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La Roumanie devant la Conférence de Paix de Paris de 1919

Avant la fin de l’année 1918, les régions de l’empire du Tsar et de l’empire d’Autriche-Hongrie où les Roumains étaient majoritaires avaient rejoint le royaume de Roumanie, formé jusqu’alors par les seules provinces de Munténie et de Moldavie. D’évidence, les traités de paix censés acter la fin de la Grande Guerre devaient marquer ces nouvelles réalités territoriales et le nouveau tracé des frontières. Malgré tout, le chemin vers la reconnaissance internationale des nouvelles réalités semblait semé d’embûches. La Roumanie se devait d’affronter les réticences des puissances alliées, qui lui reprochaient la paix de Bucarest, soit l’armistice séparé, que la Roumanie avait été obligé de signer avec les Allemands et les Autrichiens au début de l’année 1918, dans le contexte de la défection russe et face à la situation du front. Ainsi, l’atmosphère tendue qui a accompagné les négociations de paix est arrivée à un point tel que l’ancien président du Conseil des ministres, le libéral Ion I. C. Brătianu, claqua la porte des négociations, devant l’opposition acharnée des puissances alliées de transposer dans les faits les engagements pris à l’égard de la Roumanie, en 1916, lors de son entrée en guerre du côté des alliés. .

La Roumanie devant la Conférence de Paix de Paris de 1919
La Roumanie devant la Conférence de Paix de Paris de 1919

, 10.02.2020, 13:19


L’historien Ioan Scurtu rappelle les griefs émis en 1919 par que les Quatre Grands, soit la France, la Grande-Bretagne, l’Italie et les Etats-Unis, à l’égard de la Roumanie. Ecoutons-le : « La Roumanie avait dû signer un armistice séparé avec les Puissances centrales, suite à la défection russe et à son isolement total sur le front de l’Est. Mais cette paix séparée avait néanmoins reçu l’agrément préalable des Allié, selon les documents qui se trouvent en notre possession. D’un autre côté, les engagements pris par l’Entente en 1916 à l’égard de la Roumanie pour déterminer son entrée en guerre du côté des Alliés, présentaient un certain nombre d’avantages évidents pour la Roumanie. Ion I. C. Brătianu avait négocié d’une main de maître cet accord avec les Alliés. C’était au moment où la France se trouvait dans une position extrêmement fragile sur le front de l’Ouest, et où l’armée russe pataugeait en Galicie. Alors, l’entrée de la Roumanie du côté de l’Entente était essentielle pour réduire autant que possible la pression sur ces deux fronts. C’est dans ces conditions que les Alliés avaient accepté toutes les conditions roumaines, des conditions que la France notamment commençait à trouver démesurées lors des négociations de paix ».


Et, en effet, dans le contexte de la situation militaire de 1916, l’entrée de la Roumanie aux côtés des Alliés s’était avérée être une véritable bouée de sauvetage pour ces derniers. L’historien Ioan Scurtu apprécie la détermination roumaine d’avoir su tirer profit de cette situation, en obtenant l’accord des Alliés sur un grand nombre des revendications dans l’éventualité de leur victoire finale. Mais quelles étaient les revendications roumaines de 1916? Ioan Scurtu : « Il s’agit d’abord de la question de la future frontière du nord et de l’ouest de la Roumanie, que Ion Bratianu, le premier ministre libéral de l’époque, avait tracée avec un soin particulier. Sur cette carte étaient soigneusement marqués les noms des collines, des villages et des ruisseaux traversés, de telle sorte que lors de la conférence de paix, contester cette carte, dont les contours avaient été agrées en 1916 par les Alliés, était peine perdue. Mais les contours de cette frontières suivaient en gros la rivière Tisza, et ce jusqu’à ce qu’elle rejoigne le Danube, mettant toute la région du Banat du côté roumain de la frontière. Or, cela mécontentait grandement les Serbes, qui trouvaient que la frontière roumaine se trouverait trop près de leur capitale, Belgrade, qui pouvait être atteinte par les obus tirés du côté roumains le cas échéant. Et les Serbes revendiquaient fermement une zone de sécurité autour de leur capitale, faisant fi de la promesse roumaine de garder cette frontière avec la Serbie comme zone non militarisée ».


Enfin, au mois de janvier 1919 ont débuté les travaux officiels de la Conférence de Paix de Paris. La Roumanie ramena ses cartons, avec les engagements signés par les Alliés en 1916. Malgré tout, une paix durable ne pouvait être envisagée en l’absence d’un certain nombre de compromis. Des compromis encore à trouver lors des négociations. Ioan Scurtu détaille : « Il y avait des différents évidents entre la position des Quatre Grands, le président américain et les premiers ministres britannique, français et italiens d’un côté, et le premier ministre roumain, Ion I. C. Brătianu, de l’autre. En effet, tout d’abord, ce dernier, s’appuyant aussi sur les articles de la Convention du 4 août 1916, prétendait un traitement d’égalité dans les négociations, entre la Roumanie et les Quatre Grands. Or, la Conférence de Paix avait institué, d’une part un Conseil suprême, dont faisait partie les Quatre Grands, puis les autres Etats alliés, dont la Roumanie, considérés comme des Etats ayant des intérêts limités dans les négociations de paix. Or, Monsieur Bratianu, s’appuyant d’ailleurs sur la position de principe du président Wilson, insistait pour un traitement d’égalité entre les Etats vainqueurs dans les négociations de la Conférence. Mais, bon, clamer l’égalité est une chose, la mettre en pratique en est une autre. Car c’est bien le président Wilson lui-même qui lui donna le change, expliquant à Ion Bratianu que le poids des Etats lors de la Conférence de Paix se doit d’être directement proportionnel à leurs puissances militaires respectives ».


Brătianu s’était ainsi vu ramené les pieds sur terre. Et c’est bien son remplaçant à la table des négociations, M. Alexandru Vaida Voevod, qui aura l’honneur de signer les traités augurant de ce qu’allait être la Grande Roumanie. Ioan Scurtu: « Il était de fait impensable qu’un petit Etat, qui plus est avec des revendications territoriales, puisse obtenir l’égalité de traitement avec les grandes puissances qu’étaient les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie. Même Bratianu s’était finalement rendu compte de l’impossibilité de la mise en pratique de ses revendications. Et c’est la raison pour laquelle il a cédé la présidence de la délégation roumaine à Alexandru Vaida Voevod, pas avant de lui avoir conseillé de rejoindre la Franc-maçonnerie. Car, Brătianu était au courant des solidarités maçonniques, et avait appris qu’une bonne partie des décisions essentielles étaient prises à l’occasion des réunions maçonniques. Devant le parlement de Bucarest, Vaida s’était par la suite défendu de son choix, arguant néanmoins de la nécessité de défendre les intérêts de la Roumanie par ce biais aussi ».


En fin de compte, la Roumanie obtient la reconnaissance internationale de ses nouvelles frontières, à travers le traité de paix conclu avec l’Autriche, et qui scellait l’union de la Bucovine à la Roumanie, puis à travers la reconnaissance internationale de l’union de la Transylvanie et des deux-tiers de la région du Banat au royaume roumain. (Trad. Ionut Jugureanu)

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