lancée, pour la première fois, l’idée d’une union de la Bessarabie avec la Roumanie, alors que le pacte conclu entre Hitler et Staline en 1939 était condamné. Les revendications culturelles et historiques ouvrirent le chemin aux revendications sociales et économiques : indépendance économique et gestion autonome, qui ont amené le pays à la déclaration de souveraineté de la république et, en 1991, à la déclaration d’indépendance. »



On peut dire qu’en 1989, les Roumains de Bessarabie se sont retrouvés eux-mêmes. Sergiu Musteaţă se rappelle : « En 1989, j’étais étudiant en première année à la faculté d’histoire et je me rappelle avoir participé à beaucoup de manifestations. Le 7 novembre, jour où l’on organisait, chaque année, un défilé militaire pour fêter la révolution bolchevique, pour la première fois, à Chişinău les gens ont eu le courage de se mettre devant les chars pour les arrêter. A partir de ce jour-là, les chars ne défilèrent plus sur la grande place de la ville. Les gens distribuaient des fleurs et bien que les soldats aient été d’ethnies différentes, ils n’ont pas riposté. Ils se sont arrêtés, ont embrassé les passants et reçu les fleurs qu’ils leur offraient. Pour la première fois, la direction du Parti communiste a quitté la tribune. C’était le signe que la société était en train de changer, qu’elle souhaitait d’autres dirigeants, qu’elle voulait autre chose. Ce fut le signe que le régime totalitaire, qui faisait vivre des millions de personnes dans la peur, avait fait faillite. »



En Bessarabie, le passage à la démocratie a été plus calme qu’en Roumanie. Pourtant, son passé, beaucoup plus traumatisant, lui a offert cette compensation longuement attendue : la liberté. (trad. Dominique)

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