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La Roumanie, l’Allemagne et la politique antisémite des années 1940

Néanmoins, des différences sensibles ont vu le jour pour ce qui est de lapproche des deux gouvernements à légard des communautés juives. En effet, si lAllemagne a embrassé la politique de la solution finale, surtout après 1942, la politique roumaine à légard de sa population juive a varié en fonction du moment, débutant par une politique radicale pour arriver, à la fin de la guerre, au refus dinterner les Juifs dans les camps qui leur étaient initialement destinés.

La Roumanie, l’Allemagne et la politique antisémite des années 1940
La Roumanie, l’Allemagne et la politique antisémite des années 1940

, 11.02.2019, 00:18

Néanmoins, des différences sensibles ont vu le jour pour ce qui est de lapproche des deux gouvernements à légard des communautés juives. En effet, si lAllemagne a embrassé la politique de la solution finale, surtout après 1942, la politique roumaine à légard de sa population juive a varié en fonction du moment, débutant par une politique radicale pour arriver, à la fin de la guerre, au refus dinterner les Juifs dans les camps qui leur étaient initialement destinés.



Lhistorien Ottmar Trașcă, de lInstitut dhistoire « George Barițiu » de Cluj, décrit la relation qui se construit entre la Roumanie et lAllemagne pour adopter une politique commune dans le traitement appliqué aux Juifs dans la première moitié des années 1940. Trașcă rappelle lattitude antisémite constante de la Roumanie à la fin des années 1930 et au début des années 1940. En effet, dans la mise en place de sa politique raciale, le régime du général Antonescu, au pouvoir en Roumanie du 5 septembre 1940 jusquau 23 août 1944, a bénéficié de lexpertise des nazis.



« Le régime Antonescu a initialement adopté une politique de roumanisation forcée. Cétait lépoque du gouvernement national-légionnaire, qui sest trouvé au pouvoir de 1940 jusquau mois de janvier 1941. En mars 1941, le capitaine de la SS Gustav Richter était nommé conseiller en charge des affaires juives à lAmbassade allemande de Bucarest. Il était arrivé à la demande du gouvernement Antonescu, à linstar des conseillers allemands responsables de bien dautres domaines. Pourtant, sa mission était singulière, car, en effet, il sagissait dharmoniser les législations roumaine et allemande à légard des Juifs. Dans un deuxième temps, à partir de lautomne 1941 et au cours de lannée 1942, il devait préparer la mise en œuvre de la solution finale en Roumanie. Les lois raciales et antisémites adoptées dans les 41 – ‘42 doivent beaucoup à Gustav Richter, son rôle étant décisif à cet égard. »



La collaboration entre les autorités roumaines et leurs homologues allemands a culminé avec le massacre des populations juives originaires de Bessarabie, de Bucovine du Nord, de Transnistrie et dOdessa. Ottmar Trașcă a trouvé dans les archives militaires allemandes des preuves irréfutables de cette approche roumano-allemande commune.



« Avec le début de la guerre entre lAllemagne nazie et lUnion soviétique, la question juive prend une dimension nouvelle. Nous constatons une coopération et une activité renforcée des unités mobiles dextermination allemandes, les Einsatzgruppen, sur le territoire roumain. Entendez par là les provinces de Bessarabie, de la Bucovine du Nord et de la Transnistrie. 4 unités Einsatzgruppen avançaient derrière les unités opératives allemandes et roumaines sur le front du Sud. Lune delles, Einsatzgruppe D, a été commandée par le colonel Otto Olendorf, et le bilan des crimes perpétrés par celle-ci est tout simplement effrayant. En effet, plus de 90 mille assassinats ont été mis sur le compte de cette seule unité. La quasi-totalité des rapports quotidiens envoyés vers Berlin faisait état dune excellente collaboration avec les autorités roumaines, quil sagisse de lArmée roumaine, de la gendarmerie ou encore de la police. Le degré de collaboration des autorités roumaines et du régime Antonescu à cet égard est arrivé à étonner même les leaders nazis, y compris Adolf Hitler. Le 19 août 1941, en sadressant à Goebbels, le Führer constatait que, je cite, « en ce qui concerne la question juive, un homme tel Antonescu agit de manière bien plus radicale que nous lavons fait nous-mêmes jusquà maintenant », fin de citation. Le fait que Hitler lui-même ait tenu ces propos en dit long ».



En juin 1942, le gouvernement roumain donne son accord pour la déportation des Juifs de nationalité roumaine qui se trouvaient à létranger. Suite à cette décision, 5000 Juifs résidant à létranger, dont une bonne partie en France, ont été déportés à Auschwitz, où ils ont trouvé la mort. Mais lattitude du gouvernement roumain allait changer sous peu. Ottmar Trașcă.



« La situation change radicalement à lautomne 1942. Aujourdhui, nous savons très bien quau mois daoût 1942, le gouvernement Antonescu a donné son accord pour déporter tous les juifs de Roumanie, à commencer par ceux originaires des départements de Timiş, Turda et Arad. Quest-ce qui a empêché la mise en œuvre de cette décision ? Notons, dabord, les interventions de Wilhelm Filderman, le représentant de la communauté juive de Roumanie, auprès du général Antonescu. Des interventions parfaitement construites et argumentées. Filderman a réussi à toucher la corde sensible dAntonescu, à savoir la question de lappartenance de la Transylvanie. Filderman posait le problème en ces termes : A quoi pouvait servir la déportation des Juifs, tant que la Hongrie nen faisait pas de même ? La déportation en masse des Juifs allait sans doute attirer des ennuis à la Roumanie et la désavantager dans la concurrence que les deux pays se livraient pour la possession de cette province. A noter que la Hongrie navait à lépoque déporté aucun Juif, et ce en dépit des pressions allemandes. Les arguments avancés par Filderman eurent leffet escompté. Notons encore les interventions du baron Francisc Neumann, un aristocrate roumain dorigine juive, celles de Iuliu Maniu, chef de file du parti national-paysan et leader historique des Roumains transylvains, enfin celles de la reine mère Elena. Mis à part les pressions internes, on peut accorder un certain crédit dans le changement dattitude du gouvernement roumain de lépoque à la note diplomatique aux accents ultimatifs, et envoyée au mois doctobre 1942 par le gouvernement américain, par lintermédiaire de la légation suisse de Bucarest. Le gouvernement américain menaçait le gouvernement roumain de rétorsions dirigées contre les citoyens roumains résidant aux Etats-Unis si la Roumanie poursuivait sa politique de déportation des Juifs de Roumanie. Enfin, la chose la plus importante, peut-être, a été la défaite de Stalingrad. Antonescu était quelquun de pragmatique et un militaire plutôt compétent. Après Stalingrad, il a dû comprendre que lAllemagne avait perdu la guerre. Alors, dès le mois de décembre 1942, on observe un changement dans la politique menée par la Roumanie à légard des Juifs, en ce sens quelle ne les envoie plus dans les camps de la mort de Pologne. Avec lagrément dAntonescu, les Juifs de Roumanie pourront émigrer en Palestine ».



Quoi quil en soit, la Roumaine et lAllemagne ont marché main dans la main pendant la deuxième guerre mondiale dans leur volonté commune de liquider lélément juif du continent européen en appliquant pour ce faire la solution finale. Et même si vers la fin de la guerre leurs approches respectives divergent, leur responsabilité commune dans la mise en place de la solution finale demeure entière à légard de lHistoire.


Trad. Ionut Jugureanu


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