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L’année 1946 et le collaborationnisme politique

Mais le ralliement, qua eu lieu en Roumanie dans les années 1945-47, de certaines factions des partis démocratiques à létoile politique montante du parti communiste nest pas moins un cas décole de ce que lon peut appeler le collaborationnisme politique. Quant aux communistes, lalliance de raison, quils ont pratiquée avec les dissidences des grands partis démocratiques, a représenté un mode opératoire privilégié, dune part pour se donner une contenance, dautre part pour essayer de rafler des pans entiers de lélectorat des partis traditionnels. Et cest ainsi quà lapproche des premières élections organisées en Roumanie après la deuxième guerre mondiale, au mois de novembre 1946, lon voit apparaître, comme par enchantement, des dissidences des trois grands parti traditionnels de lépoque : le parti national paysan, le parti national libéral et le parti social-démocrate. Et, sans surprise, toutes ces dissidences savèrent favorables aux alliances électorales et post-électorales avec les communistes.





Ces nouveaux partis, quasi homonymes, se distinguent du parti souche par le seul nom du leader dissident, marqué à la fin du nom du parti. Lon comptera ainsi donc le parti national paysan – Anton Alexandrescu et le parti national libéral – Gheorghe Tătărescu. Cette façon de procéder met demblée à jour le dessein inavoué et inavouable des communistes de phagocyter les partis traditionnels roumains, qui disposaient dune assise électorale et dun prestige considérable à la sortie de la guerre. Quant au parti social-démocrate, il se fera carrément accaparer par le parti communiste, à la faveur dun coup interne fomenté par les partisans des communistes. Son leader historique, Constantin Titel-Petrescu, unanimement respecté par lélectorat de gauche, est forcé à quitter son parti et en fonder un nouveau : le parti social-démocrate indépendant, celui qui poursuivra seul le combat des sociaux-démocrates contre la mainmise communiste sur le pays.





Le juriste Dan Amedeo Lăzărescu, membre des Jeunesses libérales dans les années 1940, avant de devenir prisonnier politique dans les années 50, a été lun des témoins privilégiés de lépoque. Interviewé en 1996 par le Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il démonte et dénonce les tactiques inavouables employées par les communistes roumains dans leur marche inexorable vers le pouvoir absolu, quils comptaient bien rafler, dans lombre et sous la protection des chars soviétiques.





Dan Amedeo Lăzărescu rappelle les propos véhiculés par Petre Bejan, chef de file de la dissidence libérale, lors dune réunion de ce nouveau parti, réunion censée arrêter sa stratégie à la veille des élections de novembre 46 : « Il soutenait que dun point de vue électoral, tant notre dissidence libérale que les communistes, nous ne pesions pas lourd, que nous allons rafler tout juste 0%. Les communistes de même. Que tout le pays allait voter pour Maniu, allait voter pour le parti national paysan. Donc, que si nous, la dissidence libérale, allions seuls aux élections, sans les communistes, nous nous ferions écraser. Quil fallait donc aller ensemble. La réplique na pas tardé, et elle est arrivée de la bouche du grand avocat Patriciu Popescu, un de mes meilleurs amis, un mec qui tenait des discours formidables. Il sest levé et a dit : « Monsieur le président, vous plaidez pour une action illogique. Parce que, si on rajoute un zéro à un autre zéro, tels que vous prétendez que sont nos scores électoraux respectifs, et bien, cela fera toujours zéro. Cest un raisonnement qui sent très mauvais selon moi », fin de citation. Un discours qui a mis la salle debout. Malgré tout, au final, Petre Bejan a imposé le vote à main levée, refusant net le vote secret. Et plus de deux tiers des délégués ont voté pour que le parti aille aux élections sur des listes communes avec les communistes. »

L’année 1946 et le collaborationnisme politique
L’année 1946 et le collaborationnisme politique

, 22.07.2019, 13:57

Mais le ralliement, qua eu lieu en Roumanie dans les années 1945-47, de certaines factions des partis démocratiques à létoile politique montante du parti communiste nest pas moins un cas décole de ce que lon peut appeler le collaborationnisme politique. Quant aux communistes, lalliance de raison, quils ont pratiquée avec les dissidences des grands partis démocratiques, a représenté un mode opératoire privilégié, dune part pour se donner une contenance, dautre part pour essayer de rafler des pans entiers de lélectorat des partis traditionnels. Et cest ainsi quà lapproche des premières élections organisées en Roumanie après la deuxième guerre mondiale, au mois de novembre 1946, lon voit apparaître, comme par enchantement, des dissidences des trois grands parti traditionnels de lépoque : le parti national paysan, le parti national libéral et le parti social-démocrate. Et, sans surprise, toutes ces dissidences savèrent favorables aux alliances électorales et post-électorales avec les communistes.





Ces nouveaux partis, quasi homonymes, se distinguent du parti souche par le seul nom du leader dissident, marqué à la fin du nom du parti. Lon comptera ainsi donc le parti national paysan – Anton Alexandrescu et le parti national libéral – Gheorghe Tătărescu. Cette façon de procéder met demblée à jour le dessein inavoué et inavouable des communistes de phagocyter les partis traditionnels roumains, qui disposaient dune assise électorale et dun prestige considérable à la sortie de la guerre. Quant au parti social-démocrate, il se fera carrément accaparer par le parti communiste, à la faveur dun coup interne fomenté par les partisans des communistes. Son leader historique, Constantin Titel-Petrescu, unanimement respecté par lélectorat de gauche, est forcé à quitter son parti et en fonder un nouveau : le parti social-démocrate indépendant, celui qui poursuivra seul le combat des sociaux-démocrates contre la mainmise communiste sur le pays.





Le juriste Dan Amedeo Lăzărescu, membre des Jeunesses libérales dans les années 1940, avant de devenir prisonnier politique dans les années 50, a été lun des témoins privilégiés de lépoque. Interviewé en 1996 par le Centre dhistoire orale de la Radiodiffusion roumaine, il démonte et dénonce les tactiques inavouables employées par les communistes roumains dans leur marche inexorable vers le pouvoir absolu, quils comptaient bien rafler, dans lombre et sous la protection des chars soviétiques.





Dan Amedeo Lăzărescu rappelle les propos véhiculés par Petre Bejan, chef de file de la dissidence libérale, lors dune réunion de ce nouveau parti, réunion censée arrêter sa stratégie à la veille des élections de novembre 46 : « Il soutenait que dun point de vue électoral, tant notre dissidence libérale que les communistes, nous ne pesions pas lourd, que nous allons rafler tout juste 0%. Les communistes de même. Que tout le pays allait voter pour Maniu, allait voter pour le parti national paysan. Donc, que si nous, la dissidence libérale, allions seuls aux élections, sans les communistes, nous nous ferions écraser. Quil fallait donc aller ensemble. La réplique na pas tardé, et elle est arrivée de la bouche du grand avocat Patriciu Popescu, un de mes meilleurs amis, un mec qui tenait des discours formidables. Il sest levé et a dit : « Monsieur le président, vous plaidez pour une action illogique. Parce que, si on rajoute un zéro à un autre zéro, tels que vous prétendez que sont nos scores électoraux respectifs, et bien, cela fera toujours zéro. Cest un raisonnement qui sent très mauvais selon moi », fin de citation. Un discours qui a mis la salle debout. Malgré tout, au final, Petre Bejan a imposé le vote à main levée, refusant net le vote secret. Et plus de deux tiers des délégués ont voté pour que le parti aille aux élections sur des listes communes avec les communistes. »


Les libéraux qui ont fait opinion séparée lors de ce vote sont rentrés au bercail, ont quitté la dissidence, et ont rejoint le parti national libéral traditionnel, dirigé par Dinu Brătianu, le véritable chef de file des libéraux roumains.



Dan Amedeo Lăzărescu raconte : « Ceux qui sopposaient aux listes communes avec les communistes, ont décidé de revenir chez Dinu Bratianu. Jétais ami avec beaucoup dentre eux, avec Dumitru Alimăneşteanu, Bentoiu et, surtout, avec Costel Tătăranu et Aznavorian, et jai négocié leur retour. Au départ, certains puristes sy sont opposés vigoureusement. Mais, finalement, la sagesse de Dinu Bratianu lavait remporté, et ils ont été réintégrés au parti national libéral historique. Mais la dissidence, Tătărăscu et ses hommes, ont décidé de former un cartel électoral avec les communistes. »





Les sociaux-démocrates ont subi un sort encore plus malheureux, car leur parti avait été tout simplement confisqué par les communistes à la faveur dun putsch interne.



Dan Amedeo Lăzărescu se souvient : « Dans le parti de Titel Petrescu, les choses ont pris une tournure dramatique. Le gouvernement communiste a tenté le coup de force. Le 17 ou le 18 mars 1946, cest lors dun discours célèbre, tenu sous la coupole de lAthénée de Bucarest, que Titel Petrescu avait précisé sa position. En effet, il avait décidé daller aux élections seul, sans les communistes. Javais écouté son discours à lépoque, il faisait lapologie des Etats-Unis qui, disait-il, avaient gagné la guerre, certes avec le concours de lUnion soviétique. Son discours a soulevé la salle, une salle archicomble dailleurs. Et puis, place du Palais, à lextérieur de lAthénée roumain, je me souviens de la masse de jeunes sociaux-démocrates qui acclamaient : « Le socialisme et Titel, tous les Roumains les suivent ! ». Puis, Titel Petrescu avait convoqué le congrès de son parti, persuadé demporter ladhésion. Et ce sera son bon ami, Ştefan Voitec, qui lui a planté le couteau dans le dos. Ştefan Voitec, que Titel avait fait nommer à la tête du ministère de lEducation, alors que le portefeuille avait été cédé par Maniu à la seule condition que ce soit Titel Petrescu en personne qui loccupe. Et Titel Petrescu fut trahi par Voitec et par dautres de ses proches aussi. »





Malgré tous ces jeux de coulisses, lélectorat roumain de novembre 1946 ne fut pas dupe et plébiscita les partis historiques, anticommunistes. Le parti national paysan et le parti national libéral ont remporté haut la main ces élections, à hauteur de 78%, alors que les communistes, épaulés par leurs alliés collabos ne dépassèrent pas la barre de 22%. Malgré cela, le gouvernement communiste provisoire, instauré au pouvoir par les Soviétiques depuis le mois de mars 1945, falsifia les résultats de manière grossière. Quelques mois plus tard les partis historiques furent mis hors la loi et leurs leaders arrêtés. Le couperet du rideau de fer tombait, laissant la Roumanie dans la sphère dinfluence soviétique jusquau mois de décembre 1989. (Trad. Ionut Jugureanu)

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